[CRITIQUE] : About Kim Sohee
Réalisatrice : July Jung
Avec : Doona Bae, Choi Hee-jin, Sim Hee-seop,...
Budget : -
Distributeur : Arizona Distribution
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 2h17min.
Synopsis :
Kim Sohee est une lycéenne au caractère bien trempé. Pour son stage de fin d’étude, elle intègre un centre d’appel de Korea Telecom. En quelques mois, son moral décline sous le poids de conditions de travail dégradantes et d’objectifs de plus en plus difficiles à tenir. Une suite d’événements suspects survenus au sein de l’entreprise éveille l’attention des autorités locales. En charge de l’enquête, l’inspectrice Yoo-jin est profondément ébranlée par ce qu’elle découvre. Seule, elle remet en cause le système.
Critique :
Huit années, c'est le temps qui sépare le magnifique premier long-métrage de la cinéaste sud-coréenne July Jung, A Girl at my door, et son film dit de la " confirmation ", About Kim Sohee, fruit d'une compréhension réfléchie et mature d'un sujet cruellement d'actualité, dont elle offre une plongée follement immersive et devastatrice : une critique viscérale et magistrale du monde professionnel déshumanisant sud-coréen et de son exploitation de la destruction des rêves d'une jeunesse conditionnée à accepter l'inacceptable, littéralement jetée à l'abattoir et poussée au suicide par un système ultra-libérale pourri et à l'inertie complice, et ce dès le voile éducatif.
Inspiré d'une histoire vraie, le film scinde sa narration en deux étapes essentielles pour mieux capturer autant la maîtrise que la fureur et l'urgence qui s'en dégage, une dualité qui se ressent autant d'une manière simple dans sa narration (deux points de vue comme deux faces d'une même pièce/vérité convergeante) que subtile dans sa mise en scène (la cinéaste attirera souvent l'œil du spectateur vers la périphérie tout en maintenant l'action au centre du cadre et de son univers austère).
La première se fait un regard dévastateur sur la vie lentement saccagée et sacrifiée d'une joyeuse jeune adolescente, Sohee (Kim Si-eun, magistrale) qui, comme ses camarades de lycée, est forcée par son école à travailler en tant que stagiaire dans un centre d'appels (où le but consiste essentiellement à décourager, dissuader, enrager et épuiser les clients qui appellent pour annuler leur service), un lieu infernal où son esprit et son estime d'elle-même s'effondrent peu à peu sous la rafale de cris, de réprimandes et de harcèlement qu'elle reçoit quotidiennement de la part des clients qui appellent, mais aussi de ses collègues et collègues supérieurs tant les conditions de travail qui y règnent sont d'une toxicité rares.
L'expérience de Sohee dans le centre d'appels ressemble à un film d'horreur dont le fardeau psychologique s'alourdit à chaque abus ou événement toxique.
En plus de devoir supporter le traitement des clients pour un salaire de misère, elle doit encaisser des brimades de collègues passifs-agressifs comme si elle était moins que rien, obligée d'opérer une méthodologie dénué de morale où le but est de soutirer chaque centime au client, elle-même pion jetable d'un système de concurrence cruelle où chaque employé est classé, humilié et détesté s'il a le malheur de connaître un peu plus de réussite que son voisin.
Un environnement cannibal conçu pour extirper l'optimisme de la jeunesse - menace concernant le service militaire en prime.
Avec une précision clinique et cinglante, Jung dessine la descente aux enfers et la dépression de Sohee, son anxiété croissante autant que sa claustrophobie de mettre les pieds dans un cadre professionnel qui la tue - littéralement - à petit feu, la cinéaste n'ayant pas besoin de subtilement forcer le trait pour que l'on prenne faits et cause pour elle, tant tout du long on espère qu'elle arrivera à s'éloigner d'un cauchemar aussi terrible, avant que la tragédie ne la frappe.
