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[CRITIQUE/RESSORTIE] : Nos Années Sauvages


Réalisateur : Wong Kar-Wai
Acteurs : Leslie Cheung, Carina Lau, Maggie Cheung, Andy Lau, Jacky Cheung, Rebecca Pan,...
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Hong-Kongais.
Durée : 1h40min.

Date de sortie : 6 mars 1996
Date de ressortie : 29 juin 2022

Synopsis :
Yuddy collectionne les conquêtes et n’en peut vite plus de ces jeunes femmes qui, à peine séduites, imaginent déjà la vie à deux, le mariage, la monogamie. Pas son truc. Exit Su, trop fleur bleue, le voilà désormais qui fréquente Leung, un peu plus affranchie – elle danse dans des night-clubs. Du coup, Su attend en bas de l’appartement de son ancien amant, inconsolable, quand surgit, prêt à la secourir, le policier de proximité qui fait sa ronde dans le Hong-Kong des années 60.



Critique :


Un brin curieuse cette campagne promotionnelle opérée par The Jokers, qui ressort en version restaurée les deux premiers efforts du vénéré Wong Kar-wai, As Tears Go By et Nos Années Sauvage, mais ne semble sensiblement (comprendre : exclusivement) baser ses forces sur la promotion du premier, là où le second s'avère peut-être encore plus intéressant.
Si As Tears Go By s'inscrivait pleinement dans la mouvance des polars sombres made in HK, aux côtés des oeuvres des papes Lam et Woo, Nos Années Sauvages lui, qui reprend l'idée que l'incapacité des êtres à pleinement se connecter aux autres est à la fois une malédiction et une bénédiction, se fait une bouleversante étude de personnages autodestructeurs, au coeur d'une décennie - les 60s - qu'il embaume dans un surréalisme vaporeux (comme pour ces chef-d'oeuvres In The Mood For Love et 2046, avec qui il partage la même temporalité désenchantée), sans pour autant masquer l'aliénation et la mélancolie qui y planaient.

Copyright La Rabbia

Au travers du destin contrariée du coureur de jupons Yuddy (formidable Leslie Cheung), le cinéaste scrute les aternoiements sentimentaux et existentiels de personnages (dont le comportement et l'aspect réservé renferment le traumatisme d'un après-guerre sur lequel personne ne véritablement mettre de mots) engoncés dans leur incapacité à atteindre une véritable catharsis spirituelle, tout autant qu'ils sont condamnés à affronter des démons/blessures intimes et vivaces qu'ils ne semblent jamais en capacité de vaincre, déracinés qu'ils sont dans un présent qui peine lui aussi à s'incarner.
Mais la magie poétique du film réside dans le fait que Kar-wai n'appose absolument pas le vernis de l'héroïsme où du romantisme sur eux, dont la plus grande - et triste - ambition n'est finalement de vivre avec quelqu'un qui non pas les aime mais leur rend leur empathie, il choisit plutôt de valoriser l'intimité par l'absence, la frustration du désir par la dissidence et le conflit, faisant en sorte que tous ses êtres incomplets et écartelés entre le passé et le présent, symbolisent le désarroi douloureux que nous ressentons tous lorsque quelqu'un ne nous aime pas en retour - un homme, une femme, une mère.

Copyright La Rabbia

En opposant la crudité du rejet qui dévore les âmes à l'artifice d'une mise en scène subtile et virtuose, où l'intemporalité épouse l'inertie de spectres ambulants en quête de sens et auxquels tout échappe (le temps, les choses, les êtres,...), Wong Kar-wai fait de Nos Années Sauvages un somptueux ballet désenchanté et mélancolique, gravant sur la pellicule les bases si familières et séduisantes de ce que sera son glorieux futur.


Jonathan Chevrier


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