[CRITIQUE] : Dans la Cour
Réalisateur : Pierre Salvadori
Acteurs : Catherine Deneuve, Gustave Kervern, Féodor Atkine, Pio Marmai,...
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Budget : -
Genre : Comédie Dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h37min.
Synopsis :
Antoine est musicien. A quarante ans, il décide brusquement de mettre fin à sa carrière. Après quelques jours d'errance, il se fait embaucher comme gardien d'immeuble. Jeune retraitée, Mathilde découvre une inquiétante fissure sur le mur de son salon. Peu à peu, son angoisse grandit pour se transformer en panique : et si l'immeuble s'effondrait... Tout doucement, Antoine se prend d'amitié pour cette femme qu'il craint de voir sombrer vers la folie. Entre dérapages et inquiétudes, tous deux forment un tandem maladroit, drolatique et solidaire qui les aidera, peut-être, à traverser cette mauvaise passe.
Critique :
Qu'on se le dise, Catherine Deneuve est indiscutablement la plus belle et talentueuse actrice que le cinéma hexagonal n'est jamais connu, n'en déplaise aux bardot-maniaque notamment.
A la fois beauté exceptionnelle et femme de tous les jours, elle a su prouver au fil des décennies qu'elle était capable de tout jouer avec un naturel confondant, tout comme elle fut capable de jouer dans tout, et souvent parfois, le pire.
De Truffaut à Demy, en passant par Polanski, Richards ou même Chouraqui, elle a servi de muse aux plus grands et semble ne jamais vieillir, pour preuve sa composition lumineuse et tout en délicatesse dans le très beau Elle s'en Va d'Emmanuelle Bercot, sorti un peu (trop) dans l'ombre dans les salles obscures l'an dernier.
Une injustice que l'on espère ne pas voir frappée Dans la Cour, nouveau long métrage du sympathique Pierre Salvadori (Les Apprentis, Après Vous..., Hors de Prix, ... Comme elle respire), pour lequel elle partage l'affiche avec le génial Grolandais Gustave Kervern, dont on a récemment apprécié son exceptionnel Le Grand Soir.
Dans la Cour ou l'histoire d'Antoine, un chanteur fatigué de sa vie, qui décide subitement du jour au lendemain, de tout quitter.
Parce qu'il faut bien vivre malgré tout, il trouve un petit emploi de remplacement en tant que concierge dans un immeuble parisien.
Il n’a évidemment pas le profil - il est accro à la drogue et se bourre la gueule à la bière pas cher -, mais Mathilde, jeune retraitée angoissée et impliquée dans la vie de la copropriété, le trouve immédiatement « rassurant ».
Antoine est certes très bizarre, mais il va découvrir que tous ceux qui peuplent cet immeuble est à foutre dans le même sac de l'étrangeté.
Mathilde, la première d'ailleurs, qui nourrit d’étranges inquiétudes au sujet d’une certaine fissure dans son salon, qui s’agrandirait et se creuserait dangereusement.
Peu à peu, l’obsession s’installe et prend toute la place dans sa psyché, au grand accablement de son mari Serge...
Piochant de ça et là dans ce qui a fait la singularité et la force de sa filmographie jusqu'à maintenant accès sur la comédie, la dépression (comme le personnage de José Garcia dans Après Vous...), les personnages féminins décalées (comme Marie Trintignant dans ...Comme elle respire) et un comique de situation sur l'opposition de caractères savoureux qu'il maitrise à merveille, Pierre Salvadori fait de son nouveau long métrage une jolie comédie humaine et touchante sur la dépression comme on en voit que trop peu dans l'hexagone.
Via une écriture toujours aussi riche et talentueuse, il place de nouveau le spectateur dans une position autant inconfortable que plaisante, en télescopant deux trajectoires dépressives et à la dérive avec un équilibre et une justesse remarquable.
Avec élégance, Salvadori alterne des éléments volontairement burlesque et doux avec un mal-être profondément touchant et réel, dans une complexité de mise en scène constamment contredit par la légèreté de son ton.
Véritable dramédie sur les contraires, il exploite à merveille son duo d'acteurs vedette complétement opposés sur le papier, débitant leurs dialogues avec un naturel étonnant, jouant la dépression avec crédibilité et engoncé au milieu d'une pléthore de freak complétement burlesque, allant du râleur invétéré à l'obsédé du syndic, en passant par le trafiquant de vélo.
Face à un Gustave Kervern bouleversant comme jamais, Catherine Deneuve resplendit en retraitée frappée par des délires kafkaïens, ouverte aux autres tout en étant peu à peu salement flippée par tout ce qui l'entoure.
Dans la peau difficile d'une âme glissant peu à peu dans la folie, elle est d'une subtilité, d'une modestie et d'une délicatesse magnifique, et nous offre sa plus belle composition depuis longtemps.
« Je ne sais même pas si c’est vous qui me bouleversez ou si je traverse juste une terrible dépression ! »
Simple, juste, drôle et touchant, Dans la Cour est une jolie surprise, une comédie à la fois sensible et irrésistible comme on en voit que trop rarement au sein des sorties comiques hexagonales, principalement composées de péloches populaires et commercialement semblables.
Et l'idée d'y voir la reine Deneuve plus inspirée que jamais, vaut à elle seule le déplacement...
Jonathan Chevrier