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[CRITIQUE] : La Crème de la Crème


Réalisateur : Kim Chapiron
Acteurs : Thomas Blumenthal, Alice Isaaz, Jean-Baptiste Lafarge,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h30min.

Synopsis :
Dan, Kelliah et Louis sont trois étudiants d'une des meilleures écoles de commerce de France. Ils sont formés pour devenir l’élite de demain et sont bien décidés à passer rapidement de la théorie à la pratique.
Alors que les lois du marché semblent s’appliquer jusqu’aux relations entre garçons et filles, ils vont transformer leur campus en lieu d’étude et d’expérimentation.
La crème de la crème de la jeunesse française s'amuse et profite pleinement de ses privilèges : tout se vend car tout s’achète… mais dans quelle limite ?


 
Critique :

Le genre Teen Movies n'est pas réellement la tasse de thé du cinéma hexagonal, et mis à part quelques exceptions venant notamment d'un passé fort lointain (mis à part le récent Fiston, on pense évidemment à la franchise des Sous-Doués), on résume souvent nos efforts aux succès incompréhensibles du piteux et pitoyable Lol.
Pas glorieux quoi.

Imaginez donc notre mine dubitative face à l'idée de voir le sympathique Kim Chapiron (le divertissant Sheïtan, le sublime Dog Pound) s'essayer au genre via une prod au pitch sulfureux ressemblant salement à un reportage foireux du type Enquêtes Exclusives " dans les coulisses d'une jeunesse française décadente ".

Il faut l'admettre, ça n'a pas de quoi faire bander son cinéphile pour un sous, et ce, même si la bande annonce de ce La Crème de la Crème s'avérait être assez efficace dans le fond, avec ces jolies détours de comédie trash à souhait.

Parce qu'on la sentait venir de loin quand même, ce pseudo Risky Business frenchy, critique à peine voilée de la jeunesse dorée parisienne, cette future élite de la France avec un grand F, groupe de filles/fils à papas tellement arrogants et privilégiés qu'on en viendrait à aligner les allers-retours dans leur gueule façon revers et coup droits de la main à s'en péter toutes les phalanges.



Elle suintait sur tous les pores de la bobine avant même notre entrée dans la salle obscure pour le mirer et pourtant, à la surprise général, le Kim s'affranchit de tous les clichés possible pour délivrer une bande foutrement crédible et réaliste, véritable réponse frenchy au génialissime Les Lois de l'Attraction de Roger Avary.
Allo, le septième art national ? On a un sacré client au titre de plus belle surprise de l'année...

La Crème de la Crème ou l'histoire de trois étudiants de l'une des meilleurs écoles de commerce du pays, Dan, Kelliah et Louis.
Formés pour devenir l'élite de la France, la petite bande, bien consciente du monde qui l'entoure, décide d'appliquer au plus vite leurs enseignements théoriques via la pratique pur et dur.
Partis pour aider un de leur ami à coucher avec une fille, ils se rendent compte que les lois du marché qu'on leur apprend en cours s'appliquent aussi aux relations entre les jeunes d'aujourd'hui et leur sexualité on ne peut plus libérée.

Dès lors, ils vont alors transformer leur campus en lieu d’étude et d’expérimentation en créant un véritable réseau de proxénétisme via une escouade d'escort-girls.
Parce qu'ici bas tout se vend car tout s’achète, il suffit juste d'en établir le prix...

Larguant l'établissement carcéral de Dog Pound au profit de celui d'une école de commerce par pour autant plus proprette, Kim Chapiron n'en oubli pas pour autant sa relation passionnel avec les références extérieurs qui nourrissent son cinéma.
Si Dog Pound appelait à son amour pour le coche britannique, La Crème de la Crème cite à l'évidence la culture ciné ricaine, maitresse absolue du teen movies aussi bien potache et comique que réaliste et dramatique, magnifié - entre autres - par feu l'immense John Hugues.


Mais point de référence à la filmographie du papa de Breakfast Club ici, le film de Chapiron semble bien plus s'imposer comme le rejeton mature d'un Bret Easton Ellis - certes un poil plus sage -, et d'un David Fincher sauce The Social Network, bien plus qu'autre chose.

Car en effet, comme Les Lois de l'Attraction, le cinéaste filme une jeunesse dorée testant toujours autant ses limites, au sein d'une communauté/jungle aussi froide que sauvage, la décortiquant sous tous les angles possible avec un réalisme confondant.
" The World is Yours " martelait sans cesse Brian De Palma dans Scarface, et les jeunes de la péloche eux, n'y croit que trop bien, errant comme des rois dans une micro-société dont ils connaissent toutes les ficèles, célébrant leur arrogance et leur impunité à coups de fêtes, de sexe et d'alcool.

Comme Fincher dans sa mise en image de la fondation de Facebook, Chapiron s'applique à donner une importance primordiale à ses personnages principaux, tout en ne perdant jamais de vue sa volonté de les relier constamment à l'univers qui les entoure, pour mieux en capter son essence.

Ainsi, bien plus qu'une simple chronique générationnelle pesante voir même complétement anecdotique, le métrage s'inscrit directement comme un docu-fiction criant de vérité, ou le consumérisme et la marchandisation trouve leur apogée dans la mise en place d’un réseau de prostitution, ou l'exemple parfait de l'utilisation au pied de la lettre de la notion de l'offre et de la demande ou tout s'achète, même le regard des autres et son intégration social.


Décalé, touchant, anti-moraliste et plein de tact, joliment scripté et à la mise en scène follement énergique (filmé en caméra embarquée, montage saccadé, score électro,...), La Crème de la Crème est un teen movie dramatique juste et convainquant sur une jeunesse gâté mais fragile et sous pression, qui érige ses propres codes et lois face aux désillusions qui sont lot d'un monde dont ils savent pertinemment la manière dont il tourne.

Un dur et drôle de passage à la Vraie vie d'adulte sur fond de cul et de CAC 40, certes bourrés de petits défauts (le traitement de certains protagonistes, un conflit social manquant cruellement de subtilité, un ton finalement trop sage et pas assez sulfureux) mais surtout écrin parfait pour mettre en lumière le futur du cinéma français, que ce soit du côté des acteurs - l'excellent Jean-Baptiste Lafarge et la jolie Alice Isaaz - ou de son réalisateur, Kim Chapiron.

Ou le genre de surprise improbable que l'on aimerait découvrir bien plus souvent dans l'hexagone...



Jonathan Chevrier