[CRITIQUE] : Les héros ne meurent jamais
Réalisatrice : Aude-Léa Rapin
Acteurs : Adèle Haenel, Jonathan Couzinié, Antonia Buresi,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge, Bosniaque.
Durée : 1h25min.
Synopsis :
Dans une rue de Paris, un inconnu croit reconnaitre en Joachim un soldat mort en Bosnie le 21 août 1983. Or, le 21 août 1983 est le jour même de la naissance de Joachim ! Troublé par la possibilité d’être la réincarnation de cet homme, il décide de partir pour Sarajevo avec ses amies Alice et Virginie. Dans ce pays hanté par les fantômes de la guerre, ils se lancent corps et âme sur les traces de la vie antérieure de Joachim.
Critique :
Jolie surprise que #LesHerosNeMeurentJamais, faux documentaire mais vrai road movie absurde et touchant, une ode passionnée, déroutante et engagée au milieu des ruines physiques et émotionnelles de la guerre, dominée par les belles partitions du duo Adèle Haenel/Jonathan Couzinié pic.twitter.com/gjcDP5RUN0
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 2, 2020
Catapulté un brin à l'aveuglette - ou presque - dans les salles obscures hexagonales plus d'un an et demi après sa présentation cannoise (merci le Covid-19), le premier long-métrage d'Aude-Léa Rapin aura sans doute bien du mal à faire son trou au milieu des nombreuses sorties de ce mercredi, sachant que celles-ci auront sans doute déjà pas mal de souci à attirer en masse le spectateur (qui a dit Ourobouros ?).
Et c'est dommage, tant malgré ses défauts certains (et inhérents aux premiers passages derrière la caméra), la péloche est une expérience assez unique, explorant avec plus ou moins de justesse les thèmes de la réincarnation, de la peur - de la vie comme de la mort, de l'espoir et du pardon, pour mieux livrer une ode passionnée sur l'existence elle-même, au milieu des ruines émotionnelles de la guerre.
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Façonné comme un vrai/faux documentaire found footage, transformant de facto la caméra non plus en témoin privilégié de l'intrigue, mais bien comme un personnage à part entière (silencieux et fantomatique, directement appelé Paul par tous les protagonistes), le film se veut comme un road movie serré et naturaliste, ou une poignée de jeunes adultes se rendent en Bosnie-Herzégovine, pour découvrir si l'un d'entre eux est bien ou non, la réincarnation d'un soldat décédé là-bas en août 1983 - Zoran Tadic.
Sans grande ambition cinématographique (ce qui est loin d'être un défaut en soi), d'une légèreté de fabrication rafraîchissante (même si à double tranchant, notamment dans sa photographie très fragile et son final un brin nébuleux), et semblant vouloir tout traiter dans un mélange aussi grisant que maladroit, d'engagement politique (de par son cadre désolée, il questionne autant le traitement fantomatique des soldats disparus, de terres meurtris par la guerre et dont les dangers ne sont pas totalement éteints, que le regard absent d'une Europe laissant pour compte ses plus récents ressortissants), d'absurdité de ton totalement assumé (ou tout dû moins accentué par la maladresse des personnages) et de critique social (la récupération médiatique, le manque de soutien des victimes/habitants les plus démunis); Les Héros ne meurent jamais est un drame douloureux et énigmatique touché par une tristesse insondable, une quête impossible entre absence et enchantement, certes foutraque et pas totalement digérée, mais captivante.
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Alors tant pis si, au fond, il ne peut jamais vraiment prétendre à incarner plus qu'une belle petite évasion sur pellicule (la faute à un ton instable qui le met trop souvent, le fessier entre deux genres), loin du grand récit existentiel et universel qu'il pouvait incarner, car la force évocatrice de son casting (Adèle Haenel et Jonathan Couzinié sont incroyablement touchant), couplée à son union singulière entre l'essai poétique et le devoir de mémoire/d'histoire, en font une expérience formidablement émouvante et déroutante, comme le cinéma hexagonal en a cruellement besoin.