[CRITIQUE] : Argylle
Réalisateur : Matthew Vaughn
Avec : Bryce Dallas Howard, Sam Rockwell, Henry Cavill, John Cena, Dua Lipa, Ariana DeBose, Catherine O'Hara, Bryan Cranston, Samuel L. Jackson,…
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Action, Espionnage, Thriller.
Nationalité : Britannique.
Durée : 2h19min.
Synopsis :
Elly Conway est l'auteure solitaire d’une série de romans d’espionnage à succès, dont l’idée du bonheur se résume à une soirée tranquille à la maison avec son ordinateur et son chat, Alfie. Mais lorsque les intrigues de ses livres, centrés sur l'agent secret Argylle et son combat pour démanteler un réseau d'espions mondial, commencent à ressembler étrangement aux opérations secrètes d'une véritable organisation d'espions, sa tranquillité ne devient plus qu’un souvenir. Aux côtés d’Aidan, un espion pourtant allergique aux chats, Elly n’hésite pas à embarquer Alfie dans son sac à dos pour mieux se lancer dans une course contre la montre aux quatre coins de la planète afin de distancer de dangereux tueurs et empêcher ses fictions de dépasser la réalité.
Critique :
Écrit par Taylor Swift ou non, #Argylle, même si Vaughn pousse le bouchon trop loin au point de perdre son originalité, joue du mystère de son autrice et de sa trame narrative pour accoucher d’un nouveau Kingsman, moins sexiste mais presque aussi jouissif. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/kGrCKK8Ecw
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) January 31, 2024
Argylle, le nouveau film de Matthew Vaughn, serait-il en train de créer une nouvelle façon de promouvoir un film ? Une rumeur enfle, depuis quelques semaines, sur l’identité de l’autrice du livre éponyme, dont le film est une adaptation libre. Elly Conway serait nulle autre que Taylor Swift, la chanteuse américaine qui semble être partout ces derniers temps. Les fans voient le cardigan que porte Bryce Dallas Howard, qui interprète un des personnages principaux, comme une preuve (cardigan étant le titre d’une chanson phare de la chanteuse). Le chat et son panier/sac à dos seraient aussi une preuve, Taylor Swift possédant la même race de chat, qu’elle balade de la même façon dans son documentaire Netflix, Miss Americana. Les posts cryptiques de l’autrice sur Instagram, n'aident en rien à calmer les rumeurs. Celle-ci s’amuse à poster des photos de New York, ville où réside Taylor Swift. Aucune photo d’elle n’existe sur le web et elle refuse toute demande d’interview. Enfin, la façon dont Matthew Vaughn et sa société de production ont obtenu les droits d’un livre pas encore publié, d’une autrice inconnue au bataillon, pose question. Ces éléments mystérieux éveillent la curiosité et entourent le film d’une aura fascinante.
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Le trouble réel autour de Elly Conway sert le propos du film de Matthew Vaughn qui signe avec Argylle un nouveau film d’espionnage, avec son humour coutumier et son sens du divertissement. Car le film a plus d'un tour dans son sac. Elly Conway, comme dans la vraie vie, est l’autrice d’une saga de romans d’espionnage à succès dont le quatrième tome vient de sortir. Vivant recluse avec son chat, les promos de ses romans sont de rares occasions d’avoir une vie sociale. Mais l’écriture du cinquième opus de sa saga s’avère plus difficile que prévu. Après l’avoir fait lire à sa mère, sa première lectrice, Elly comprend que son plot twist final est lamentable. Sortant de sa bulle, elle prend le train, avec son manuscrit et son chat, rendre visite à ses parents afin de retrouver l’inspiration. Ce qu’elle va trouver cependant, ce n’est ni l’inspiration, ni ses parents, mais une aventure digne de ses romans …
On peut facilement s’identifier à cette Elly simple (mais riche), qui imagine son héros, l’agent spécial Argylle, sous les traits de Henry Cavill (avec une improbable coupe en brosse…). Une dynamique comique s’installe quand ses habitudes et ses angoisses se télescopent aux mouvements super entraînés de Aiden (Sam Rockwell), venu solliciter son imagination d’autrice pour récupérer des documents ultra secrets. De l'imagination, elle en a à revendre tandis que son sauveur, Aiden, combat des méchants. Celui-ci n'a rien d'un beau-gosse aux muscles saillants, qui prendrait la pose entre deux coup de poings et l'esprit d'Elly n'a de cesse d'imaginer son bel Henry Cavill à sa place.
Argylle a quelque chose de Kingsman, dans sa générosité de divertissement. Le film ne se prend pas la tête et nous embarque dans une aventure d’espionnage de haute volée. On retrouve la vibe “à l’ancienne” des films d’action des années 2000 (Sam Rockwell ne faisait-il pas, d’ailleurs, un méchant charismatique et agile dans Charlie’s Angels ?) et un humour plus actuel de la saga Kingsman. La façon dont le scénario enchaîne les twists (parfois délicieux, parfois douteux) prend presque au mot le terme de rollercoaster qu’avait utilisé Martin Scorsese pour parler des films Marvel. À force de vouloir pousser le bouchon plus loin (Maurice n’y est pour rien), Matthew Vaughn perd de son originalité. La séquence du train, par exemple, ressemble à s’y méprendre à Knight and Day, où l’on trouvait déjà la dynamique femme innocente / espion entraîné.
