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[FUCKING SERIES] : Tulsa King saison 1 : God save the (mob) King


(Critique - avec spoilers - de la saison 1)


Quand bien même tout le monde n'a pas forcement eu - où aura - l'intention de s'abonner à l'énième plateforme de streaming qu'est Paramount Plus, rares sont les personnes à ne pas avoir eu connaissance de sa série " cheval de Troie " pour faire gonfler en masse son nombre d'adhérent : Tulsa King, nouvelle création originale concoctée par Taylor Sheridan et avec Terrence Winter à la baguette, le tout porté par rien de moins que la légende Sylvester Stallone, sept décennies au compteur et toujours aussi charismatique as hell, dans ce qui son premier rôle dans une série télévisée - mieux vaut tard que jamais.

En ce qui nous concerne, la simple présence du dernier à l'écran justifiait à lui seul notre engagement (on aurait même dégainé un pourboire à l'addition) d'autant que le projet, loin de sa description furieusement simpliste d'un " The Sopranos meets Yellowstone ", est avant tout et surtout une vitrine fabuleuse pour qu'il démontre tout son (immense) talent, lui qui a souvent su incarner à la perfection des figures aux valeurs américaines furieusement tatouées sur le cuir.

Copyright Paramount+

Ici, son personnage, le mafieux vieillissant Dwight " The General " Manfredi, le fait sortir un brin de sa zone de confort même si celui-ci lui donne une aura " Stallonesque " qui, finalement, ne le rend pas tant éloigné que cela de ses (anti)héros les plus familiers.
Dans un cocktail savoureux dosé entre un brin de vulnérabilité assumée, un machisme piquant juste ce qu'il faut et un splendide timing comique, il embrasse une ironie qui lui avait été jusqu'ici cruellement refusée (en grande partie par des spectateurs ne voulant le voir à l'écran qu'en simple action man), au travers du parcours cabossé de Manfredi, fraîchement libéré après 25 ans de détention où il a su se préserver grâce à de la (très) bonne littérature, l'écriture de - mauvaise - poésie et une habileté à soigneusement éviter de se faire avoir (pour être poli) une seconde fois, lui qui a été incarcéré pour avoir endossé un crime qu'il n'avait pas commis et garder le silence pour couvrir le patriarche de la famille Invernizzi, Pete.

En bon homme de main, il est tombé et a fait profil bas en attendant que le temps fasse son office, mais alors qu'il estimait - à raison - être convenablement indemnisé pour les années et la liberté qu'il a donné pour son " boss ", il ne recevra pas vraiment l'accueil auquel il s'attendait.
Malgré son sacrifice, on lui explique que l'époque n'est plus la même et qu'il n'y a pas d'opportunités pour lui à New York.

Copyright Paramount+

En revanche, et comme les miettes d'un gâteau d'anniversaire auquel il n'a pas du tout été invité, il est gentiment motivé (comprendre : poliment banni de ses terres par sa propre " famille ") à faire percer en solitaire le business familial du côté de Tulsa, en Oklahoma... pas vraiment la même vie qu'au coeur de la Grosse Pomme donc.
Furieux que les couvrir lui ait coûté son mariage et sa relation avec une fille qu'il n'a pas vu grandir, Manfredi, qui aura fait comprendre par les poings qu'on ne le prend pas pour un vieillard hors du coup, décide à contrecoeur de partir pour sa nouvel maison.
Déterminé à se lancer dans son propre business avec des méthodes d'un autre temps (mais définitivement toujours aussi efficaces), il est néanmoins confronté a un vrai choc culturel : non seulement le rythme de la vie est diamétralement opposé à celui de Manhattan, mais c'est tout un monde connecté qu'il doit (re)découvrir entre la démocratisation des smartphones, la légalisation de la marijuana et tout un langage à la mode qui va vite le larguer.

