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[CRITIQUE] : Blue Bayou


Réalisateur : Justin Chon
Avec : Justin Chon, Alicia Vikander, Mark O'Brien, Emory Cohen, Linh-Dan Pham,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h58min

Synopsis :
Ce film est présenté dans la sélection Un Certain regard du Festival de Cannes 2021

Antonio LeBlanc, d’origine américano-coréenne, a été adopté et a passé sa vie dans un petit village du Bayou de Louisiane. Aujourd’hui marié à la femme de sa vie, Katy, ils élèvent ensemble Jessie, la fille de cette dernière, issue d’un premier lit. Alors qu’il travaille dur pour offrir ce qu’il y a de meilleur à sa famille, il va devoir affronter les fantômes de son passé en apprenant qu’il risque d’être expulsé du seul pays qu’il ait jamais considéré comme le sien.



Critique :


Que cela signifie t-il réellement d'être américain dans l'Amérique d'aujourd'hui ?
L'américanité est-elle intrinsèque, ou est-elle quelque chose qui doit " s'apprendre " ?
Qui peut-on réellement considéré comme un " vrai " américain ?
Ces questionnements, clairement d'actualité, Justin Chon les fait résonner dans toutes les parcelles de pellicules de son dernier effort en date, Blue Bayou, un drame bouillant et émouvant dont l'intimité réelle et réfléchie suggère constamment l'expérience vécue.
Plongée un poil trop calculée mais d'une fureur touchante, sur les absurdités inhumaines de la loi américaine sur l'immigration, le film suit le parcours labyrinthique et désespéré d'Antonio le Blanc, né en Corée mais adopté dès l'âge de trois ans par des parents adoptifs blancs à St. Francisville, en Louisiane.
Il s'est construit une vie complètement américaine, travaillant en indépendant dans un salon de tatouage tout en étant marié à la chaleureuse physiothérapeute Kathy, mère de la jeune Jessy, née d'une précédente union, et enceinte de son second enfant.
Mais toutes les cartes sont rebattus quand, après une bagarre avec l'ancien mari policier de Kathy, Ace - suite à une arrestation à tort -, et son partenaire raciste brutal et agressif, Antonio est confronté à son passé de jeune délinquant, et se voit soudainement menacé d'expulsion...

Copyright 2021 Focus Features, LLC.

Loin d'être d'une subtilité à toute épreuve (ses teintes de bleu et de rouge citant directement les couleurs du drapeau américain), tout en n'étant pas exempt de métaphores évidentes et de dialogues parfois un poil guindés (quand il ne pousse pas les potards ses élans mélodramatiques jusqu'à l'excès), le troisième long-métrage de Chon n'en réussit pas moins la prouesse d'incarner à la fois un exposé passionné d'une injustice presque universelle dans le système américain, qu'un puissant mélodrame à l'ancienne (à forte résonance Wong Kar-wai), sur la destruction d'une famille par la force de violences policières impunis, et d'une justice aux dérives kafkaïennes.
D'une rage implacable envers un système qui semble conçu pour fabriquer et nourrir la cruauté et l'humanité (une politique qui n'a de moderne que le nom), autant que d'une tendresse déchirante (rendant de facto ses personnages encore plus réels qu'ils ne pouvaient déjà l'être par leurs solides incarnations), Blue Bayou frappe par l'énergie brutale de son sentiment d'actualité et de la dure réalité qu'il dépeint, celles d'hommes et de femmes confronté à leur américanité là où on ne les jugent que par leur origines - parfois lointaines (le héros étant ici autant attaché à son identité américaine qu'il est éloigné de son asiatisme, même si une certaine conscience culturelle et d'appartenance s'éveille au fil du récit).
Mise en images simple d'une nation binaire, ou la citoyenneté n'est pas une question de choix, mais de statut juridique, le film certes naïf et parfois facile, n'en est pas moins un regard pertinent sur un traumatisme intergénérationnel capté au travers du prisme d'une quête personnelle et rédemptrice compliquée mais joliment cathartique.


Jonathan Chevrier