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[CRITIQUE] : Dream Scenario


Réalisateur : Kristoffer Borgli
Acteurs : Nicolas Cage, Julianne Nicholson, Michael Cera, Tim Meadows, Jessica Clement,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Comédie, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h41min.

Synopsis :
Paul Matthews, un banal professeur, voit sa vie bouleversée lorsqu’il commence à apparaître dans les rêves de millions de personnes. Paul devient alors une sorte de phénomène médiatique, mais sa toute nouvelle célébrité va rapidement prendre une tournure inattendue…



Critique :


Difficile de ne pas rapprocher, quand bien même les deux films s'avérent sensiblement différents, l'enthousiasmant (même si timide face aux possibilités folles de son concept) Un Talent en or massif de Tom Gormican sorti l'an dernier, avec le second long-métrage de Kristoffer Borgli (l'excellent Sick of Myself), Dream Scenario, tant si Nicolas Cage ni joue pas directement son propre rôle, le film n'en reste pas moins une exploration méta encore plus poussée et poignante de son statut définitivement à part, aussi bien dans le septième art ricain que dans la culture populaire récente.

Copyright A24

Sorte de rip-off totalement improbable mais génial, du Nightmare on Elm Street de feu Wes Craven, qui aurait laissé de côté une partie de son pendant horrifique pour voguer amoureusement vers le trip salé et loufoque tout droit sortie d'un épisode inédit de South Park, l'histoire suit celle d'un homme banal, Paul Matthews, devenu célèbre pour des raisons aussi imprévues que totalement hors de son contrôle : sans qu'il ne sache réellement pourquoi, le bonhomme commence à apparaître dans les rêves d'une pluie de personnes, partout à travers le globe.

Rien ne le prédestine d'ailleurs à une telle situation, tant c'est un simple professeur de biologie dont le quotidien ennuyé et ennuyeux, démontre cruellement qu'il n'arrive même pas à attirer l'attention aussi bien de ses élèves, que des propres femmes de sa vie - son épouse et ses filles.
Quoi de plus étrange que tant de personnes qui ne le connaissent ni d'Adam ni d'Eve, se mettent alors à rêver de lui en même temps, alors que le pauvre bougre ne fait absolument rien dans ses dits rêves - il se tient simplement à l'arrière-plan, comme un élément du décor, ou il traverse l'action avec un regard vide.
Il reste là, apathique, même dans des cauchemars effrayants, symbole d'une vie qu'il semble traverser en tant que simple acteur.

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Et, évidemment, cette célébrité soudaine viendra avec son lot d'espérance (son rêve de se faire publier) et de désagréments (un jugement mondial sans précédent qu'il désirait encore moins que sa renommée virale)...
Du cousu main finalement, pour un Nicolas Cage qui, dans la réalité, n'a absolument aucun contrôle pour la récupération/instrumentalisation meme-esque de ses performances, lui qui est vite devenu, à l'instar de JCVD, une figure que l'on moque pour ses exagérations (quasi-intégralement sorties de leur contexte), plus que l'on célèbre pour son talent - bien réel -, quand bien même, il est vrai, l'acteur a savamment nourrit ce processus en enchaînant à la pelle, de (trop) nombreuses productions volatiles et oubliables, où il dégainait des performances jouant sensiblement sur l'exagération de ses mimiques, souvent à la lisière de l'auto-parodie.

D'autant qu'avec le personnage de Paul Matthews, majoritairement expurgé de toutes ses excentricités surdimensionnées qui pourtant, menacent toujours autant d'exploser face caméra pendant une poignée de secondes (ce qui, pour le coup, est un happening totalement génial à mettre au crédit de sa performance et de son aura), il trouve un rôle totalement inédit dans sa filmographie, celle d'un monsieur Tout-le-monde sympathique et pathétique à la fois, qui tente vainement de porter le costume bien trop grand pour lui, d'une idole mondiale, de devenir ce qu'il pense que les gens voient de lui.

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D'une façon pertinente, Dream Scenario se fait autant le complément que le miroir déformé de Sick of Myself, dans sa façon d'incarner autant une critique incisive des normes qui régissent notre société contemporaine, qu'une réflexion tout aussi piquante sur la notion de célébrité/popularité.
Si la Signe de Kristine Kujath Thorp, avec son visage totalement défiguré, fruit d'une spirale autodestructrice qui se faisait parfaitement et ironiquement, le symbole de l'obsession furieusement contemporaine des jeunes générations à vouloir atteindre coute que coûte une renommée instantanée et fugace, sans jamais mesurer les conséquences de leurs actes; le Paul Matthews de Cage explore lui le coût même de cette popularité indesirée mais pourtant désirable, d'être sous le feu des projecteurs d'un public qui n'hésite pas à décortiquer toute intention où toute action, à sur-interpréter qui on est - d'une manière réelle ou fantasmée.
Ou comment être une star puis un paria en un claquement de doigt, en un rêve qui se transforme en cauchemar.

Ce second effort se démarque néanmoins de son aîné au moment même où, comme Signe, Paul Matthews joue délibérément un rôle plus actif, dans la réalité comme dans les rêves des gens, faisant basculer le récit vers un délire Charlie Kaufman-esque pas toujours maîtrisé mais néanmoins intéressant dans les pistes qu'il égraine (la notion de cancel culture, la renommée instantanée, la mentalité de troupeau,..), ainsi qu'un virage absurde - notamment dans le troisième acte - totalement assumé.

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Même s'il trébuche donc en bout de course et perd un brin de vue une thèse qu'il n'explore jamais totalement, difficile de ne pas sortir enthousiasmé à la vision de Dream Scenario, satire audacieuse sur la renommée instantanée et la cancel culture, qui louche gentiment du côté de Kaufman et Aster, le tout dominé de la tête et des épaules par un Nicolas Cage aussi imposant que terriblement drôle.
On rêvera sans doute de lui cette nuit, et définitivement en bien.


Jonathan Chevrier