Enrôlant un jeune chauffeur de taxi, Tyson, pour être son bras droit local, tout en faisant craquer la cinquantenaire Stacy (du bon côté de la loi) et en prodiguant sa " protection renforcée " à un dispensaire de marijuana, Manfredi prend les choses en main comme s'il était le roi de Tulsa (tout est dans le titre), et bouscule les habitudes de toute une communauté jusqu'ici (trop) tranquille, quitte à être menacé à la fois de l'intérieur (les autres escrocs, politiques et industriels, de Tulsa) comme de l'extérieur (les Invernizzi)...

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Avec Tulsa King, tout n'est qu'une question de zone de confort que l'on quitte sans pour autant s'y délester de quelques bagages essentiels, l'histoire d'hommes que ce soit devant comme derrière la caméra, qui ne semble pas vraiment destinés à graviter dans les mondes où ils sont catapultés, mais qui s'y accomode avec une malice folle.
Devant la caméra, c'est l'histoire d'un homme profondément ancré dans ce que l'on peut appeler les codes de la vieille école, un criminel à l'ancienne qui " nettoie " une ville pour la façonner à son image et à son propre intérêt, mais qui n'en est pas moins un gentleman avec de vraies valeurs (il s'assure qu'un enterrement de vie de jeune fille se passe à la perfection, s'insurge contre le racisme ordinaire subi par Tyson,...).

Une vraie figure " Sheridanienne " en somme, plurielle autant qu'elle dégouline de testostérone et de charisme, campée par un Stallone qui est autant apte à surjouer sa perplexité qu'à tempérer la menace - incontestable - qui bouillonne en lui.
Du Rocky et du Rambo en un seul et même homme, comme s'il était in fine lui-même tout en laissant (enfin) s'exprimer un humour jusqu'ici esquissé uniquement dans quelques-unes de ses empoignades musclées (Tango & Cash mais surtout The Expendables et Match Retour).

Copyright Paramount+

Derrière la caméra car Taylor Sheridan, même s'il capture une nouvelle fois l'essence du coeur de l'Amérique profonde et de ses propres règles, avec une histoire parsemés de personnages richement complexes et plaisants à suivre, qui n'ont pas vraiment peur de dire ce qu'ils pensent - où d'agir de manière impulsive avant d'épouser la moindre idée de réflexion -; le bonhomme avance sur un terrain qui lui est quasiment inconnu : un exercice aussi méchamment musclé qu'il est jouissivement détendu.
Comme si, au lieu d'un café serré à la Sicario, Wind River où même Yellowstone, il préférait jouer la carte de l'expresso gentiment désinvolte où il distillerait goutte à goutte - quitte à décontenancer les habitués de son univers - sa maestria comme pour mieux laisser la magie opérer par elle-même, sans être forcée.

Si l'exercice d'une diffusion éparse (un épisode par semaine) ne lui sied pas vraiment, en revanche sur une saison complète abattue d'une traite, cette nouvelle formule fait des ravages et s'avère même étonnamment addictive même si elle ne cherche jamais plus qu'à n'être une douce (voire même un brin génialement absurde) distraction télévisuelle, visant à célébrer dans l'ironie complice et le respect sincère, l'une des plus grandes légendes du cinéma qu'on aime.
Car Tulsa King a été faite pour Sly, et elle ne serait décemment rien sans lui.

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Qu'on se le dise, il n'y a pas grand-chose de semblable à cette série tout droit sortie d'une époque (presque) révolue (tout comme son héros vétéran du passé, Dwight), et il y a quelque chose de profondément excitant à l'idée qu'elle ne pourrait pas être moins divertissante tant qu'elle s'appuie sur sa pièce maîtresse et son aura incroyable, qui parvient à rendre follement empathique un vrai escroc/dinosaure au grand coeur - mais escroc quand-même.
En un mot (enfin, plusieurs) : vive le roi, et on attend déjà de pied ferme une seconde saison déjà validée par la Paramount.


Jonathan Chevrier


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