[CRITIQUE] : L'Agent Secret
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Copyright Victor Juca |
Réalisateur : Kleber Mendonça Filho
Acteurs : Wagner Moura, Gabriel Leone, Maria Fernanda Cândido, Alice Carvalho,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Policier, Drame.
Nationalité : Brésilien, Français, Hollandais, Allemand.
Durée : 2h40min
Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2025.
Brésil, 1977. Marcelo, un homme d’une quarantaine d’années fuyant un passé trouble, arrive dans la ville de Recife où le carnaval bat son plein. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie. C’est sans compter sur les menaces de mort qui rôdent et planent au-dessus de sa tête...
Passé le fantastique documentaire Portraits Fantômes où, par le truchement de sa propre caméra, du voile cotonneux de la fiction ou même de l'auscultation des ruines - physiques comme spirituelles et métaphoriques - d'hier et d'aujourd'hui, il faisait revivre les fantômes de sa mise bétonnée au moins autant que ses propres fantômes, dans un portrait qui se transformait, tout aussi naturellement au fond, à un autoportrait profondément sincère; le talentueux cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho nous revient avec une fiction plus pure et dure, un thriller politique tout en fausses pistes et savoureusement 70s (tout comme Les Aigles de la République de Tarik Saleh, également sélectionné en Compétition sur la Croisette), toujours propice à croquer une immersion vibrante et colorée au cœur d'une Recife profondément chaotique, étouffée par la chaleur et une violence omniprésente - comme le Brésil lui-même.
Une immersion kaléidoscopique tout en pièces fragmentées et contradictoires (dont l'ouverture, presque Leonesque dans sa tension suspendue et étrange, annonce totalement la couleur), au plus près d'une figure insaisissable, opposée au pouvoir et traquée, dont le retour au bercail est embaumé de mystère (une ignorance stimulante, même dans sa propre identité, et avec laquelle KMF sait subtilement jouer), où le cinéaste perpétue sa réflexion fascinante sur la réappropriation (et, de facto, la représentation) du temps qui passe et l'histoire avec un grand H, dans une sorte d'effort de mémoires cousin au Je suis toujours là de Walter Salles (plus académique, il est vrai), que ce soit dans sa manière de s'attacher à l'histoire d'un fantôme comme sa manière de fustiger tout autant que lui le passé, sans jamais chercher à se réconcilier avec.
À ceci près que KMF articule au cœur de son thriller qui discute avec hier pour mieux sonder le présent, les éclats douloureux d'une relation père/fils perdue qui accentue l'aspect furieusement attachante de la partition d'un Wagner Moura des grands jours, tout autant qu'elle fait totalement écho à cette mémoire effacée, brutalisée dans un Brésil sous dictature tellement difficile à cerner, que l'on ne peut que le représenter d'une manière labyrinthique et allégorique, fantaisiste et complexe.
Thriller hanté et hantant ou les blessures du sous-tendent celles du présent, où le spectateur est appelé à habiter tous les détails pour en apprécier toutes facettes, L'Agent Secret est la preuve que Kleber Mendonça Filho n'en a pas encore terminé avec sa relation passionnée aussi bien réelle que cinématographique, avec sa ville natale Recife comme avec l'histoire brutale de sa nation... tant mieux pour nous, et encore plus pour le septième art.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Wagner Moura, Gabriel Leone, Maria Fernanda Cândido, Alice Carvalho,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Policier, Drame.
Nationalité : Brésilien, Français, Hollandais, Allemand.
Durée : 2h40min
Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2025.
Brésil, 1977. Marcelo, un homme d’une quarantaine d’années fuyant un passé trouble, arrive dans la ville de Recife où le carnaval bat son plein. Il vient retrouver son jeune fils et espère y construire une nouvelle vie. C’est sans compter sur les menaces de mort qui rôdent et planent au-dessus de sa tête...
Passé le fantastique documentaire Portraits Fantômes où, par le truchement de sa propre caméra, du voile cotonneux de la fiction ou même de l'auscultation des ruines - physiques comme spirituelles et métaphoriques - d'hier et d'aujourd'hui, il faisait revivre les fantômes de sa mise bétonnée au moins autant que ses propres fantômes, dans un portrait qui se transformait, tout aussi naturellement au fond, à un autoportrait profondément sincère; le talentueux cinéaste brésilien Kleber Mendonça Filho nous revient avec une fiction plus pure et dure, un thriller politique tout en fausses pistes et savoureusement 70s (tout comme Les Aigles de la République de Tarik Saleh, également sélectionné en Compétition sur la Croisette), toujours propice à croquer une immersion vibrante et colorée au cœur d'une Recife profondément chaotique, étouffée par la chaleur et une violence omniprésente - comme le Brésil lui-même.
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Copyright 2025 CinemaScópio - MK Production - One Two Films - Lemming |
Une immersion kaléidoscopique tout en pièces fragmentées et contradictoires (dont l'ouverture, presque Leonesque dans sa tension suspendue et étrange, annonce totalement la couleur), au plus près d'une figure insaisissable, opposée au pouvoir et traquée, dont le retour au bercail est embaumé de mystère (une ignorance stimulante, même dans sa propre identité, et avec laquelle KMF sait subtilement jouer), où le cinéaste perpétue sa réflexion fascinante sur la réappropriation (et, de facto, la représentation) du temps qui passe et l'histoire avec un grand H, dans une sorte d'effort de mémoires cousin au Je suis toujours là de Walter Salles (plus académique, il est vrai), que ce soit dans sa manière de s'attacher à l'histoire d'un fantôme comme sa manière de fustiger tout autant que lui le passé, sans jamais chercher à se réconcilier avec.
À ceci près que KMF articule au cœur de son thriller qui discute avec hier pour mieux sonder le présent, les éclats douloureux d'une relation père/fils perdue qui accentue l'aspect furieusement attachante de la partition d'un Wagner Moura des grands jours, tout autant qu'elle fait totalement écho à cette mémoire effacée, brutalisée dans un Brésil sous dictature tellement difficile à cerner, que l'on ne peut que le représenter d'une manière labyrinthique et allégorique, fantaisiste et complexe.
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Copyright 2025 CinemaScópio - MK Production - One Two Films - Lemming |
Thriller hanté et hantant ou les blessures du sous-tendent celles du présent, où le spectateur est appelé à habiter tous les détails pour en apprécier toutes facettes, L'Agent Secret est la preuve que Kleber Mendonça Filho n'en a pas encore terminé avec sa relation passionnée aussi bien réelle que cinématographique, avec sa ville natale Recife comme avec l'histoire brutale de sa nation... tant mieux pour nous, et encore plus pour le septième art.
Jonathan Chevrier