[CRITIQUE] : When the light breaks
Réalisateur : Rúnar Rúnarsson
Avec : Elín Hall, Katla Njálsdóttir, Ágúst Örn B. Wigum, Baldur Einarsson,…
Distributeur : Jour2fête
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Croate, Français, Islandais, Américain.
Durée : 1h22min.
Synopsis :
Ce film est présenté en sélection Un Certain Regard au Festival de Cannes 2024 et en fait l'ouverture.
Le jour se lève sur une longue journée d’été en Islande. D’un coucher de soleil à l’autre, Una une jeune étudiante en art, rencontre l’amour, l’amitié, le chagrin et la beauté.
Critique :
Au plus près des corps meurtris incapable de verbaliser leur douleur, Rúnar Rúnarsson, qui ne se laisse jamais aller à une exploitation mélodramatique des émotions, fait de #WhenTheLightBreaks une exploration pudique et sensible du deuil collectif et de la souffrance adolescence. pic.twitter.com/1Jfas7ojOw
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) May 25, 2024
Même si tu ne le demande pas (et que tu t'en fout sûrement, honte à toi), le cinéma islandais va plutôt bien en ce moment, merci pour lui.
Pas forcément présent en masse dans nos salles obscures, la terre des glaces nous avait déjà dégainé deux sympathiques propositions sur les derniers mois (Zone(s) de turbulences de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson, comédie satirique qui s'inscrit dans la même veine existentialo-deglinguée que ses aînés - voire celle tout un poil inconsistante du récent Sans Filtre de Ruben Östlund; et Le Vieil homme et l'enfant de Ninna Pálmadóttir, une fable tout en ironie et en tendresse douce-amère, traitant avec pudeur de la solitude tout autant qu'il scrute de manière subtile le bouleversement artificiel et effréné du monde moderne), et la voilà carrément de retour sur la Croisette cannoise avec When the light breaks de Rúnar Rúnarsson, drame adolescent dans la lignée de son plus mordant Sparrow, et qui se fait le film d'ouverture de la toujours très sélect section Un Certain Regard.
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Dès les premiers instants, sublimé par les lueurs naissantes d'un soleil qui semble déjà suspendre le temps par sa lumière singulière, le nouvel effort de Rúnarsson laisse planer l'idée que la journée qu'il va s'échiner à nous compter, n'aura rien d'une journée comme les autres.
Ce qu'elle semble être pour Una et Diddi, deux adolescents dont la relation secrète et leur rêve d'avenir commun immédiat est en passe d'être révéler au grand jour, puisque Diddi est en chemin pour dire rompre avec sa petite amie, Klara, avec qui la flamme de l'amour semble éteinte depuis un bon moment.
Mais l'ironie et la cruauté de la vie vient s'immiscer dans ses intentions et, victime d'un accident, il se retrouve à l'hôpital dans un état critique, laissant ses proches dans l'incertitude et la crainte du pire.
Et alors que tous ses amis se retrouvent à l'hôpital, Una se retrouve isolée au milieu d'un groupe qu'elle rencontre parfois pour la première fois, elle dont le secret sur ses liens avec Diddi l'empêche de revendiquer son propre espace dans le chagrin que vit le groupe d'amis, un sentiment d'isolement d'autant plus renforcé par la présence de Klara...
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D'une romance adolescente tendre mais avortée, le cinéaste tisse in fine un merveilleux drame sur la reconstruction face à la douleur et au deuil, vissé sur les émotions en lambeaux d'une jeune femme (magnifique Elín Hall) dont le feu de la passion à désormais laissé place à un tas de cendres, une désolation qu'elle ne peut pleinement exprimer puisqu'elle se doit de rester emmurée dans un silence (pour ne pas aggraver une situation déjà compliquée) qui ne fait qu'approfondir sa blessure.
Et contre toute attente, c'est dans sa confrontation aussi simple qu'inéluctable avec Klara, le miroir fracturé de sa propre douleur, qu'elle pourra entamer son processus de guérison et de rédemption (puisqu'elle est autant tiraillée par le désir d'exprimer librement sa douleur, que par celui de surmonter son sentiment de culpabilité envers Klara), entre confinement intime et libération cathartique par l'expression de son corps.
Au plus près des âmes (avec une mise mise scène tout en gros plans, qui évoluent au fur et à mesure que la narration elle-même avance), gravitant autour d'elles tel ce soleil éteint par la tragédie qui plane dans un ciel triste et magnifique à la fois, Rúnarsson se nourrit de la difficulté de ses personnages à verbaliser leur douleur, sans pour autant se laisser aller à une exploitation mélodramatique de ses émotions.
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Avec délicatesse et une bonne dose de spiritualité, il fait donc de When the light breaks une exploration pudique et sensible du deuil collectif et de la souffrance adolescence dont le final, au lyrisme dévastateur, est peut-être l'un des plus beaux plans de cette pourtant riche année ciné 2024.
Une (très) belle surprise.
Jonathan Chevrier