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[IN TEDDY'S HEIGHTS] : #13. John Schlesinger, free cinema cowboy

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#13. John Schlesinger, free cinema cowboy


5 Février 1956, National Film Theatre de Londres. Quatre cinéastes sont à l'origine d'une séance spéciale composée de quelques courts et moyens métrages. Il s'agit de Tony Richardson, Lindsay Anderson, Karel Reisz et Lorenza Mazzetti. Les trois hommes viennent de la critique (la revue Sequence), et la seule femme est une italienne formée à la Slade School of Fine Art. Ensemble, ils ont posé les bases du Free Cinema : cinéma contestataire contre l'académisme des films de studios, attentif aux marges et aux classes populaires (entre autres). Dans la décennie suivante, le concept s'étend pour donner naissance à ce qui est aujourd'hui maladroitement appelé "le réalisme social britannique". Mais tous ont fini par s'en éloigner, petit à petit. Faisant évoluer leur approche, ou s'en écartant définitivement. Tony Richardson avec Tom Jones (1963), Lindsay Anderson avec If... (1968), Karel Reisz avec Isadora (1968) et Lorenza Mazzetti en abandonnant le cinéma (freinée par une industrie très masculine) pour retourner vers sa famille en Italie. Un autre nom s'est imposé dans les principes du mouvement. Acteur devenu metteur en scène, il s'est inspiré des préceptes du Free Cinema pour ses premiers films. Avant de les dépasser également. Il s'agit de John Schlesinger. Son documentaire Terminus (1961), produit pour la British Transport Films, capte la routine de la gare de Waterloo et vaut à son auteur le Lion d’or à Venise et un BAFTA.


IF... - Everett Collection/Rex


1. Un Free Cinema pas comme les autres


Dès ses débuts derrière la caméra, Schlesinger emprunte aux principes du Free Cinema une attention portée aux milieux modestes, aux gestes quotidiens et à la psychologie des personnages au sein de leurs situations sociales et professionnelles. Ses premiers longs-métrages s’inscrivent dans cette mouvance contestataire et innovante, mais s’en distinguent déjà par les nuances apportées à la psychologie et au rapport aux espaces. Dès ces premiers films, l’individu ne peut être dissocié de son environnement social : ses protagonistes sont façonnés autant par leurs désirs intimes que par le poids de leur condition (sociale ou professionnelle).


Dans Un amour pas comme les autres (1962), le cinéaste pose sa caméra dans les villes industrielles du nord de l'Angleterre. La brume, les briques des façades, les longues colonnes de cheminées des usines qui débordent du cadre, etc. Tout est là. Au milieu de tout cela, le parcours de Victor et Ingrid n’est jamais simplement une histoire d’amour contrariée : c’est aussi le récit d’un couple pris dans la mécanique étouffante de cette classe ouvrière, où la sphère privée se confond avec les impératifs collectifs. Le regard de Schlesinger capte la fragilité de ces personnages sans jamais les réduire à des symboles, en privilégiant la densité psychologique, les silences, et les gestes banals. Parce que ses personnages sont coincés entre le puritanisme et la liberté sexuelle d'une époque en pleins bouleversements. Les questions de sexualité, de grossesse, de mariage forcé sont quasiment de toutes les scènes, malgré une certaine tendresse entre les personnages. Sans ne jamais rien dénoncer, Schlesinger choisit plutôt le regard de la frustration : la mélancolie d'un héritage social qui conduit à la solitude.


