[CRITIQUE] : Jay Kelly
Réalisateur : Noah Baumbach
Avec : George Clooney, Adam Sandler, Laura Dern, Billy Crudup, Grace Edwards, Stacy Keach, Riley Keough, Patrick Wilson, Jim Broadbent, Eve Hewson, Alba Rohrwacher, ,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h12min
Synopsis :
Le célèbre acteur de cinéma Jay Kelly entreprend un voyage introspectif à travers l'Europe avec son fidèle manager.
On avait laissé le cinema de Noah Baumbach sur un sacré petit bout de cinéma : White Noise, mélange des genres savoureusement bordélique (la comédie satirique et désordonnée, le drame familial post-apocalyptique, le film à suspense et même la comédie musicale) qui ne se souciait même plus de sa cohérence (tout en sachant pertinemment qu'il en avait une), une bande qui s'éloignait gentiment du texte source (adaptation du roman éponyme considéré comme intraduisible, de Don DeLillo) tout en incarnant un magnifique théâtre de l'absurde où le cinéaste scrutait un monde devenu fou - mais qui l'était déjà un peu auparavant - et perdu dans le nihilisme absolu de sa propre conscience de la fugacité de sa propre existence.
Plus que nous immerger dans le magma chaotique et délirant d'un monde au bord de la folie collective aux côtés d'un casting absolument grandiose (Adam Driver y trouvait clairement l'un de ses plus beaux rôles, là où Greta Gerwig s'avérait une nouvelle fois parfaite devant la caméra de son compagnon), Noah Baumbach nous montrait avec crudité la société d'aujourd'hui dans une oeuvre à la folie lucide... où d'une lucidité folle, selon les points de vue.
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Autant dire donc que l'on redescend un brin d'un étage avec Jay Kelly, dont le charme évident (et auquel il n'est pas si difficile de succomber) et sensiblement doux-amer, a clairement pour vocation de masquer la familiarité redondante comme la superficialité d'une popote à la mécanique méchamment huilée : la chronique Hollywoodienne d'une star hollywoodienne campée par une véritable icône hollywoodienne (Clooney l'est, évidemment) qui a privilégié son statut de légende vivante à celui de père aimant (ce qui l'amène, inéluctablement, au crépuscule de sa carrière, sur la voie balisée des remords et de la quête de rédemption).
Une vrai/fausse satire aux contours jonglant entre une auto-dérision calculée et une palette d'émotions fanées, agréable à suivre mais beaucoup trop édulcoré et dépouillé de toute intensité pour son bien.
Moins 8 ½ - voire Avé César, déjà avec Clooney - qu'un Babylon qui se complait dans des clichés purement américains donc (notamment sur la vie italienne pensée comme bucolique), passé une moulinette Netflixienne qui privilégie les décors pimpants mais artificiels aux réflexions/paraboles poussées (de l'anti-Baumbach qui, malheureusement, se serait enfin fait bouffer par l'ogre qui lui permet de tourner, même si son sens du dialogue reste toujours aussi incisif), quand bien même son immersion au coeur des rouages de l'industrie distille quelques pistes plutôt bien abordés (notamment la question, essentielle, de savoir derriere le vernis de la célébrité, où s'arrête l'acteur et où commence véritablement l'homme).
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Mais il manque quelque chose, d'un point de vue émotionnel comme existentiel, à ce voyage mélancolique d'un homme bouffé par la solitude malgré la présence constante des autres, pour être aussi subtil et percutant qu'il le voudrait, et ce même si son tandem vedette George Clooney (étincelant en wannabe Cary Grant enfermé dans une spirale qui l'oblige a continuellement jouer son propre rôle, sur comme en-dehors des plateaux de tournage)/Adam Sandler (formidablement humain en manager à l'affection sincère pour son boss et ami, quand bien même son métier l'oblige à sacrifier lui aussi, sa famille), s'échine tout du long à donner corps et cohérence à son récit nostalgico-cinéphile décousu.
Plus d'introspection et un chouïa plus d'acidité, le tout en célébrant la magie du septième art comme dans sa formidable ouverture, Jay Kelly aurait pu être une merveille si, simplement, il avait été un leu plus une oeuvre de son auteur.
Jonathan Chevrier



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