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[CRITIQUE] : Caiti Blues


Réalisatrice : Justine Harbonnier
Actrice : Caiti Lord.
Distributeur : Shellac
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Canadien.
Durée : 1h26min

Synopsis :
Madrid, Nouveau-Mexique. Caiti Lord s’est exilée dans cette ancienne ville-fantôme, cernée par les montagnes, loin des strass de la Big City. Elle a une voix magnifique qu’elle compte bien utiliser pour faire autre chose que vendre des cherry cocktails. Tandis que la folie s’empare des États-Unis, dans l’absurdité la plus inquiétante, Caiti éprouve un sentiment d’asphyxie grandissant. Alors, Caiti chante.



Critique :


En ce mercredi des sorties bien moins dense qu'à l'accoutumée (une petite respiration pour ceux ayant quelques séances de retard, avant que le rythme ne s'accélère de nouveau par la suite), il n'y a pas forcément que les deux hits, Barbie de Greta Gerwig et Oppenheimer de Christopher Nolan, à sonder plus où moins adroitement, les maux d'une Amérique humainement divisée, quand bien même elles ont la sérieuse tendance à vampiriser toute l'attention (ce qui, sur certains points concernant le premier, est une très bonne chose).

Plus timide mais pas moins pertinent et furieusement évocateur, Calti Blues de Justine Harbonnier s'amourache des rejetés du chimérique et asphyxiant American Dream, au travers des rêves brisés d'une chanteuse à la voix d'or, Caiti Lord, qui même face à l'adversité et une vie qui ne lui a décemment pas fait (et continue de ne pas lui en faire) de cadeaux, ne renonce pas pour autant à ses aspirations de devenir chanteuse.

Copyright Sister productions

Terriblement universel dans son fond (qui n'a jamais rêvé d'avoir une existence moins banale, de pouvoir vivre de sa passion,...), ce portrait touchant d'une jeune femme qui se rêvait starlette de la chanson (quelques flashbacks montrent qu'elle avait le potentiel d'une carrière prometteuse dans la chanson), avant d'être cruellement rattrapé par la réalité (elle approche de la trentaine, elle est serveuse dans un trou perdu du Nouveau-Mexique, rembourse un prêt étudiant qui ne cesse d'enfler à cause des intérêts,...), qui tente de continuellement de voir même verre à moitié plein de la vie (même si elle croule sous le poids du jugement de valeur, qu'elle s'inflige elle aussi, sur sa propre personne), tout en comprimant son spleen et sa frustration dans ce qui peut se voir comme une psychanalyse publique - son émission de radio locale.

Une personnalité touchante et attachante, que la cinéaste dresse en symbole, en reflet amer d'une Amérique de plus en plus divisée et frustrée, marquée par l'influence de sa politique radicale (Bush, Bush Jr puis Trump) et de ses inégalités béantes, par ses incertitudes et sa haine (raciale, de genre,...), le tout embaumé dans la cadence d'un blues douloureusement mélancolique.
Un documentaire percutant et désenchanté donc, mais pas dénué d'espoir et d'optimisme pour autant, car même flanqué au beau milieu d'un désert ou rien ne se passe, son héroïne l'illumine avec force et douceur.


Jonathan Chevrier