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Mais l’on suit ce cinéma qui singe tous les codes du films d’espionnage avec plaisir. Le film s’amuse des situations cocasses et des personnages typiques du genre (les méchants, les personnages neutres et "exotiques" à la James Bond, etc …). Sam Rockwell s’amuse, tandis que Bryce Dallas Howard, plus à l’aise quand elle doit jouer la fille innocente, n’est plus si crédible quand elle doit donner de sa personne. Écrit par Taylor Swift ou non, Argylle joue du mystère de son autrice et de sa trame narrative pour accoucher d’un nouveau Kingsman, moins sexiste, moins english, et presque aussi jouissif.
Laura Enjolvy
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Cinéaste turbo-beauf, wannabe Guy Ritchie en herbe qui a réussi la prouesse d'éreinter fièrement et sûrement tout le capital sympathie que l'on pouvait avoir à son égard depuis Kick-Ass et Kingsman premier du nom, Matthew Vaughn, entre deux prequels ennuyés et ennuyeux aux aventures de Eggsy (une franchise qui elle-même, empire d'épisode en épisode avant d'atteindre le sommet de la gênance d'ici quelques temps, avec une suite au prequel centré sur... l'avènement d'Hitler), s'est décidé à " élargir " (on se comprend) son terrain de jeu avec ce qui a tout d'un gros prank cynique as hell : l'adaptation d'un livre marketing, entouré d'un buzz proprement invraisemblable - celui son lequel Taylor Swift en est l'auteure.
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Soit Argylle donc, énième thriller d'espionnage sauce comédie romantico-pathétique et cartoonesque qui louche comme un sagouin autant sur une pluie de références plus ou (surtout) moins bien digérées (À la poursuite du diamant vert en tête, avec un bon nappage du honteux The Tourist en prime), que sur la filmographie même de son auteur, dans un cocktail d'auto-citation/régurgitation tout en second degré, à la " narration " incohérente et brossée à la volée (une double temporalité fiction/réel ou tout se confond dans la bêtise), enchaînant les twists plus risibles les uns que les autres (à en épuiser le plus Shyamalan-zouze des Shyamalan-zouzes) tout en jouant avec indécence sur la suspension d'incrédulité de son auditoire.
Poussif et générique as hell, franchissant sans broncher la frontière de la parodie gênante (pire encore qu'un L'espion qui m'a largué, qui avait Kev Adams en guest), qui annihile la moindre particule de tension et d'ampleur que Vaughn tente déjà fébrilement de distiller avec un manque d'ambition désespérant, à l'image d'une mise en scène rivalisant de laideur et ne donnant jamais assez de corps (et encore moins d'inventivité) à des séquences de bravoure improbable (un combat " huilé " aux couteaux) quand elles ne sont pas molles et instantanément ringardes (dont les effets spéciaux font totalement relativiser ceux déjà horribles de Expendables 4).
Certes, puisqu'il ne faut jamais masquer même les petites victoires, tout n'est pas totalement à jeter puisque le bonhomme, pas forcément reconnu pour la finesse de sa plume en ce qui concerne les personnages féminin, à au moins cette fois le bon ton de ne pas se gaufrer dans une misogynie primaire (pas de récompense anale ou de micro-vagin cette fois, tant mieux), quand bien même il s'échine à totalement appuyer l'erreur de casting criante, entourant le personnage d'une Bryce Dallas Howard jamais crédible, et qu'on aurait aimé ailleurs.
C'est maigre donc, rachitique même, et un Sam Rockwell dansant couplé à un Henry Cavill Danko-esque (pense Double Détente et Schwarzenegger, pas la balayette), ne sauvent définitivement pas tout.
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Produit dérivé insipide de productions dérivées, qui implique à son auditoire de perdre toute notion de goût avant d'entrer en salles, Argylle se fait une parodie du déjà peu perceptible " Vaughn style " (qui est lui-même, du sous-Ritchie, lui-même - parfois - du sous-Scorsese sauce Tarantino etc...), divertissement faussement décomplexé (le fun n'est - et encore - que dans la bande annonce) façon wannabe 007-like chapeauté comme un film Scooby-doo, en moins fun.
D'ici quelques temps, Guy Ritchie s'en va dézinguer du nazi pour lieux réécrire l'histoire comme son modèle QT - coucou The Ministry Of Ungentlemanly Warfare -, Vaughn va suivre ses pas avec un Kingsman 4 plus redouté que jamais.
Tout va bien, dans le meilleur des mondes du blockbuster friqué et impersonnel...
Jonathan Chevrier