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[CRITIQUE] : Les Intranquilles


Réalisateur : Joachim Lafosse
Acteurs : Leïla Bekhti, Damien Bonnard, Gabriel Merz Chammah,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge, Luxembourgeois.
Durée : 1h58min

Synopsis :
Le film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2021


Leila et Damien s’aiment profondément. Malgré sa bipolarité, il tente de poursuivre sa vie avec elle sachant qu’il ne pourra peut-être jamais lui offrir ce qu’elle désire.



Critique :


Avec 24 longs-métrages, la compétition cannoise cuvée 2021 fût la plus importante - en quantité - depuis 1995, et les aspirants à la Palme d'Or ont continué de brillé jusqu'à la fin, même si le suspens est désormais clos au moment même où ses mots sont écris (et que la Palme, quoi qu'en diront certains, a été décerné à une oeuvre qui le méritait).
L'un des derniers bouts de cinéma à avoir été présenté au jury, Les Intranquilles du talentueux Joachim Lafosse, aurait très bien pu ne pas repartir bredouille de la Croisette, portrait à combustion lente d'un peintre et père atteint de trouble bipolaire, qui ne dénote absolument pas du cinéma du bonhomme, habitué à décortiquer avec minutie la cellule familiale - et surtout la dynamique du couple en son coeur -, de leur fausse quiétude jusqu'au moment ou tout déraille.
À l'instar du poignant Bigger Than Life de Nicholas Ray, l'histoire tourne avant tout et surtout autour d'un paterfamilias qui ne sait pas que son esprit est troublé : Damien, bipolaire donc mais aussi sujet aux épisodes maniaques et à une perte de sommeil conséquente.
Il vit dans une confortable maison de campagne avec son jeune fils Amine et sa femme (très) attentionnée Leïla, qui fabrique des meubles dans un atelier sur place.
Lui aussi a son propre atelier, c'est un peintre à succès et son métier convient parfaitement à son tempérament.
Mais lorsqu'il rentre dans ce que l'on apprend est un énième épisode maniaque, et refuse de prendre ses médicaments, Leïla est à bout de nerfs, et plus rien ne va pour tout le monde...

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Lente tragédie intime avançant au gré de la détérioration progressive et incontrôlée (tout comme ses pulsions) de son sujet, Lafosse y suit toujours l'action avec objectivité, ne tombant jamais dans le subjectivisme facile typique du genre (utilisant principalement une vision à la première personne pour mieux déformer la réalité et recourir à une esthétique aussi inconfortable qu'incomplète), pour mieux laisser parler la vérité de ses interactions de manière frontale et organique, mais surtout les dommages cataclysmiques de la maladie chez les " autres ", ceux qui ne sont pas directement frappés par elle, mais en sont néanmoins des victimes directes - d'autant plus quand elles restent.
Un parti pris louable, renforçant le climat anxiogène à la tension grimpant crescendo (bien aidé par une mise en scène délicate et vertigineuse, au plus près des humeurs) autant que la fluidité d'une narration volontairement pauvre en dialogues (mais dont l'extrême réalisme aurait ceci dit gagné à ne pas être un poil entaché par un score trop présent), mais totalement vissée à l'interprétation naturelle et habitée de son couple vedette; que ce soit un Damien Bonnard tout en intensité ou une Leïla Bekhti courageuse mais douloureusement débordée (elle est véritablement LE coeur du récit).
Scrutant comment la maladie - ici mentale - empoisonne tout, même les âmes les plus aimantes (avec en contraste, une réalité pandémique qui elle aussi, détruit les relations humaines), en ne masquant jamais le bal des douleurs qui l'accompagne (l'inquiétude, la peur pour et de l'autre, la colère, la honte, le désespoir, l'impuissance,...) tout en jouant jusqu'à l'extrême, avec les limites de l'amour et du couple; Les Intranquilles, dans la lignée d'À Perdre la Raison, est un merveilleux drame poignant et déchirant qui, comme dit plus haut, aurait très bien pu/dû ne pas repartir sans prix de Cannes...


Jonathan Chevrier