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[CRITIQUE] : The Disaster Artist


Réalisateur : James Franco
Acteurs : James Franco, Dave Franco, Seth Rogen, Zac Efron,..
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Comédie, Drame, Biopic.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h44min.

Synopsis :
En 2003, Tommy Wiseau, artiste passionné mais totalement étranger au milieu du cinéma, entreprend de réaliser un film. Sans savoir vraiment comment s'y prendre, il se lance … et signe THE ROOM, le plus grand nanar de tous les temps. Comme quoi, il n'y a pas qu'une seule méthode pour devenir une légende !





Critique :




Il n'y a pas de hasard dans le tout petit monde (pourri ?) qu'est Hollywood, et il n'aura décemment pas fallu attendre longtemps - 15 ans tout ronds - pour que le trublion le plus anticonformiste du business de ces dix dernières années, James Franco, ne décide de s'attaquer à l'oeuvre (oui, cela reste une oeuvre) la plus nanardesque - et donc totalement anticonformiste également - du cinéma ricain : The Room du désormais légendaire Tommy Wiseau, en plongeant dans les arcanes de son tournage (en adaptant le roman The Disaster artist – My Life Inside The Room, the Greatest Bad Movie Ever Made, de Greg Sestero et Tom Bissell) et de la bromance liant Wiseau et Greg Santoro, au moins aussi abracadabrantesque que son rendu final est d'une nullité abyssale.


Funambule de l'impossible au cinéma pas forcément toujours facile d'accès mais infiniment passionnant (plus que ses pourtant sympathiques potacheries avec la bande à Apatow), Franco signe à nouveau ici une expérience de cinéma à part sur un homme qui l'est tout autant, et dont le mythe ne cesse de croitre au fil du temps; une lettre d'amour aussi bien à ce long-métrage qu'il est (un poil) honteux d'aimer, qu'à l'American Dream et au septième art en lui-même, ainsi qu'à tous ses amoureux rêveurs qui veulent coûte que coûte apporter leur propre pierre à son formidable édifice.
Et qui de mieux que lui, performeur incroyable capable de tout jouer et de s'abandonner - littéralement - comme personne face caméra (et encore mieux la sienne), de saboter autant son image que de la sublimer par la force de prestation habitée, pouvait incarner toute l'ambiguïté et l'excentricité qui entoure le mythe Wiseau (on ne sait rien de ses origines, de son âge, de ses moyens illimités,...), avec suffisamment de respect et de crédibilité pour ne pas écorner son pouvoir attractif.


Décortiquant The Room autant qu'il le raille sans tomber dans le mépris facile que l'on peut tous avoir face à une oeuvre foncièrement mauvaise, lui offrant une visibilité inespérée tout en s'intéressant au plus près au personnage farfelu qui en est à sa tête en le plaçant en tant qu'antagoniste majeur de son oeuvre (le héros ici est bien Sestero, campé par le frère de James, Dave); Franco, totalement habité (il capte toutes les mimiques du bonhomme avec une précision à la limite de l'indécence), alimente tout du long le mythe Wiseau, le rendant même parfois profondément empathique dans sa volonté de créer totalement indestructible.
Une sorte de monstre narcissique condamné à ne pas être compris, à être moqué par un système qui, aujourd'hui, ne se gêne même pas pour recycler son oeuvre; un système fermé tout autant qu'il est un lieu de tous les possibles.



Maîtrisé et généreux, volontairement exagéré pour mieux retranscrire une réalité à la fois hallucinante et rude, sincèrement hilarant sans pour autant laisser l'émotion sur le carreau (notamment dans son dernier tiers), The Disaster Artist est une irrésistible comédie façon ode à la persévérance un brin moqueuse et énigmatique (à la différence du chef-d'oeuvre Ed Wood de Tim Burton, avec qui il partage beaucoup de points communs, qui perçait à jour la personnalité du célèbre cinéaste), un quasi-feel good movie unique - dans tous les sens du terme - dont on ressort aussi enthousiasmé que légèrement abasourdi : oui, un excellent film peut définitivement naître d'une bouse sans nom, aussi fou que cela puisse paraître.


Jonathan Chevrier