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[CRITIQUE] : Love Life


Réalisateur : Kôji Fukada
Acteurs : Fumino KimuraTomorowo TaguchiTetta Shimada,...
Distributeur : Art House
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Japonais, Français.
Durée : 2h04min.

Synopsis :
Taeko vit avec son époux Jiro et son fils Keita en face de chez ses beaux-parents. Tandis qu'elle découvre l’existence d'une ancienne fiancée de son mari, le père biologique de Keita refait surface. C'est le début d'un cruel jeu de chaises musicales, dont personne ne sortira indemne.



Critique :


Lieutenant - plus ou moins - officieux (aux côtés de Ryusuke Hamaguchi) d'une jeune génération de cinéastes japonais résolument tourné vers l'international, Kōji Fukada, dont l'influence du cinéma français (surtout la filmographie bénie d'Éric Rohmer) est totalement assumée, nous revient à l'aube des premières heures de l'été avec ce qui peut se voir, sans l'ombre d'un doute, comme l'un de ses mélodrames les plus douloureux et déprimant - dans le bon sens du terme -, lui qui symbolise ici la figure d'une famille typiquement japonaise en apparence parfaite, comme un château de carte croulant lentement mais sûrement sous le poids d'une hypocrisie troublante.

Qu'on se le dise, rien ne nous prépare à l'horreur de l'implacabilité de la vie, celle qui vient bousculer à jamais la banalité du quotidien par son imprévisibilité et sa cruauté, même si l'on peut parfois voir la tragédie venir.
C'est le frisson silencieux et devastateur au cœur de Love Life, où la perte sourde d'un être cher vient littéralement redistribuer les liens relationnels, maritales et même toute la dynamique familiale, à une heure où le chagrin détruit tout mais aussi, paradoxalement, reconstruit les choses.

Copyright 2022 LOVE LIFE FILM PARTNERS & COMME DES CINEMAS

On suit donc la famille de Taeko, heureuse (tout du moins en apparence) dans son union avec Jiro, qui considère Keita, son fils issu d'une précédente union, comme son propre fils.
Elle-même aspire à ce que le couple est un nouvel enfant, son " propre " enfant, aussi horrible que cela puisse paraître lorsque l'on donne des mots à la vérité.
Mais tout bascule lorsque Keita meurt lors d'une célébration en son honneur, ramenant Park son père - et ex-mari de Taeko -, sourd et muet, dans un présent où il était jusqu'ici quasiment exclu.

Un élément faussement perturbateur qui, loin d'ajouter une couche supplémentaire de maladresse et de détresse au deuil ambiant, devient le catalyseur autant pour Fukada lui-même pour aborder une pléthore de thèmes qui sont chers à son cinéma (les notions de responsabilité et de culpabilité, de fidélité et de trahison, l'ostracisation et les discriminations, ...), que celui de Taeko dans sa reconnexion avec un monde dans lequel elle s'est toujours senti rejetée.
En prenant soin de Park malgré sa rancoeur, lui-même rejeté et offensant avec elle, expie ce qu'elle pense être ses propres erreurs et manquements, transformant alors ce qui était une fin sans issue (le deuil), le commence d'un nouveau voyage à travers la pénitence, duquel découlera - peut-être - une rédemption possible et pieusement souhaitée.

Copyright 2022 LOVE LIFE FILM PARTNERS & COMME DES CINEMAS

Une odyssée intime qui, paradoxalement, la déconnecte de son seul pilier véritable, Jiro, lui-même affligé par ses propres démons - la réapparition d'une ancienne fiancée -, et c'est là toute la grandeur et la force de Love Life, sa manière de scruter au scanner les contradictions d'une union en apparence parfaite, d'une manière à la fois sensiblement observationnelle et poliment distante, de conserver les tensions et les agitations intérieurs dans un ton incroyablement doux et cotonneux.
Où comment renforcer l'intensité et la profondeur d'une histoire sans jamais se perdre dans une sentimentalité putassière, de laisser parler un silence sentencieux et furieusement évocateur, plutôt qu'un océan de dialogues vains.

Excellant toujours autant dans sa manière de retranscrire la tranquillité bouillante d'une introspection intime, que de rendre compte des distances qui se creusent lentement mais sûrement entre les individus, malgré leur deuil et leur angoisse commune, Kôji Fukada place une nouvelle fois avec foi et justesse sa caméra au centre du cercle de la vie, et la laisse nous frapper en plein cœur.


Jonathan Chevrier


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