La seconde partie elle, réexamine l'expérience humaine isolée de Sohee et se fait sensiblement plus dure, comme si la cinéaste nous transmettait un peu son esprit de vengeance au travers de l'enquête sur son suicide opérée par le détective Yoo-jin (Queen Doona Bae), alors qu'elle explore les nombreuses causes de cette tragédie et qu'elle incarne fièrement un espoir de justice dans un système où ce mot ne veut plus rien dire.
Avec ténacité, elle serpente à travers un univers abject, boursouflé d'apathie, d'indifférence et de cruauté, confrontée à une marée de coupables au faux sens de l'honneur, rejetant la faute de cette tragédie sur la victime elle-même, parce que trop faible pour encaisser les coups.
La mort de Sohee incarne alors le miroir symbolique et dévastateur d'une société sud-coréenne impitoyable dont l'intérêt pour les questions de santé mentale et de la dépression est proche du néant - en Corée du Sud, le suicide est la première cause de décès chez les jeunes, adolescents comme adultes, depuis 2007.
Si un élève souhaite quitter l'emploi dans lequel il a été placé et retourner étudier, il est ostracisé et doit porter une étiquette rouge (un gillet dans le cas de Sohee) le désignant comme un échec et travailler comme personnel d'entretien dans son établissement scolaire...
Sobre et incisif, constamment vissé sur la facteur humain dans une réalité méprisante où il n'est pas (plus) essentiel - juste bon à être usé jusqu'à la moelle puis jeté à la poubelle -, About Kim Sohee se fait une plongée fascinante et brutale dans les défaillances institutionnelles d'une Corée du sud où le libéralisme économique a triomphé depuis bien longtemps sur l'humanité.
Un portrait psychologique acéré forgé comme un puissant appel à la prévention pour ouvrir les yeux à toute une nation (monde ?) face à son inhumanité.
Une claque, rien de moins.
Jonathan Chevrier
Avec : Doona Bae, Choi Hee-jin, Sim Hee-seop,...
Budget : -
Distributeur : Arizona Distribution
Genre : Drame, Policier.
Nationalité : Sud-coréen.
Durée : 2h17min.
Synopsis :
Kim Sohee est une lycéenne au caractère bien trempé. Pour son stage de fin d’étude, elle intègre un centre d’appel de Korea Telecom. En quelques mois, son moral décline sous le poids de conditions de travail dégradantes et d’objectifs de plus en plus difficiles à tenir. Une suite d’événements suspects survenus au sein de l’entreprise éveille l’attention des autorités locales. En charge de l’enquête, l’inspectrice Yoo-jin est profondément ébranlée par ce qu’elle découvre. Seule, elle remet en cause le système.
Critique :
Sobre et incisif, #AboutKimSohee se fait une plongée fascinante et brutale dans les défaillances institutionnelles d'une Corée du sud où le libéralisme économique a complètement terrassé l'humanité.
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 4, 2023
Un portrait psychologique acéré forgé comme un puissant appel à la prévention. pic.twitter.com/sodblQRrAI
Huit années, c'est le temps qui sépare le magnifique premier long-métrage de la cinéaste sud-coréenne July Jung, A Girl at my door, et son film dit de la " confirmation ", About Kim Sohee, fruit d'une compréhension réfléchie et mature d'un sujet cruellement d'actualité, dont elle offre une plongée follement immersive et devastatrice : une critique viscérale et magistrale du monde professionnel déshumanisant sud-coréen et de son exploitation de la destruction des rêves d'une jeunesse conditionnée à accepter l'inacceptable, littéralement jetée à l'abattoir et poussée au suicide par un système ultra-libérale pourri et à l'inertie complice, et ce dès le voile éducatif.
Inspiré d'une histoire vraie, le film scinde sa narration en deux étapes essentielles pour mieux capturer autant la maîtrise que la fureur et l'urgence qui s'en dégage, une dualité qui se ressent autant d'une manière simple dans sa narration (deux points de vue comme deux faces d'une même pièce/vérité convergeante) que subtile dans sa mise en scène (la cinéaste attirera souvent l'œil du spectateur vers la périphérie tout en maintenant l'action au centre du cadre et de son univers austère).
