[CRITIQUE] : Lux Aeterna
Acteurs : Béatrice Dalle, Charlotte Gainsbourg, Félix Maritaud,...
Distributeur : UFO Distribution/Potemkine Films
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 0h50min.
Synopsis :
Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Or l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière.
Critique :
Avec le cynique et troublant #LuxAeterna, Gaspar Noé sonde de manière organique les arcanes sous tension de la création cinématographique, autant dans sa beauté que dans sa complexité et sa noirceur. Et chez le cinéaste, l'art prospère avant tout et surtout, dans le chaos. pic.twitter.com/IwU1wB4TZi— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 13, 2020
S'il y a bien une certitude qui émerge du cinéma aussi singulier qu'hypnotique de Gaspar Noé, c'est qu'il est le seul maître à bord de ses films, et qu'il ne sert nul autre que lui et sa vision souvent extraordinairement sombre et nihiliste, de ses histoires.
Pas étonnant alors qu'en partant d'un concept très simple - une pub commandée pour la maison Yves Saint Laurent -, Noé ait suivi sa propre voie pour créer une entité filmique unique : Lux Aeterna, faux documentaire psychédélique (et non mockumentary, malgré un humour étonnamment très présent chez le cinéaste) mais vraie satire sombre d'à peine cinquante minutes et articulé autour d'un tournage chaotique - " L'œuvre de Dieu ", un conte postmoderne sur la sorcellerie -, ressemblant à une version condensé du " style Noé ".
Comme si le bonhomme avait théorisé sur son cinéma pour mieux le rendre plus abordable... ou pas, car qui dit film de Noé, court, moyen ou long, dit une charge cinématographique qui n'est décemment pas faite pour tous les spectateurs.
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Dégainant une mise en accusation féroce et avisée de l'industrie - surtout quand tout va mal -, avec ses nombreux clins d'oeil/anecdotes dont on ne peut réellement distinguer la fantaisie ni même la vérité (c'est totalement volontaire), tout en arborant un formalisme turbulant (un ton bricolé et quasi-improvisé à certains moments, un écran splité en deux sans raison apparente, autre que de prouver que c'est bien Noé qui est celui qui pilote ce voyage inedit), avant de littéralement exploser dans un final insaisissable surchargé d'effets stroboscopiques (les épileptiques ne sont pas les bienvenues, mais tous les aficionados de Benoit Debie oui); Lux Aeterna ne ressemble en rien aux précédents efforts de son auteur, tout en étant pleinement... un film de son auteur : organique, physique (un Vrai sentiment d'expérience à chaque oeuvre, comme aucun cinéaste hexagonaux n'est capable d'en concocter aujourd'hui) et porté par un amour du septième art franchement enthousiaste (il cite sincèrement ses pairs Carl Theodor Dreyer et Rainer Werner Fassbinder).
Autant vitrine exceptionnelle pour ses comédiennes (Béatrice Dalle, dans une variation d'elle-même crédible en tant que réalisatrice en herbe, et Charlotte Gainsbourg, toujours aussi charismatique et fascinante), qui s'amuse à railler la vanité de leur métier, que terrain d'experimentation ludique pour son chef d'orchestre.
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En sondant les limites des ambitions, exagérées ou non, d'une cinéaste (et par extension lui-même) et des frustrations qui en découlent, il pointe du doigt les paradoxes captivants et déstabilisants d'une forme d'art particulière, exigeant une collaboration totale de tous tout en étant fondue uniquement, sur les " caprices " d'une vision singulière et unique.
Les arcanes sous tension de la création cinématographique, autant dans sa beauté que dans sa complexité et sa noirceur, et chez Noé, l'art prospère avant tout et surtout, dans le chaos.
Jonathan Chevrier