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[CRITIQUE] : L'Amour qu'il nous reste


Réalisateur : Hlynur Pálmason
Avec : Saga Garðarsdóttir, Sverrir Gudnason, Ída Mekkín Hlynsdóttir, Þorgils Hlynsson,…
Distributeur : Jour2fête
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Islanais, Danois, Suédois, Français.
Durée : 1h45min

Synopsis :
La trajectoire intime d’une famille dont les parents se séparent. En l’espace d’une année, entre légèreté de l’instant et profondeur des sentiments, se tisse un portrait doux-amer de l’amour, traversé de fragments tendres, joyeux, parfois mélancoliques. Un regard sensible sur la beauté discrète du quotidien et le flot des souvenirs qui s’égrènent au rythme des saisons.





Il ne suffit qu'une petite poignée de plans pour que le talentueux cinéaste Hlynur Pálmason, établisse que son nouveau long-métrage, L'Amour qu'il nous reste, diffère totalement de son précédent effort (lui aussi cadré en format 4:3, et tourné en 35 mm), le magistral et mystique Godland : une introduction, claire et limpide, qui expose tranquillement mais sûrement (à l'image du divorce parental qu'il met en scène, en apparence sans heurt... tout du moins au départ) sa volonté de saisir, dans toute son ampleur et sa complexité, le quotidien d'une famille islandaise au fil des saisons et pendant une année entière.
Un portrait à l'image de son cinéma tout aussi singulier que saisissant, capturant patiemment, tout en silences (ou en dialogues naturalistes) et en petits gestes, la gymnastique spontanée que la routine du quotidien à fait muter en automatismes qui, par le prisme du septième art, deviennent une représentation à la fois symbolique et bouleversante de l'existence dans sa plus stricte monotonie.

Pálmason saisit chaque nuance de la poésie du quotidien de ses personnages (leurs deplacements, leurs attitudes, la place qu'ils prennent - pas uniquement d'un point de vue physique - dans l'espace de vie familial) avec une attention presque obsessionnelle, le fragmente (avec des coupes franches mais essentielles), le décortique, le sur-expose pour mieux localiser et empoigner le ver dans la pomme, souligner les dissonances d'un étouffement silencieux qui ne demande qu'à tout faire imploser.

Copyright Hlynur Pálmason

Le temps n'est ici qu'un miroir réfléchissant des angoisses, des frustrations et des envies de chacun, qui expose les blessures du temps comme la fluctuation des sentiments et l'évolution des attitudes, notamment à travers une manière particulièrement habile et lucide de pointer l'impact de la mécanique sociale sur la sphère intime, moteur d'un changement de dynamique familial implacable (les longues absences du père pêcheur, maître sur son chalutier mais incapable de contourner les vagues que subit son foyer, où encore la frustration de la mère à ne pas pouvoir pleinement s'exprimer artistiquement).
La caméra, elle, transcende l'apparente superficialité de son exposé désinvolte, renforce l'intimité dans une sorte de coexistence subtile avec ses sujets, elle qui vient donner du sens à l'édifice que cherche à construire Pálmason, une âme et de l'émotion quand bien même elle ne peut rien fasse aux - légères - tentatives maladroites d'auto-sabotage de son artisan (l'usage d'une musique absolument insupportable et l'insert de quelques éléments surréalistes en tête).

Réussissant la prouesse on ne peut plus louable de ne jamais faire preuve de trop de lourdeur, ni même d'embrasser l'absurde le plus complet (ce qui pend logiquement au nez d'une telle entreprise), L'Amour qu'il nous reste, à la fois grave et ludique, incarne une merveille de comédie dramatico-existentielle à la puissance discrète, où la beauté comme la justesse du cinéma de Roy Andersson n'est jamais très loin.


Jonathan Chevrier