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[CRITIQUE] : Iron Claw


Réalisateur : Sean Durkin
Acteurs : Zac Efron, Harris Dickinson, Jeremy Allen White, Lily James, Holt McCallany, Stanley Simons, Maura Tierney,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h13min.

Synopsis :
Les inséparables frères Von Erich ont marqué l’histoire du catch professionnel du début des années 80. Entrainés de main de fer par un père tyrannique, ils vont devoir se battre sur le ring et dans leur vie. Entre triomphes et tragédies, cette nouvelle pépite produite par A24 est inspirée de leur propre histoire.



Critique :


Aussi théâtrale et cynégétique soit-il, le catch, véritable sport spectacle - et encore plus depuis la main mise sur le business de la surpuissante WWE -, n'a pourtant pas réellement eu les honneurs de fictions dignes de ce nom sur grand écran, mis a part le bijou The Wrestler de Darren Aronofsky (l'excellent Cassandro de Roger Ross Williams, n'a eu les honneurs que d'une sortie sur Prime Vidéo par chez nous).

Après tout à quoi bon faire du cinoche avec un sport qui, sur le ring, fait justement du cinéma avec des combats ampoulés à l'issue aussi courue d'avance que les coups assénés ?
Avec une telle pensée, évidemment, cela ne servirait strictement à rien de se donner la moindre peine à filmer ce qui peut s'assimiler à des pros de la gonflette aux punchlines (souvent) faciles.

Copyright Leonine

Et pourtant, ce serait décemment se priver de découvrir moultes figures fascinantes - surtout quand elles sont en bout de course -, d'apprendre à connaître ces hommes et ces femmes défiant la raison et dédiant leurs corps sur l'autel de l'entertainment, pour mieux électriser une foule se laissant volontairement berner par leurs " fausses " bagarres, tout en étant ébloui par leurs vrais exploits physiques - et c'est un fan qui parle.

Projet férocement ambitieux voulant encapsuler la destinée tragique de l'une des familles les plus importantes de la lutte professionnelle (sans doute la plus importante avec les Hart), Iron Claw de Sean Durkin base justement toute sa force dans la sublimation de la chair meurtrie masculine, un outil à perfectionner pour plaire au public, une carapace qui se brise lentement à la fois sur et en-dehors du ring, usé parce que trop souvent repoussé jusqu'à ses limites.
Pas étonnant que Zac Efron en soit le porte étendard, l'aîné des Erich - le protecteur Kevin -, les muscles huilés et gonflés qui portent et endurent tous les maux (le film), qui incarnent symboliquement tous les sacrifices d'une vie ou seul le physique compte (n'a t-il jamais été considéré comme autre chose qu'un simple sex symbol à Hollywood ?).

D'un récit sur une famille hantée dans une maison sans hantise - The Nest -, Sean Durkin s'attache cette fois à celui d'une famille hantée par une malédiction qu'elle s'est elle-même prodiguée, fruit de la dureté et de la toxicité d'un artisan paternel usant - littéralement, jusqu'à la mort - des corps et des vies de ses fils, pour assouvir ses propres aspirations professionnelles, lui qui n'a jamais eu le talent nécessaire pour y arriver.

Copyright Leonine

“ Mom tried to protect us with God.” 

Très tôt, chaque fils de la famille (une fratrie ici réduite à l'écran, un choix conscient et salutaire) sait au fond de lui-même que sa présence plus ou moins consentie entre les cordes, que sa quête sacrificielle de suivre le rêve paternel ne peut que les mener à leur perte, une inéluctabilité dont ils ne peuvent fuir - avant tout et surtout par amour -, même s'ils le voudraient.
Mais loin de faire de ses personnages les martyrs d'une destinée sèche et douloureuse, les victimes d’une masculinité toxique rude et dominante, le cinéaste rationalise leur tragédie, épouse sans réserve les courbes du mélodrame pour mieux transcender leur histoire, pour mieux dévaster ceux qui s'y abandonne complètement.

Car qu'on se le dise, Iron Claw n'a définitivement rien du divertissement sportif sous fond d'adversité que peine à vendre sa (maigre) campagne promotionnelle, il est purement et simplement une incroyable et ludique tragédie grecque (même si, paradoxalement, le tableau n'est jamais totalement noir), ou la frontière entre la vie et la mort, la joie et le malheur, les rires et les larmes, sont aussi fines qu'un compte de trois.

Sean Durkin, tel un booker professionnel, donne suffisamment de corps et d'espace à chacun de ses personnages pour exister sur (ou ils apparaissent comme des Dieux grecques tout droit sortis du néoclassique, sculptés dans le marbre de la photographie puissante de Mátyás Erdély) et en-dehors du ring, pour épouser leur énergie (parfois à la limite de la caricature) et leur amour (fraternel comme celui qui unit Kevin et Pam, qui a peu de temps pour s'épanouir à l'écran mais terrasse par sa sincérité).

Copyright Leonine

“Dad tried to protect us with wrestling.”

S'il a le bon ton de ne pas jouer la carte du récapitulatif des tragédies ayant frappés les Von Erich (quelques événements sont intelligemment gommés de la narration), sans pour autant ménager ses électrochocs émotionnels, Iron Claw se fait une exploration troublée et troublante d'une famille qui s'auto-dévore dans sa propre affection, qui s'abîme physiquement, psychologiquement et affectivement en suivant le chemin corrosif et toxique de la perfection, qu'on leur a demandé de croire sans réserve.
Car si tout est- littéralement - une question de lutte, si le sport lui-même est une religion (un exutoire salvateur comme une puissance écrasante et mortelle), leur père ne peut en être que le Dieu capricieux et inquisiteur, qui banit toute vulnérabilité, classifie son affection, vante la douleur comme une récompense.

Un magnifique rise and fall musclé, brutal et à cœur ouvert, dominé de la tête et des épaules par un impressionnant Zac Efron tout en intériorité, à la fois lumineux et brisé, résilient et résilié, un monstre de Frankenstein sensible et musclé, lucide dans sa manière de consciemment porter toute la misère du monde sur ses (trop) larges biscottos (définitivement sa plus belle prestation à ce jour).
Difficile de ne pas citer non plus la performance magnétique et vampirique du grand Holt McCallany en Fritz Von Erich.

Plus que de nous river les épaules au sol, Sean Durkin nous met K.O. intense et viscéral, de la plus belle des manières.


Jonathan Chevrier


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