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[CRITIQUE] : Le Traducteur

Réalisateurs : Rana Kazkaz et Anas Khalaf
Acteur : Elio Germano, Barbara Chichiarelli, Lino Musella,...
Distributeur : Alba Films
Budget : -
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Syrien, Français, Suisse, Belge, Qatarien.
Durée : 1h45min

Synopsis :
En 2000, Sami était le traducteur de l’équipe olympique syrienne à Sydney. Un lapsus lors de la traduction le contraint à rester en Australie, où il obtient le statut de réfugié politique. En 2011, la révolution syrienne éclate et le frère de Sami est arrêté pendant une manifestation pacifique. Malgré les dangers il décide de tout risquer et de retourner en Syrie pour aller le libérer...



Critique :


Il y a un fil conducteur profondément chaotique qui relie la vie du personnage principal du film, Sami, aux moments tout aussi critiques de l'histoire récente et douloureuse de la Syrie, des émeutes de 1980 contre le régime oppressif de Hafiz al-Asad (ou enfant, il a été témoin de l'arrestation de son père, qui n'est jamais rentré chez lui), au passage au pouvoir, aussi plébiscité que forcé constitutionnellement, de Bachar al-Assad (au moment ou il était aux J.O de Sydney, rattaché en tant que traducteur arabe-anglais auprès de l'équipe olympique Syrienne, et où une bévue/prise de liberté pendant une traduction en direct, va l'obliger à l'exil en Australie), jusqu'au déclenchement de la guerre civile, en 2011 (période où il décide de laisser sa femme en Australie, et de rentrer clandestinement en Syrie pour libérer son frère, arrêté pendant une manifestation pacifique).
Premier long-métrage clinique et dépouillé du tandem Rana Kazkaz et Anas Khalaf (qui s'est fait connaître avec l'excellent court-métrage Mare Nostrum, qui marquait déjà leur intérêt pour la diaspora syrienne), Le Traducteur se fait le témoin fictionnel, mais au réalisme souvent à la lisière du documentaire (et qui n'est pas sans rappeler le cinéma engagé de Costa-Gavras), de l'histoire troublé de leur pays au travers du portrait tourmenté d'une âme cosmopolite (de par son métier ou même plus simplement, son exil forcé) frappée par la culpabilité.

Copyright GEORGES FILMS

Un personnage nuancé et empathique incarnant l'outil rhétorique des cinéastes (voire même de projection, tant ils sont tout comme lui exilés) pour tracer de manière manifeste et didactique, un regard aussi déchirant que tragique d'une population asphyxiée par un conflit déshumanisé, et délaissée par une communauté internationale aveugle, qui ne voit en elle qu'un potentiel problème à régler (flux migratoire, potentiel terrorisme,...).
Dans cette optique, les deux prismes de vues - personnel et national - de chaque chapitre charnière du récit se répondent, que ce soit l'enfance ensanglantée de Sami (la disparition de son père, lors d'une manifestation sanglante marquant les débuts de la révolution en Syrie, fait écho à une enfance contemporaine ou les plus jeunes vivent la guerre au quotidien, et ont leurs programmes pour enfants interrompus par des éditions spéciales de l'actualité du régime), ou l'élément déclencheur de son exil (une traduction tronquée façon lapsus freudien, opposé à la schizophrénie d'un régime qui ne peut accepter, comme tous les régimes despotiques, que le récit de sa dimension plébiscitaire soit remis en cause, pas même par un seul mot).
Entre la tragédie (la narration, certes simpliste, en reprend tous les codes) et le thriller d'espionnage/politique tendu (appuyé par une mise en scène sobre et nerveuse, montrant sans concessions la réalité de la Syrie d'aujourd'hui) tout autant qu'il est porté par la prestation intense et tout en retenue de Ziad Bakri; Le Traducteur est une oeuvre percutante et engagée qui renvoie chacun à ses responsabilités, à une heure ou un peuple souffre dans l'indifférence - presque - général, face à l'obscurantisme. 


Jonathan Chevrier



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