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[CRITIQUE] : Lettres Siciliennes


Réalisateurs : Fabio Grassadonia et Antonio Piazza
Acteurs : Toni Servillo, Elio Germano, Daniela Marra, Barbora Bobulova,...
Budget : -
Distributeur : Les Films du Losange
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Italien.
Durée : 2h10min

Synopsis :
Sicile, au début des années 2000. Après plusieurs années de prison pour collusion avec la mafia, Catello, homme politique aguerri, a tout perdu. Lorsque les services secrets italiens sollicitent son aide pour capturer son filleul Matteo, le dernier chef mafieux en cavale, Catello saisit l'occasion pour se remettre en selle. Homme rusé aux cent masques, illusionniste infatigable qui transforme la vérité en mensonge et le mensonge en vérité, Catello entame une correspondance improbable et singulière avec le fugitif, cherchant à profiter de son vide affectif. Un pari qui, avec l'un des criminels les plus recherchés au monde, comporte un certain risque...
Librement inspiré de faits réels. Les personnages du film sont cependant le fruit de l'imagination des auteurs.




Dans un paysage cinématographique populaire majoritairement dominé/gangrenné par les " biopics modernes ", genre éprouvé et facilement déclinable (pas une semaine ne passe sans que quelques-uns ne débarquent en salles où sur les catalogues SVOD), usé jusqu'à l'extrême parce qu'il est justement l'incarnation parfaite de la facilité, pour peu que la figure choisie ait une existence un minimum remplie (quoique, ce n'est même plus véritablement un critère désormais), il arrive parfois qu'un - où ici deux - cinéaste trompe un brin les idées reçues pour bousculer un brin les attentes comme les idées préconçues.

En ce sens, Lettres Siciliennes d'un tandem Antonio Piazza/Fabio Grassadonia habitué aux récits mafieux (les excellents Salvo et Sicilian Ghost Story, que l'on peut intimement penser comme une trilogie sur la mafia sicilienne désormais), concocte un biopic sensiblement moins conventionnel que la moyenne (et librement inspiré de la réalité, détail loin d'être anodin également) dans sa manière d'explorer la figure du crime qu'était Matteo Messina Denaro.

Copyright Giulia Parlato

À la différence d'un récit a la bobine coincée dans les méandres de l'hagiographie simpliste et béate - à la lisière de la célébration ambiguë -, ils privilégient un prisme assez original et introspectif, soit la relation épistolaire improbable qu'il a pu entretenir alors qu'il était fugitif (une fugue qui durera trente ans dans la réalité  et qui prit fin en 2023) avec un homme politique sournois et tombé tombé disgrâce dont il était le filleul, justement missionné par les services secrets italiens à sa sortie de prison, pour le faire tomber.

Un point de départ résolument cocasse sur lequel les deux cinéastes tricotent tout autant une farce noire aux forts accents théâtraux (de la pure commedia dell'arte tragique) qu'un habile et tendu jeu psychologique à la lisière du thriller, sur la relation complexe entre deux hommes (brillants Elio Germano et Toni Servillo) à la solitude oppressante et aux pouvoirs déchus, engoncés dans un monde entièrement fait de mensonges et de trahisons.
Dommage que la narration tire un poil en longueur et savate son rythme - de facto décousu -, tant cette vision intime et caustique du polar mafieux vaut décemment son pesant de pop-corn.


Jonathan Chevrier