[CRITIQUE] : L’Événement
Réalisatrice : Audrey Diwan
Avec : Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet-Klein, Luàna Bajrami, Louise Orry-Diquéro, ...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Français
Durée : 1h40min
Synopsis :
Je me suis faite engrossée comme une pauvre. L’histoire d’Anne, très jeune femme qui décide d’avorter afin de finir ses études et d’échapper au destin social de sa famille prolétaire. L’histoire de la France en 1963, d’une société qui condamne le désir des femmes, et le sexe en général. Une histoire simple et dure retraçant le chemin de qui décide d’agir contre la loi. Anne a peu de temps devant elle, les examens approchent, son ventre s’arrondit…
Critique :
Cadrant avec beaucoup de finesse le visage de son héroïne, Audrey Diwan évite le récit sensationnaliste et le jugement facile qui aurait pu en découler, et fait de #LÉvènement un puissant et viscéral témoignage, au travers d’un corps entravé par le non-choix. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/YQ7cKvEAhE
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 16, 2021
« Un film sur l’avortement, on sait que d’une manière ou d’une autre, on sera toujours d’actualité », annonçait Audrey Diwan à l’issue de son prix au festival de Venise en septembre dernier. La réalisatrice de L’événement, adaptation du roman éponyme d’Annie Ernaux, n’avait pas tort. Quelques jours avant la cérémonie de clôture et l’annonce de son palmarès, l'État du Texas annonçait une loi punitive pour toutes personnes voulant avorter. Le corps possédant un utérus sera toujours un enjeu de pouvoir. Alors que l’espoir était au rendez-vous, après la victoire des militantes argentines l’année dernière, la Pologne et le Texas (et bien d’autres) refusent de leur laisser le choix.
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Anne, jeune femme de vingt ans, fille de prolétaires, va au devant d’une belle carrière d’enseignante. Élève brillante, elle est sur le point d’accéder aux études supérieures après ses examens, quand le couperet tombe : elle est enceinte. Cette annonce prend la forme d’une fin pour Anne. Une fin du monde, la fin de son monde, de son désir d’apprendre, de sa belle carrière dans les lettres. Nous sommes en 1963, l’avortement est illégal et empêche le personnage d’avoir une solution.
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L’événement se fait, également, le reflet de la France des années 60. Derrière Anne, se trouve un monde de contraintes, uniquement pour les femmes. Tandis que les hommes expérimentent la sexualité à leur guise, il est demandé aux jeunes filles d’attendre avant de goûter au plaisir elles-aussi. Attendre bien évidemment le bon, celui qui demande la main, le mari avant d’être l’amant. Comme l’avortement, la sexualité des femmes doit être secrète, rien que d’en parler équivaut à une rébellion. Pourtant, dans l’intimité d’une chambre, la masturbation féminine existe. Et comme les avortements clandestins, qui se révèlent au creux d’une oreille avec les précieuses coordonnées d’une « faiseuse d’ange », la masturbation est une expérience qui se partage de l’une à l’autre. Expérimenter le désir interdit, sans jugement. C’est ce que recherche Anne dans ses relations avec les hommes, un plaisir simple, partagé équitablement. Juste deux corps qui s’appellent et se répondent. Anne n’est jamais amoureuse dans le film mais vit le désir du corps. En creux, le personnage réclame une pulsion sexuelle épanouie, le droit de choisir en tant qu’individu propre, de disposer de son corps à sa guise. La sexualité des femmes, comme le montre L’événement, n’était pas joyeuse. Le risque était immense, le plaisir interdit, les connaissances maigres. Anne se fait le vaisseau de cette envie commune, et se place comme une héroïne contemporaine enfermée dans un passé qui, on l’espère en France, est révolu. La symbolique de l’écriture prend alors une importance capitale. De ces mots soulignés dans un carnet à l’attente des règles, « toujours rien », au grattement de la plume qui accompagne la phrase finale « sortez vos stylos ». Jusqu’à l’envie d’Anne d’écrire. Un désir qu’elle exprime à un de ses professeurs, reniant sa carrière toute tracée d’enseignante, à la manière d’une Janet Frame dans Un Ange à ma table (1990), par Jane Campion.
Audrey Diwan parvient à faire les bons choix et fait de L’événement un film viscéral. Cadrant avec beaucoup de finesse le visage d’Anne, la cinéaste évite le récit sensationnaliste et le jugement qui aurait pu en découler. Le film est un puissant témoignage, au travers d’un corps entravé par le non-choix.