Ses films sont avant tout des portraits d’êtres empêchés, pris dans l’écart entre aspirations intimes et réalités sociales, où chaque geste quotidien est chargé d’une intensité dramatique. Cette tension entre l’intime et le collectif est l’un des fils conducteurs de sa filmographie. Tous ses films se nourrissent d’un intérêt constant pour les fractures sociales et ceux qui vivent à leurs marges, et pour cette frustration ne pas vivre ses rêves. Billy le menteur (1963) illustre ce tiraillement : Billy rêve d’ailleurs mais reste prisonnier d’un milieu provincial étriqué, incapable de se projeter hors de la classe moyenne qui l’étouffe. C'est un personnage dont l'esprit et les rêves sont inadaptés à son environnement. L'idée de mise en scène de Schlesinger est ici simple mais terriblement efficace : dès que Billy doit faire face à une contrariété, son imaginaire prend le dessus et projette une réalité alternative pleine de fantaisie à l'image. Quelques années plus tard, Darling (1965) transpose ce même regard vers un Londres mondain et clinquant. Diana Scott incarne une autre forme d’aliénation, celle d’une classe en quête d’ascension et happée par les apparences. La protagoniste multiplie les aventures avec des hommes pour essayer de gravir les échelons sociaux.


Un amour pas comme les autres - Copyright Tamasa Distribution


Entre figures ouvrières, aspirants artistes ou modèles de mode, Schlesinger scrute toujours la tension entre ceux qui parfaitement intégrés à la société et ceux en périphérie, qui se heurtent à ses frontières invisibles mais fermement établies par les premiers. C'est le paradoxe d'une quête d'identité et de glamour, avec la vacuité qui se dégage derrière les apparences de l'élégance. La marginalité est l’un des moteurs de la mise en scène du cinéaste, où l'optimisme y trouve rarement sa place. Elle s’accompagne souvent d’un regard ironique, comme une forme d’insolence face à ces environnements. Les espaces où faire société ne sont jamais de simples décors : ils traduisent, prolongent ou contraignent les trajectoires intimes des personnages.


Dans Un amour pas comme les autres, les intérieurs modestes, étroits et souvent surchargés traduisent l’oppression d’un couple contraint par le mariage et la morale. Darling, au contraire, s'inscrit dans des espaces urbains modernes, avec clubs et appartements chics. Leur ouverture apparente cache un vide existentiel, où le regard s'alterne entre fascination et ironie, et où la chaleur humaine disparaît progressivement. Billy le menteur déploie les rêveries de Billy dans les rues de la ville, un paysage ainsi ponctué de nombreux flashs, entre l'illusion et l'amertume. Schlesinger compose ainsi une géographie émotionnelle : l’espace social et architectural n’est pas un décor, mais un miroir de l’âme et le prolongement des contradictions de ses héros. Les paysages sont à la fois le motif qui oppresse les personnages (émotionnellement, psychologiquement, socialement) et qui accueille leurs dernières bribes de liberté.



2. Loin des rêves déchaînés


Chez Schlesinger, les désirs et les illusions ne sont pas de simples traits de caractères ou des artifices narratifs. Ils déterminent la trajectoire des personnages, alimentant leurs élans mais précipitant aussi leurs désillusions. Mais ils nourrissent également la mise en scène vers des expérimentations. Dans Billy le menteur, l’imaginaire débordant de Billy transforme la grisaille provinciale en échappées grandioses, créant une expansion illusoire des espaces, où le rêve se confond avec l’évasion impossible. Mais ces visions, aussi flamboyantes soient-elles, révèlent surtout son incapacité à agir : le fantasme devient un refuge, une manière d’éviter la confrontation directe avec un avenir étriqué. Le cinéaste filme cette oscillation avec ironie et tendresse, montrant comment les fantaisies de Billy, loin de l’émanciper, accentuent le fossé entre ce qu’il aspire à être et ce qu’il est condamné à rester. La rupture de ton amenée par ces rêveries absurdes est opposée à une vision inchangée de l'austérité des paysages. La comédie naît de ce décalage, mais l’amertume s’impose dès que la réalité reprend ses droits.


