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[CRITIQUE] : The Lost King


Réalisateur : Stephen Frears
Acteurs : Sally Hawkins, Steve Coogan, Harry Lloyd, Mark Addy,...
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique, Comédie, Drame.
Nationalité : Britannique.
Durée : 1h49min

Synopsis :
Inspiré d’une histoire incroyable mais vraie, The Lost King retrace l’extraordinaire aventure de Philippa Langley, passionnée d’histoire à la volonté de fer qui, sur une simple intuition et malgré l’incompréhension de ses proches et la défiance du monde universitaire, a voulu rétablir la vérité autour de Richard III, l’un des monarques les plus controversés de l’histoire.



Critique :


Nouvelle histoire vraie pour Stephen Frears, où il semble avoir trouvé une zone de confort depuis le début des années 2010. Avec au départ un scénario co-écrit par Steve Coogan (aussi acteur et producteur du film), le cinéaste retrace le cheminement qui a mené à la découverte de la dépouille du Roi Richard III. Une recherche qui amène à un parking, qui n'est pas un espace fréquent pour y placer le cœur d'une mise en scène. Pourtant, c'est ce pas de côté qui traverse le récit. L'historienne amatrice Philippa Langley (incarnée par Sally Hawkins) est à l'origine des recherches, donnant déjà une touche insolite à l'histoire. Stephen Frears part alors de la part intime pour pousser l'aventure vers le roman national. Dans une première partie, il est d'abord question de récolter des connaissances tout en essayant de réhabiliter Richard III. Avec un groupe de fans du Roi, la protagoniste tente de transformer l'imaginaire collectif. Dans une seconde partie, les voyages à la recherche de la dépouille et les fouilles commencent. Ou comment traduire en pratique toute la théorie développée auparavant.

Copyright Pathe Productions Ltd

Dans ce pas de côté initié par Philippa Langley, il s'agit de se focaliser sur la passion individuelle (d'une inconnue) plutôt qu'aller chercher la logique professionnelle. De la même manière que le scénario évoque que ce sont toujours les gagnants qui écrivent l'Histoire aux dépens des vaincus morts laissés sans voix (pour se défendre, pour contredire), la mise en scène concerne qui écrit l'Histoire et en tire ensuite le mérite. Il n'est donc pas anodin que le déclic de la protagoniste provienne d'un moment passé face à l'art. Lors d'une représentation théâtrale de la pièce de Shakespeare, lorsque l'acteur incarnant Richard III croise son regard durant un monologue, l'attention de Philippa dérive et se retrouve hypnotisée. Comme si une soudaine attirance se créait envers ce personnage, à travers une future obsession. Le personnage de Sally Hawkins devient même une sorte de metteuse en scène : par sa passion, par ses intuitions, elle guide le récit et les recherches vers la dépouille. Contre les experts et les institutions, c'est elle qui permet de faire avancer le processus – et non pas les experts via leurs métiers respectifs. Tel un cinéaste oriente son récit par son regard et sa subjectivité, Philippa oriente l'aventure par ses émotions et ses sensations – rejetant toute forme de pragmatisme. Grandement porté par toute la sensibilité que met Sally Hawkins dans la détermination et le stress de son personnage, le film possède toute l'énergie humaniste que l'on connaît à Stephen Frears depuis ses débuts.

Copyright Pathe Productions Ltd

Les personnages du cinéaste ont très souvent ce quelque chose qui vient bouleverser leur quotidien, leur permettant de retrouver un sens à leur vie. Malgré toute la pudeur du regard apaisé qui met en lumière les nuances émotionnelles et psychologiques de l'aventure, la légèreté qui se dégage est à la fois le charme et la limite du film. Le déroulé chronologique de cette aventure combiné à la sérénité de la mise en scène provoquent un rythme assez programmatique, où la narration ne cesse de répéter le même schéma : une séquence est juste une étape supplémentaire dans l'enquête, sans prendre la liberté de s'en détacher quelques instants. Cette passion soudaine et incongrue de Philippa se caractérise dans un ton plutôt cocasse, mais Stephen Frears n'arrive pas à s'affranchir du caractère bavard du scénario. Ainsi, le film se retrouve cloisonné sur son enquête, et a du mal à déborder sur les perturbations que cette recherche procure dans la vie des personnages (tous autant qu'ils soient). Même si l'ex-mari et les deux enfants sont une bulle de réconfort, toute cette vie abîmée reste un peu trop dans l'arrière-plan. Le cinéaste trouve des élans pour pousser le récit dans autre chose qu'une simple illustration de l'histoire vraie (comme des confrontations éphémères, des rencontres, des voyages, etc), où Philippa se nourrit de nouvelles informations ou d'obstacles. Toutefois il n'échappe pas à des temporisations insistantes, où il y aurait besoin de revivifier la détresse de la protagoniste. Contre la mélancolie, Stephen Frears a tout de même trouvé le remède : matérialiser l'apparition d'un fantôme. Il est à la fois un guide (presque spirituel), mais il est surtout la personnification d'un imaginaire. En le matérialisant à l'écran, le cinéaste rejette la prétendue folie de Philippa pour que son regard et sa passion soient l'essence même du besoin de sensibilité pour transformer le monde (et le réel, l'Histoire).

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Faire apparaître le fantôme, et qu'il soit même une figure de chair qui puisse répondre, est un moyen de redonner une force, une ambition et une place à Philippa au sein de cet univers où elle se perd. Cette matérialisation est également une connexion entre deux époques : là où Philippa est considérée comme instable, c'est l'abstraction des sens qui se dessine dans les espaces. En apportant cette touche de fantaisie sans jamais l'appuyer, Stephen Frears préserve une chaleur mélodramatique. Celle qui, pourtant, est trop souvent timide pour bousculer les institutions et les obstacles auxquels fait face Philippa. Toute cette rationalité en miroir de la fantaisie manque cruellement de nuances, d'ampleur – à tel point que l'hypocrisie des hommes qui s'accaparent le travail ne fonctionne que par bribes fugaces. Ces personnages secondaires ont du mal à véritablement exister dans les paysages que traverse Philippa. La sérénité ne se retrouve jamais vraiment menacée, si bien que cette aventure ne déroge jamais à l'apaisement. Cela ne rend pas le film moins captivant dans sa seconde partie, lorsque les recherches débutent. Parce que Stephen Frears apporte une diversité de couleurs pour éclairer la passion et la quête de soi de Philippa. Comme lorsque il est suggéré que la dépouille puisse se trouver dans un lieu dégagé, l'accumulation d'espaces lointains et denses pour agrémenter l'aventure est une manière d'ouvrir une échappée imaginaire à ce quotidien moribond. Telle la scène d'un théâtre, ouvrant un nouvel espace rempli d'imaginaire pour échapper au réel.


Teddy Devisme


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