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[CRITIQUE] : Godzilla Minus One


Réalisateur : Takashi Yamazaki
Acteurs : Ryûnosuke KamikiMinami HamabeYûki Yamada,...
Distributeur : Piece of Magic Entertainment France
Budget : -
Genre : Science-fiction, Action, Aventure.
Nationalité : Japonais.
Durée : 2h04min

Synopsis :
Le Japon se remet à grand peine de la Seconde Guerre mondiale qu’un péril gigantesque émerge au large de Tokyo. Koichi, un kamikaze déserteur traumatisé par sa première confrontation avec Godzilla, voit là l’occasion de racheter sa conduite pendant la guerre.



Critique :


Alors qu'il n'a jamais totalement quitté nos écrans depuis son arrivée tonitruante dans la jungle du septième art, au milieu des années 50, il est assez paradoxal de se dire que les bons films Godzilla depuis plusieurs décennies maintenant (prenons une petite fourchette, genre depuis l'immondice modérément fun de Roland Emmerich en 1998), se compte sur les doigts d'une main méchamment amputée.

Copyright Toho Co., Ltd.

Alors que le pape du kaijū eiga se fait, actuellement et pas vraiment poliment, gangbangisé avec son poto King Kong, du côté du monster-verse mongolito-Marvelien d'un tandem Legendary Pictures/Warner Bros. Discovery qui a définitivement lâché la rampe passé l'excellent reboot de Gareth Edwards (qui était sorti dans la foulée du Shin Godzilla de Hideaki Anno et Shinji Higuchi), il s'offre donc, parallèlement sur ses propres terres nippones, un redémarrage tout en douceur et tout en terreur avec Godzilla Minus One de Takashi Yamazaki (le génial Lupin III : The First).

Un retour aux sources ou le cinéaste prend le Toho par les cornes (pardon), pour nous ramener un roi des lézards qui n'a cette fois aucun poto kaijus sympatoches, aucun ennemi incarnant le symbole d'une menace écologique, ni même un autre tout robotisé incarnant le summum putassier du capitalisme mondial : ce Godzilla est labelisé pure source d'élevage originale et à l'ancienne, flanqué dans un Japon malade et post-Seconde Guerre mondiale, un monstre brutale et puissant qui se fait le miroir douloureux d'une humanité encore plus sombre et embaumé par la mort - une arme nucléaire tout en écailles de plusieurs milliers de tonnes, tout simplement.

Comme le film original de Ishirō Honda (et son hommage américain par Edwards), Minus One incarne un habile cocktail entre le film de monstres, le mélodrame historique classique et à hauteur humaine, ainsi que le brûlot anti-guerre qui capitalise furieusement sur les angoisses d'un Japon traumatisé par la Seconde Guerre mondiale et la double attaque nucléaire des États-Unis, ici sans armée ou presque ni soutien mondial, face à une menace encore plus imposante.
L'attention y est sensiblement vissée sur Koichi Shikishima, un pilote kamikaze qui porte le fardeau de toute la tragédie de la récente guerre sur ses larges épaules (pour échapper à une mort qui l'attendait, il a simulé un dysfonctionnement).

Copyright Toho Co., Ltd.

Tout le récit est à sa hauteur, Yamazaki prenant intelligemment le temps pour le développer, le rendre empathique - lui comme ses proches -, véritable anti-héros méprisé par les autres mais surtout par lui-même, pour n'avoir pas su mener à bien sa mission (mourir sans gloire pour un conflit qui n'était pas le sien), et qui tente de fébrilement refaire sa vie entre les décombres des bombardements, de rebâtir un quartier qui ne sera in fine qu'un château de cartes face à Godzilla.

Et c'est là, au fond, la véritable force du film, plus que dans sa manière jouissive d'embrasser les coutures d'un divertissement chaotique et spectaculaire, avec un respect infaillible des échelles : le soin opéré dans l'écriture de ses personnages, de tous les lier autour des thèmes de l'auto-préservation essentielle, d'un refus de la violence sourde et du lourd poids qu'intime un pouvoir en place absurde et injuste, sur leurs populations en temps de guerre (un regard qui n'est pas sans rappeler les derniers efforts de Hayao Miyazaki).

Évidemment, tout implose encore plus à l'arrivée - concrète - dans le second acte de Godzilla, manifestation vivante de la terreur nucléaire à laquelle la riposte humaine se fait merveilleusement... crédible, puisque si le design du bestiaux est bel et bien moderne (et il en jette clairement), c'est la réalité historique qui prime dans son affrontements déséquilibré avec le peuple nippon : une arme décimée et en reddition, une flotte navale ridiculeusement maigre et une organisation internationale figée par l'affrontement États-Unis/URSS, laissant seulement les civiles - comme en temps de guerre - résister comme ils le peuvent face à l'horreur.
Et le Godzilla de Minus One est vraiment, vraiment terrifiant, une pure arme de destruction massive implacable aussi dévastatrice qu'indifférente, le symbole démesuré d'une humanité toujours plus tenté de répondre par la violence, avec encore plus de violence.

Copyright Toho Co., Ltd.

Avec ses enjeux merveilleusement humains (ou tout est lié, un Koichi désespéré à un Japon qui l'est tout autant et en pleine reconstruction, un gouvernement - nippon comme mondial - absent et aveugle à une menace monstrueuse et, elle aussi, aveugle), son exorcisation des traumas japonais et son message intensément politique (qui se fait encore plus pertinent vu l'état du monde actuel), le film de Takashi Yamazaki, techniquement renversant, trompe le pendant vulgairement absurde et Marvelisé du roi des lézards outre-Atlantique (ni plus, ni moins qu'une grosse bébette qui casse tout avec ses amis kaijus, comme des sales gosses dans un musée Lego), pour lui redonner ses terrifiantes et brutales lettres de noblesse, dans un blockbuster héroïque certes pas dénué de quelques longueurs (un détail), mais savoureusement galvanisant.

Juste énorme.


Jonathan Chevrier


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