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La première se fait un regard dévastateur sur la vie lentement saccagée et sacrifiée d'une joyeuse jeune adolescente, Sohee (Kim Si-eun, magistrale) qui, comme ses camarades de lycée, est forcée par son école à travailler en tant que stagiaire dans un centre d'appels (où le but consiste essentiellement à décourager, dissuader, enrager et épuiser les clients qui appellent pour annuler leur service), un lieu infernal où son esprit et son estime d'elle-même s'effondrent peu à peu sous la rafale de cris, de réprimandes et de harcèlement qu'elle reçoit quotidiennement de la part des clients qui appellent, mais aussi de ses collègues et collègues supérieurs tant les conditions de travail qui y règnent sont d'une toxicité rares.
L'expérience de Sohee dans le centre d'appels ressemble à un film d'horreur dont le fardeau psychologique s'alourdit à chaque abus ou événement toxique.
En plus de devoir supporter le traitement des clients pour un salaire de misère, elle doit encaisser des brimades de collègues passifs-agressifs comme si elle était moins que rien, obligée d'opérer une méthodologie dénué de morale où le but est de soutirer chaque centime au client, elle-même pion jetable d'un système de concurrence cruelle où chaque employé est classé, humilié et détesté s'il a le malheur de connaître un peu plus de réussite que son voisin.
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Un environnement cannibal conçu pour extirper l'optimisme de la jeunesse - menace concernant le service militaire en prime.
Avec une précision clinique et cinglante, Jung dessine la descente aux enfers et la dépression de Sohee, son anxiété croissante autant que sa claustrophobie de mettre les pieds dans un cadre professionnel qui la tue - littéralement - à petit feu, la cinéaste n'ayant pas besoin de subtilement forcer le trait pour que l'on prenne faits et cause pour elle, tant tout du long on espère qu'elle arrivera à s'éloigner d'un cauchemar aussi terrible, avant que la tragédie ne la frappe.
La seconde partie elle, réexamine l'expérience humaine isolée de Sohee et se fait sensiblement plus dure, comme si la cinéaste nous transmettait un peu son esprit de vengeance au travers de l'enquête sur son suicide opérée par le détective Yoo-jin (Queen Doona Bae), alors qu'elle explore les nombreuses causes de cette tragédie et qu'elle incarne fièrement un espoir de justice dans un système où ce mot ne veut plus rien dire.
Avec ténacité, elle serpente à travers un univers abject, boursouflé d'apathie, d'indifférence et de cruauté, confrontée à une marée de coupables au faux sens de l'honneur, rejetant la faute de cette tragédie sur la victime elle-même, parce que trop faible pour encaisser les coups.
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La mort de Sohee incarne alors le miroir symbolique et dévastateur d'une société sud-coréenne impitoyable dont l'intérêt pour les questions de santé mentale et de la dépression est proche du néant - en Corée du Sud, le suicide est la première cause de décès chez les jeunes, adolescents comme adultes, depuis 2007.
Si un élève souhaite quitter l'emploi dans lequel il a été placé et retourner étudier, il est ostracisé et doit porter une étiquette rouge (un gillet dans le cas de Sohee) le désignant comme un échec et travailler comme personnel d'entretien dans son établissement scolaire...
Sobre et incisif, constamment vissé sur la facteur humain dans une réalité méprisante où il n'est pas (plus) essentiel - juste bon à être usé jusqu'à la moelle puis jeté à la poubelle -, About Kim Sohee se fait une plongée fascinante et brutale dans les défaillances institutionnelles d'une Corée du sud où le libéralisme économique a triomphé depuis bien longtemps sur l'humanité.
Un portrait psychologique acéré forgé comme un puissant appel à la prévention pour ouvrir les yeux à toute une nation (monde ?) face à son inhumanité.
Une claque, rien de moins.
Jonathan Chevrier