Dans Darling, les fantasmes prennent la forme d’une vie mondaine pleine de promesses : Diana Scott croit trouver dans la séduction, la consommation et l’ascension sociale la clé de son émancipation (et de sa liberté). Mais là encore, le vernis se fissure et se révèle surtout une déambulation constante sans réussir à s'ancrer ou que ce soit. Comme si l'effervescence d'un moment ne pouvait que s'épuiser l'instant d'après, et recommencer ailleurs. L'architecture de chaque paysage, ses éléments de décoration et sa perspective, ont toujours un rôle important à jouer avec Schlesinger. Ces lieux ne se contentent pas d’encadrer l’action : ils condensent et projettent l’état psychique des personnages, jusqu’à devenir le langage même de leurs émotions et contradictions. Toujours dans Darling, les clubs, cafés et appartements modernes incarnent l’illusion d’un monde ouvert et brillant, mais leur froideur géométrique trahit le sentiment d’isolement de Diana. Ces espaces urbains, synonymes de la transformation de l'époque, fonctionnent comme des miroirs déformants et désenchantés d'enjeux sociaux mal placés.


Darling - Copyright Tamasa Distribution


À l’opposé, Loin de la foule déchaînée (1967) inscrit ses personnages dans des paysages ruraux immenses, dont la beauté n’exclut pas la dureté (émotionnelle, du travail, etc). Les collines, champs et ciels ouverts amplifient les passions mais aussi les solitudes, donnant une dimension tragique aux trajectoires. Jusqu'à ce que la paisibilité d'un tel mode de vie puisse être rompue (tempête, maladie, etc). La photographie de Nicolas Roeg arrive même à superposer la beauté de ces paysages ruraux avec une certaine frustration de la fatalité. Par la suite, en cédant aux appels d’Hollywood avec Macadam Cowboy (1969), le cinéaste transpose cette dialectique dans les rues anonymes de New York. Ici, les espaces urbains deviennent le miroir d’une promesse d’évasion qui se révèle illusoire, et la ville se transforme en théâtre des désillusions et des rêves contrariés des personnages. Ceci prolonge l'idée de géographie émotionnelle jusque dans le rêve états-unien qui ne reste qu'un fantasme. Le film paraît s'articuler autour d'improvisations (du casting, de la mise en scène, et des personnages eux-mêmes dans leur cheminement quotidien), toujours prêt à plonger dans une rupture totale (comme ces moments épileptiques, entre flashbacks et néo-surréalisme).


Les obstacles et tensions liés aux sentiments et aux rêves se consolident constamment dans le portrait d'un quotidien, d'un environnement immuable. Parce qu'à travers la friction entre l'imaginaire (des personnages) et le réel (l'influence documentaire héritée du Free Cinema, et surement d'autres influences plus anciennes), les espaces n'ont de cesse d'amplifier les contradictions et les illusions. Comme si chaque paysage était une opposition entre la promesse d'une liberté ou de l'accomplissement d'un rêve, et le poids de la société et de ses contraintes. John Schlesinger montre que l'évasion, la liberté, les rêves, les sentiments n'existent pas indépendamment de l'inéluctabilité du monde. Au contraire, la géographie émotionnelle que propose le cinéaste est telle un slalom, où les personnages doivent zigzaguer sans cesse entre ce qu'ils aimeraient être et ce que leur impose leur environnement.



3 : Le fléau de l'angoisse


Le retour de Schlesinger aux États-Unis au milieu des années 1970 ouvre une nouvelle voie dans ses thématiques. Les rêves ne sont plus tellement au coeur de son regard, pour qu'une paranoïa et une angoisse prennent la place. Celles qui s'implantent soudainement dans les relations humaines, quand le désir ou la proximité se retournent en anxiété, en doute, en soupçon. Ce qui tenait jusque là de fables mélancoliques bascule dans ce qui ressemble à des thrillers psychologiques. L'immatériel des rêves devient l'action matérielle d'une angoisse. Dans Un dimanche comme les autres (1971), l’équilibre fragile du triangle amoureux repose sur des silences, des regards et des attentes jamais comblées. Les intérieurs bourgeois, feutrés et normalement rassurants, deviennent des espaces de crispation où chaque geste traduit la crainte d’être abandonné, remplacé ou jugé. La tension n’explose jamais frontalement, mais elle s’infiltre dans les non-dits et les silences, donnant à l’intime une tonalité anxieuse.


