[FUCKING SERIES] : Stranger Things saison 5, partie 1 : Apocalypse fragile
(Critique - avec spoilers - des quatre premiers épisodes de la saison 5)
Si l'on avait déjà avalé, depuis la saison 4, la couleuvre la plus invraisemblable du show (au-delà de son fan service nostalgique et du jeu inégal de sa distribution de plus en plus irritante, comment des personnages tels que Steve, Nancy où encore Jonathan, pouvaient encore nous faire croire qu'ils étaient toujours lycéens ?), force est d'admettre que les frangins Duffer ont décidés de pousser le bouchon encore plus loin que Maurice le poisson rouge (référence de boomer certes, mais qui ne dénote pas au fond, avec celles dégainées par la série), en composant l'apocalypse surnaturelle la plus insignifiante et anti-climatique - même si riches en enchevêtrements infinis de lianes visqueuses et dégueulasses, certes - de récente mémoire sur le petit écran.
Pire encore que chaque season finale de Supernatural, qui n'avait pas pour elle un budget surdimensionné (on exagère certes, mais elle au moins était portée par une richesse émotionnelle à laquelle ce totem Netflix, ne pourra jamais prétendre), cette première salve d'épisodes censés nous diriger tranquillement vers la résolution finale, vient inexplicablement ralentir la cadence dans une sorte de rétropédalage fleurant mignon avec le foutage de gueule, avant de se rattraper in-extremis dans le dernier épisode.
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Flanquée un an après les événements de l'excellente (oui) quatrième saison, et pile poil quatre ans après le quatrième anniversaire de la disparition de Will Byers dans l'Upside Down (ce que nous rappelle une introduction aux SFX lamentables mais qui, heureusement, vient nous rappeler un élément important pourtant établi de manière lisible dès la saison 2 : le lien entre Will et l'esprit ruche et donc, de facto, avec les démogorgons et Vecna), dans une Hawkins dont la population, déchirée par une série de failles dimensionnelles et par une occupation de l'armée américaine, vit quand-même plutôt bien la situation; nos jeunes héros, les seuls qui semblent véritablement perturbés par tout ça, tentent tant bien que mal de préparer une riposte (mais tous ne sont pas forcément investis, à l'image du spectateur qui les regarde) à un Vecna qui, mine de rien, est tout aussi patient dans la conception de sa stratégie - toujours liée aux enfants - pour prendre totalement le pouvoir sur notre monde.
Hopper entraîne Eleven quotidiennement tout en faisant quelques missions de reconnaissance secrètes dans l'Upside Down, Robin et Steve animent une émission de radio pour critiquer l'occupation, et Mike tente de rassembler les quatre fantastiques comme à la belle époque alors que Lucas reste toujours au chevet de Max, plongée dans le coma, que Dustin prend ses distances et pleure toujours la mort d'Eddie (nous aussi), là où Will est aux prises avec ses sentiments amoureux pour son BFF et sa toute nouvelle capacité à voir à travers les yeux des démogorgons de Vecna (une connexion avec l'esprit ruche qui va lui offrir bien d'autres pouvoirs, pas si eloignés de ceux des psychiques comme Eleven et Eight, enfin de retour à l'écran).
Tu nous suis encore ? Tant mieux...
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Parce que c'est là que le premier vrai gros souci de ce début de saison pointe subtilement le bout de son nez : son manque d'action concrète (pendant un long moment) couplée à un rétropédalage narratif incompréhensible de la part des Duffer (sept épisodes, et ils se permettent d'opérer un bond d'un an sans la moindre incidence face à une menace à l'urgence folle), qui se paye en prime le luxe de ne jamais véritablement faire évoluer ses personnages, en les ramenant continuellement à leurs développements comme à leurs conflits initiaux : Jonathan et Steve se battant pour Nancy, Joyce reléguée à son statut de mère inquiète, Hopper revivant le traumatisme de sa fille disparue,...
Si les Duffer ont toujours été excessivement autoréférentiels dans leur pendant narratif, le fait qu'il cherche à forcer le trait ici dans une sorte de compile façon maxi best-of Big Mac du fan service, vient définitivement scier les pattes d'un édifice qui ne ressemblait déjà plus vraiment à une parodie (au demeurant sincère dans ses premières saisons) sauce citation/régurgitation de la culture populaire - à forte tendance science-fictionnelle et horrifique - des années 80, mais bien à une parodie de mauvaise parodie qui consumait consciemment, le peu de graines d'originalité qui lui servait de pilier essentiel.
Plombée avant même sa vision, autant par les trois ans et demie d'attente que par sa volonté - dispensable - de rallonger ses épisodes, mais surtout par un mode de diffusion ralentissant encore un peu plus son rythme excessivement lancinant (le tout avec sa pluie de dialogues sur-explicatifs qui n'améliorent en rien la popote), cette ultime saison promettait d'atteindre pleinement son apogée créatif et émotionnel, mais ne distille in fine qu'un semblant de tension qui regarde bien trop le passé dans son rétroviseur, pour nous effrayer au présent.
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Reste quelques jolis moments (notamment ceux d'une Max coincée dans l'esprit Henry Creel et ses propres souvenirs, ceux autour d'Holly Wheeler, véritable révélation de cette première partie, où encore la dynamique Will/Robin, bouffée d'air frais pour un personnage totalement sacrifié depuis la saison 2), et l'idée que cet affrontement final démarre réellement... trois heures après le top départ, avec un " sorcier " enfin réveillé et débarrassé de ses peurs.
Mais la magie d'une série nostalgique qui tirait sa force dans le potentiel imaginaire d'un monde ouvert où tout paraissait possible (et étroitement lié à Donjons & Dragons), n'est plus vraiment là.
Pire, dans le cynisme créatif profond qui caractérise la production Hollywoodienne contemporaine, elle n'a plus rien d'étrange du tout...
Jonathan Chevrier




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