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[CRITIQUE] : Saltburn

Réalisatrice : Emerald Fennell
Avec : Barry Keoghan, Jacob Elordi, Rosamund Pike, Alison Oliver, Carey Mulligan, Archie Madekwe, Richard E. Grant,…
Distributeur : Amazon Prime Vidéo France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame, Thriler.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h07min

Synopsis :
L'étudiant Oliver Quick, qui peine à trouver sa place à l'université d'Oxford, se retrouve entraîné dans le monde du charmant et aristocratique Felix Catton, qui l'invite à Saltburn, le vaste domaine de sa famille excentrique, pour un été qu'il n'oubliera pas de sitôt.




Critique :


Au cœur d'une société contemporaine tout en fracture, alimenté par d'innombrables tensions politiques, économiques et environnementales, où la richesse et le pouvoir des plus riches continuent de croître alors que la précarité et la santé des plus démunis en fait, parallèlement, de même; des œuvres telles que Pig, The Menu, Parasite ou même Saltburn, s'inscrivent donc de part leurs thématiques, dans une démarche pertinente, quand bien même leur narration elle, ne l'est pas - toujours - forcément (aussi mordantes soient certaines d'entre-elles).

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Dans l'ombre imposante du Talentueux Mr. Ripley (trop peut-être, selon les avis), le film de la confirmation pour Emerald Fennell, Saltburn, se fait un savoureux et piquant mélange entre le roman gothique (même si la comparaison pourrait paraître contre-intuitive, elle est affirmée par la cinéaste) et le thriller satirique et caustique à la sexualité frontale, cloué aux basques d'un jeune étudiant en première année à Oxford, Oliver (un imposant et merveilleusement sournois Barry Keoghan), qui infiltre maladroitement le cercle social/élite de son camarade de classe, Félix (le rejeton le plus riche du bahut), tant il a cruellement soif d'être comme lui - où tout simple d'être lui.

Un jeune homme obsédé par le luxe, le confort et l'arrogance désinvolte que la richesse offre, à tel point qu'il en est aussi avide qu'impitoyable, peut-être autant que celles et ceux (plus superficiels et artificiels que lui, cela dit) dont ils s'accrochent désespérément, pour qui il n'est qu'un jouet qui sera jeté une fois l'ennui venu.
Mais Oliver a un secret : il n'est pas aussi pauvre qu'il le prétend, il n'est pas fils unique et ses parents ne luttent pas contre la toxicomanie (son père n'est même pas mort)...

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Tout comme pour Promising Young Woman, Fennell pose sa caméra sans moindre jugement moral, au cœur d'une plongée vénéneuse et enivrante d'un jeune homme désirant être encore plus riche qu'il ne l'est, un désir mué par une violence silencieuse, à la fois pathétique et soumis, manipulateur et déroutant, envers des personnes tout aussi pitoyables et violents qu'il l'est.
Tout comme Promising..., parle d'une faim toxique, d'une âme si monomaniaque à l'idée d'obtenir quelque chose qu'elle est prête à faire des compromis moraux pour y arriver; parle d'un amour impossible, ici un monde qui ne vous aimera jamais en retour.

Plus qu'une exposition de la vérité - souvent fantasmée - et de l'hypocrisie des plus riches dans une atmosphère aussi étouffante que patricienne, Saltburn, tout tout aussi cathartique mais infiniment moins percutant que son ainé (voire bien trop conventionnel pour son bien), est une mise en images du conflit de classes pathétique et artificiel entre les ultra-riches et ceux de la classe moyenne supérieure, une satire sur des êtres qui méritent d’être satirisées qui fonctionne dans ses deux premiers tiers avant d'un poil se perdre dans une conclusion interminable.

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Imparfait sur de nombreux points certes, mais follement audacieux et provocateur dans sa volonté d'être à la fois nauséabond et fascinant, d'être encore plus méchant que Promising Young Woman, tout en ayant conscience de ne pas pouvoir être aussi mémorable, de trancher dans le vif de la haute bourgeoisie anglaise et de ses figures délirantes, dans un démantèlement en règle qui nous en apprend aussi, un peu, sur nous-mêmes.


Jonathan Chevrier