De l'autre côté de l'Atlantique, Le jour du fléau (1975) transpose cette logique dans un Los Angeles artificiel et surpeuplé, où villas luxueuses, studios et piscines immaculées cachent une violence latente. L’espace, lumineux et ouvert en apparence, se révèle oppressant, condensant corruption et trahison. Dans ces films, les lieux (domestiques ou urbains) ne sont jamais neutres : ils matérialisent le malaise, traduisent la fragilité des relations et installent la paranoïa au cœur même de l’environnement. L’esthétique de Schlesinger accompagne toujours la montée de la paranoïa, renforçant l’impression que le monde devient hostile. Dans ce film, les images fragmentées traduisent un univers saturé d’illusions et de menaces, où le réel et l’artifice se confondent. Les décors brillants et luxueux dissimulent la corruption. La lumière, trop nette ou artificielle, accentue la distance et le malaise. C'est sans doute le changement majeur dans le travail du cinéaste. Les environnements et paysages, auparavant sources d'attractivité et d'élévation sociale pour les personnages, sont désormais porteurs d'une menace.


Loin de la foule déchaînée - Copyright Metro-Goldwyn-Mayer (MGM)


Nouveau thriller aux USA pour Schlesinger, Marathon Man (1976) met en scène des liens fraternels minés par la manipulation, en déplaçant cette méfiance sur le terrain familial. L’appartement de Babe, d’abord perçu comme un refuge modeste, devient soudain le lieu où l’intrusion et la manipulation s’exercent le plus brutalement : l’intime est contaminé, rongé par le doute et le mensonge. L’univers familier se retourne alors contre le protagoniste, accentuant son sentiment de vulnérabilité. Schlesinger se fait alors spécialiste de ces bascules, où la confiance se fissure jusqu’à laisser place à la méfiance. Le désir de lien se transforme en angoisse : chez lui, l’intimité n’est jamais un abri, mais le premier théâtre de la paranoïa. La paranoïa se manifeste souvent à travers les espaces eux-mêmes, qui deviennent le prolongement des tensions intimes. À New York, les ruelles sombres, les métros étouffants et les appartements modestes se transforment en pièges où le doute et la peur s’insinuent. L’architecture urbaine, dense et fragmentée, reflète l’instabilité psychologique de Babe, et chaque lieu familier peut soudain basculer en menace.


Suivant ce revirement dans son approche, John Schlesinger la poursuit en délaissant la radicalité du thriller pour retourner brièvement dans un récit intimiste en Grande-Bretagne. Quand bien même il continua d'explorer l'angoisse, la paranoïa et la méfiance, le cinéaste se tourne dès les années 1980 vers l'exploration de multiples genres. Yanks (1979) est un film de guerre, Honky tonk freeway (1981) une formidable satire burlesque, Le jeu du faucon (1985) est un film d'espionnage, The Believers (1987) est proche de l'horreur, etc. Mais dans Yanks, situé dans l'Angleterre de la seconde guerre mondiale, c'est la rencontre entre des soldats états-uniens et les habitants locaux qui crée cette angoisse. Les espaces ne sont plus ici marqués par la menace, mais par la précarité et l'inquiétude. La guerre est hors-champ et en arrière-plan, ce qui ne l'empêche pas de structurer l’ensemble des relations : les gares, les bals, les rues et ruelles, les maisons deviennent des lieux de passage où se jouent des histoires d’amour impossibles. Schlesinger filme une géographie de l’entre-deux, où l’intimité est toujours menacée par l’éphémère ; et où l’espace domestique (pourtant refuge de l'intime et des sentiments) devient vulnérable au départ, à la séparation, à la perte.



4. Fenêtre sur modernité


Ce qui se dissout et disparaît est peut-être bien au coeur de la seconde partie de la carrière de Schlesinger. Pour revenir sur Yanks par exemple, la cohabitation entre quartiers londoniens et bases militaires états-uniennes illustre le choc culturel et l’évolution forcée des paysages sociaux, où l’espace devient révélateur des tensions entre tradition et modernité. Les villes, par leur architecture, rythme et organisation, ne se contentent plus d’encadrer les actions des personnages, mais elles incarnent la transformation de la société. Il est question de promesses d’émancipation et de contraintes qui réinterrogent les rapports sociaux et culturels. Tout paraît instable, et la sensation d'une nouvelle transformation (après celle engendrée par le début de la guerre) perturbe tout ce que les personnages auraient pu construire (et donc ce à quoi ils se sont attachés).


