[CRITIQUE] : Au pays de nos frères


Réalisateurs : Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi
Acteurs : Mohammad Hosseini, Hamideh Jafari, Bashir Nikzad, Marjan Khaleghi,...
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Iranien, Français, Hollandais.
Durée : 1h35min

Synopsis :
Iran années 2000 : dans l’ombre de l’invasion américaine, une famille élargie de réfugiés afghans tente de reconstruire sa vie dans "le pays des frères". Une odyssée sur trois décennies où Mohammad, un jeune étudiant prometteur, Leila, une femme isolée et Qasem qui porte le poids du sacrifice pour sa famille, luttent pour survivre à ce nouveau quotidien incertain.




Quand bien même il est assez facile de l'étiquetter comme tel, le cinéma iranien n'est pourtant pas uniquement articulé autour des réponses, souvent implacables, de nombreux cinéastes engagés (des papes que sont Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof où encore Asgar Farhadi, aux jeunes loups tels que Saeed Roustaee, Ali Asgari, Massoud Bakhshi où même Majid Majidi) envers les violences et les injustices sociales qui caractérisent la politique en place : il lui arrive parfois d'atteindre nos salles obscures avec des œuvres plus délicates, moins frontales et radicales dans leurs discours politiques (ce qui ne les empêche pas pour autant d'être infiniment pertinentes, évidemment), toutes rappelant sensiblement le désespoir sourd et paradoxalement solaire à fois, du cinéma de feu Abbas Kiarostami.

On peut citer en exemple le récent et magnifique Mon gâteau préféré du tandem Maryam Moghadam et Behtash Sanaeeha, et il faudra désormais compter Au pays de nos frères dans l'équation, premier long-métrage d'un autre duo, Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi, fresque ambitieuse et poignante s'étalant sur vingt ans de la vie de trois réfugiés afghans d'une même famille, luttant pour leur survie dans une Iran qui n'est pas la terre d'accueil aussi accueillante qu'elle se vante d'être - quand bien même elle aurait accueillit, depuis les événements du 9/11.

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Audacieux de s'attaquer frontalement à un sujet de société jusqu'ici peu abordé - l'accueil, loin d'être reluisant, fait aux refugié.es -, qui donne une image certes nuancée mais loin d'être reluisante de leur propre nation, entre abus de pouvoir, corruption et inhumanité institutionnalisée une bureaucratie kafkaïenne qui, il est vrai, également un poison pour les iraniens), tout en s'attachant férocement aux basques de trois âmes marginales (deux frères et une sœur, jamais croqués ni comme des victimes innocentes, ni comme des figures héroïques stéréotypées) qui tentent de se construire une vie dans une province iranienne où la précarité de leur condition leur est continuellement balancé à la tronche (corruption et abus de la police, exploitation des classes aisées, utilisation des refuges comme de la chair à canon dans les conflits armés,...).

Film à sketchs structuré comme un triptyque éclairant douloureusement les injustices systémiques et la précarité auxquelles les réfugiés sans citoyenneté ni recours sont confrontés (un no man's land tyrannique où les droits fondamentaux de tout humain n'est plus), dont le prisme intime célèbre tout autant la résilience extraordinaire et la dignité de l'âme humaine, qu'elle permet d'entremêler récits personnels de survie et regard politique pour asséner des vérités crues sur une réalité qui les tout autant : une discrimination abjecte et immorale.


Subtil et empathique, pudique et dénué de tout élan mélodramatique putassier jusqu'à son plan final absolument dévastateur, Au pays de nos frères est un sacré premier long-métrage, un véritable tour de force sincère et poignant qui imprime le rétine même longtemps après sa vision.


Jonathan Chevrier



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