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[CRITIQUE] : Belfast


Réalisateur : Kenneth Branagh
Avec : Caitriona Balfe, Jamie Dornan, Jude Hill, Ciarán Hinds, Judi Dench, …
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Britannique
Durée : 1h39min

Synopsis :
Été 1969 : Buddy, 9 ans, sait parfaitement qui il est et à quel monde il appartient, celui de la classe ouvrière des quartiers nord de Belfast où il vit heureux, choyé et en sécurité. Mais vers la fin des années 60, alors que le premier homme pose le pied sur la Lune et que la chaleur du mois d’août se fait encore sentir, les rêves d’enfant de Buddy virent au cauchemar. La grogne sociale latente se transforme soudain en violence dans les rues du quartier. Buddy découvre le chaos et l’hystérie, un nouveau paysage urbain fait de barrières et de contrôles, et peuplé de bons et de méchants.


Critique :

Kenneth Branagh. L'homme aux mille visages. Alors que sa figure agrémentée d’une étonnante moustache grise continue d'envahir nos salles obscures avec sa seconde adaptation "agatha christienne" Mort sur le Nil, le cinéaste nous offre, avec Belfast, un regard sur son passé.

En 1969, les émeutes faisaient rage en Irlande du Nord. Le petit Buddy et sa famille vivent dans un quartier où protestants et catholiques cohabitent. Ils sont alors aux premières loges des manifestations violentes qui se déroulent dans leur rue pour chasser les habitants catholiques. Belfast se voit comme une chronique de cette époque tourmentée. Kenneth Branagh livre sa vision de l'histoire, un film-témoignage construit à hauteur de l'enfant qu'il était jadis.

Copyright Rob Youngson / Focus Features

Originaire de Belfast, le cinéaste ouvre son film en montrant le ville comme une carte postale. L’image est d’une belle couleur saturée, qui donne envie de venir passer des vacances dans ce coin d’Irlande du Nord. Un mouvement de caméra de bas en haut nous fait basculer à l’époque, changeant aussi la couleur de l’image, maintenant d’un beau noir et blanc peu contrasté. L’image est douce et la mise en scène transpose parfaitement la sérénité de cette petite rue de quartier, où les enfants jouent dehors et où tout le monde se connaît. La caméra virevolte entre les figurants pour venir s’intéresser à Buddy, un garçon de neuf ans à l’imagination débordante. Alors que sa mère l’appelle, le garçon rentre chez lui innocemment et tombe nez à nez avec des indépendantistes venus attaquer les maisons catholiques. Le ton change et la violence de cette action se ressent dans la mise en scène. Branagh insert des gros plans des vitres qui volent, des habitants qui se cachent sous la table, apeurés. Les conflits nord-irlandais, appelés les “Troubles” seront présents en sous-texte durant le film, pour donner le contexte dans lequel la famille de Buddy vit. Ce n'est cependant pas l’histoire géo-politique qui intéresse le réalisateur mais son propre ressenti de petit garçon à cette époque. Belfast ouvre une fenêtre sur le passé et intègre directement dans sa mise en scène le parti-pris du récit : le point de vue de Buddy.

Le ton léger et parfois drôle du film prend alors tout son sens quand on comprend que c’est le regard de Buddy qui régit le cadre, le regard d’un adulte se remémorant avec plaisir son enfance. Ce parti-pris donne au réalisateur l’occasion de placer la candeur et la naïveté dans chaque partie de son récit. Qu’importe la gravité de la situation, la douceur du ton vient nous cueillir. Les valeurs de plan sont utilisées pour appuyer une domination ou un trait d’humour. Les adultes sont souvent filmés en contre-plongé pour asseoir l’autorité qu’ils peuvent avoir sur le petit Buddy. Mais ses grands-parents (Ciarán Hinds et Judi Dench) sont constamment assis, à hauteur du personnage, et personnifie la petite bulle dans laquelle est enfermée Buddy. Une bulle d’enfance que rien ne vient entacher, pas même les événements de la vie : peine de cœur, deuil, déménagement.

Copyright Rob Youngson / Focus Features


Le monde que dépeint Kenneth Branagh est un monde de fiction, sortant directement de son imagination. Il se caractérise enfant avec déjà une imagination débordante et un attrait pour le cinéma. Les moments en famille dans les salles obscures encapsulent tous les moments de gaieté, loin des émeutes et de la tristesse. Ses parents redeviennent proches le temps d’un film. Sa grand-mère oublie sa solitude et son inquiétude vis-à-vis de la maladie de son mari. Ces interludes cinématographiques constituent le cœur du film, où le petit garçon peut associer le cinéma comme façon de réunir le monde, de rêver en ouvrant grand les yeux et de redéfinir sa réalité.

Belfast se regarde comme un écrin de candeur face aux tourments du monde. La vision béate et nostalgique que nous offre Kenneth Branagh a de quoi émouvoir tant il rend hommage à l’enfance, où les rêves, les premiers émois et l’imagination débordante étaient ce qui importait le plus.


Laura Enjolvy