Dans le Londres de Darling, les rues, clubs et appartements luxueux reflètent l’essor d’une société mondaine et rapide, mais révèlent aussi son vide et sa superficialité : la modernité est à la fois promesse et illusion. Ces espaces londoniens sont le fruit des excès et artifices d’une classe élitiste en quête de reconnaissance, tandis que le vide qui les traverse souligne les limites morales et sociales de cette modernité. Loin de la foule déchaînée élargit cette idée à la campagne anglaise : les chemins, collines et champs ouverts incarnent à la fois liberté et contraintes, montrant comment la modernisation affecte les relations entre hommes, travail et nature. De retour à Londres avec Madame Sousatzka (1988), Schlesinger pousse encore cette réflexion sur la modernité du paysage urbain : les rues étroites et bondées, les immeubles hétérogènes et les salles de répétition surchargées traduisent le foisonnement culturel mais aussi la pression sociale. Chaque espace semble peser sur les choix de la jeune pianiste, alternant entre inspiration artistique et contraintes imposées par un environnement en constante mutation. La ville devient ainsi un miroir des tensions intimes et des ambitions contrariées, où la modernité est à la fois stimulant et écrasante.


Fenêtre sur Pacifique - Image via 20th Century Fox 


À Londres comme à New York, la ville devient le témoin des mutations de la société moderne. Macadam Cowboy transpose cette dynamique aux avenues, ruelles et métros qui incarnent marginalité, précarité et tensions générationnelles. Cela révèle les coûts humains d’une société urbaine dans les inégalités, afin de mettre sur le doigt sur la complexité et parfois l’hostilité de l’urbanisation. Si bien que les déplacements et l’errance des personnages reflètent les tensions entre individus et environnements en mutation. Dans Marathon Man, les parcours urbains et domestiques de Babe révèlent un monde moderne instable, où les espaces familiers perdent leur fonction protectrice et deviennent le reflet de l’incertitude sociale et morale. En 1990, Fenêtre sur Pacifique pousse cette logique jusqu’au foyer domestique. Les intérieurs lumineux et soigneusement agencés, les rues et avenues ouvertes, pourtant familiers, prennent une dimension oppressante par leurs angles obliques, leurs perspectives étriquées et la densité des constructions. La modernité n’est pas neutre : elle structure le regard, enferme les personnages dans des logiques sociales et psychologiques contraignantes, et amplifie leurs tensions intimes. La caméra s’attarde sur les gestes, les déplacements et les objets, traduisant anxiété, isolement et malaises latents. Les décors révèlent que la progression sociale et le confort apparent peuvent coexister avec un sentiment constant d’aliénation et de vulnérabilité.


Puis, il y a la satire burlesque de Honky Tonk Freeway (1981), surement le plus le plus "à part" de John Schlesinger. Ici, tout le paysage devient l'objet d'un chaos généralisé. Les progrès technique et social sont traités par l'absurde et le trop plein. Le cinéaste met en scène des espaces saturés et décalés, reflets d’une société obsédée par l’essor économique et les ambitions individuelles. La modernité y est à la fois fascinante et ridicule. Puis les personnages, confrontés à ce monde hypertrophié, semblent pris dans une immense farce (qui les dépasse) où l’organisation spatiale amplifie leur désorientation et leurs travers. Le cinéma de John Schlesinger, héritier du Free Cinema britannique mais ouvert aux horizons états-uniens, révèle ainsi un regard singulier : celui d’un « cowboy » explorant des territoires nouveaux, oscillant entre liberté et aliénation. Entre rêves et angoisses des personnages dans de vastes paysages sociétaux, sa filmographie compose une géographie émotionnelle et critique autour de récits d’aventures existentielles.



Teddy Devisme