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[CRITIQUE] : L'Équipier


Réalisateur : Kieron J. Walsh
Acteurs : Louis Talpe, Matteo Simoni, Tara Lee,...
Distributeur : Epicentre Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Irlandais, Luxembourgeois, Belge.
Durée : 1h35min

Synopsis :
Tour de France 1998. Dom Chabol, un équipier expérimenté qui rêve du maillot jaune est lâché par l’équipe auquel il a consacré toute sa vie. Alors qu’il se prépare à rentrer chez lui, une erreur élimine un autre coéquipier et Dom doit se remettre en selle...



Critique :


Si la devise de Pierre de Coubertin veut toujours que " l'important, c'est de participer ", force est d'admettre que dans l'intimité du sport de haut niveau, et encore plus dans sa retranscription cinématographique : seule la victoire est importante, et peu importe les moyens usés pour y parvenir.
Sport spectacle passablement écorné par des campagnes de dopages qui ont fait le bonheur des tabloïds et des médias sportifs, le cyclisme n'en est pas moins une formidable discipline qui demande une dévotion de soi extraordinaire pour ne serait-ce qu'exister dans un univers impitoyable où le souci de performance va au-delà de la bienséance et même de la santé des coureurs.
Récit fictif catapulté à la veille d'une époque sombre de la Grande Boucle (le Tour de France 1998 et le boucan immense de l'affaire Festina, qui allait bousculer tout un système aux manigances jusqu'alors très discrètes), L'Équipier de Kieron J. Walsh suit les roues d'un lieutenant insatisfait par son statut au coeur d'une équipe où il n'est qu'une pièce détachable et remplaçable, lui dont la carrière est déjà gentiment logée dans la roue arrière, ce qui ne l'empêche pas d'espérer un ultime coup d'éclat.

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À travers ce personnage d'outsider parmis les outsiders, Walsh sonde aussi bien l’hyper-virilité que la rivalité loin d'être saine d'un milieu pyramidal qui dévore tout ce qui n'appartient pas à l'élite, scrutant avec authenticité et pragmatisme la normalité décontractée de leur quotidien entre bouffage de bitume et piquouze - avec un naturel incroyable - dans l'ombre des chambres d'hôtel, découlant d'une conviction commune biaisée de vouloir faire ce qu'il faut pour le bien de l'équipe.
Un conditionnement à part, aussi minutieux que la mécanique des vélos que chacun chevauche avec plus où moins d'enthousiasme, que chacun aborde comme une donnée et non comme les piques fragiles d'un système instable et voué au désastre, comme leurs corps/esprits meurtris par l'effort et l'administration de produits qui les font souffrir plus qu'ils ne veulent l'admettre.
Passionnant même si emprunt d'un académisme certain, L'Équipier ne se perd finalement que lorsqu'il pédale vers le superflu - une romance anecdotique et mal amenée -, alors que sa route toute tracée (sa mise en images de la culture du dopage elle-même, non pas comme une série de décisions volontairement prises par des individus qui voulaient tromper le système, mais intrinsèque au système lui-même) en faisait une immersion originale, énergique et surtout réaliste d'un sport hermétique et finalement peu abordé sur grand écran.
Pas de quoi bouder notre plaisir cela dit, alors que le Tour de France cuvée 2023 va débuter d'ici une poignée d'heures...


Jonathan Chevrier