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[CRITIQUE] : Mayday


Réalisatrice : Karen Cinorre
Avec : Greta Van Patten, Mia Goth, Havana Rose Liu, Soko, Théodore Pellerin, Juliette Lewis, ...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Thriller, Action, Fantastique
Nationalité : Américain
Durée : 1h39min

Synopsis :
Une jeune femme, Ana, se retrouve dans un pays onirique et dangereux. Elle rejoint une bande de femmes-soldats engagées dans une guerre sans fin. Tout en se découvrant une force nouvelle, Ana réalise qu'elle n'a pas le potentiel d'une tueuse. Elle va mettre son énergie à revenir dans le monde auquel elle appartient.


Critique :


Présenté il y a moins d’une semaine au Festival de Sundance, le premier long métrage de Karen Cinorre, Mayday, est en compétition dans la catégorie Tiger du Festival de Rotterdam. Seul film américain de la section, la réalisatrice a imaginé une île où des jeunes femmes abattent chaque soldat qui menace leur sécurité dans un sous-marin échoué sur la plage. Mayday n’a rien d’un film de guerre et dévoile un surprenant ton entre fantastique et SF. Un premier film solide, avec un casting majoritairement féminin.
Mary. Alpha. Yanki. Delta. Alpha. Yanki. Cette ritournelle hante le film de Karen Cinorre, comme une chanson dont on ne comprendrait pas encore les paroles. Les premières lettres de chaque mot forment Mayday, titre du film et SOS international des communications radio-téléphoniques, pour signaler un bateau ou un avion en détresse. Usant d’une métaphore visuelle de la Seconde Guerre mondiale, la cinéaste dévoile un monde parallèle, où quelques femmes vivent seules sur une plage et combattent tout signe d’intrusion masculine. Sortes de sirènes de l’ère technologique, elles se servent du signal pour attirer des bateaux de soldats dans des pièges, dont ils ne peuvent ressortir. Mais nous nous apercevons bien vite que le film n’est pas aussi manichéen. La détresse, question centrale ici, prend une structure peu conventionnelle, dans une atmosphère singulière où les femmes vivent une forme d’utopie libératrice. 

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Dans le monde réel, l'héroïne principale Ana (Grace Van Patten) est une serveuse maltraitée par son patron verbalement (et sûrement physiquement). Le restaurant s’apprête à recevoir des jeunes mariés, mais la joie de son nouvel état maritale de ne reflète pas sur le visage de l'épouse qui, les yeux noyés de larmes, appelle Ana à l’aide. Mais elle sera punie pour avoir voulu aider la mariée. Telle l’Alice de Lewis Caroll dans son terrier de lapin, elle passe dans “l’autre monde” au travers d’un four et rencontre Marsha (Mia Goth), la mariée éplorée, qui dans ce monde est la cheftaine d’un petit groupe de soldats féminines, Béatrice (Havana Rose Liu) et Gert (Soko).
Au fur et à mesure, les personnages rencontrés dans le monde réel sont réincarnés dans celui-ci en soldat, dans cette guerre sans merci entre hommes et femmes. Nous ne saurons jamais vraiment ce qu’est ce nouveau monde. Une transition entre vivants et morts ? Un purgatoire ? L’expiation des hommes, pour contrebalancer leur domination dans le monde des vivants ? Ce dont on est sûr, c’est qu’il donne une seconde chance à des femmes qui ont connu des traumatismes liés à cette domination. Marsha devient le symbole d’une nouvelle force. Elle apprend à Ana comment se servir d'armes à feu, comment développer sa confiance en soi, pour occire l’ennemi, mais surtout pour dévoiler sa propre résilience. Ana se trouve être une tireuse d'élite née, l’oppression subit depuis toujours étant un parfait entraînement pour rester dans une position inconfortable de longues heures et savoir se rendre invisible. Cependant, une question finit par tarauder Ana : à quoi sert ce nouveau feu intérieur dans ce monde où les combats sont factices ? Dans le vœu de Marsha de protéger chaque nouvelle arrivante sur la plage se trouve un statu-quo qu’elle n’est pas prête à abandonner. Ana voudrait pourtant essayer cette nouvelle force dans le monde réel, pour pouvoir mener ses propres combats et trouver un nouveau souffle. 

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La grande force de Mayday se place dans ce ton ambigu, qu’il ne lâche jamais. Karen Cinorre n’abandonne pas son concept progressivement, au contraire, elle l’amplifie par la complexité du personnage de Marsha et par un univers fantastique qui mélange les genres. La cinéaste expose un monde misandre nuancé et place la détresse féminine dans un prisme d’espérance, où l’empowerment ne se dévoile pas forcément dans la force physique, mais par l’utilisation de sa voix. Une arme puissante, d’où sortent les témoignages.


Laura Enjolvy



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