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[CRITIQUE] : Presence


Réalisateur : Steven Soderbergh
Acteurs : Lucy LiuChris SullivanCallina LiangEddy Maday,...
Distributeur : Dulac Distribution
Genre : Epouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h25min

Synopsis :
Une famille emménage dans une nouvelle maison, où une mystérieuse présence hante les lieux.




Critique :



De - plus où moins - précurseur, Steven Soderbergh semblait avoir pris cette fois le wagon de la hype deux décennies en retard avec son dernier effort en date (The Insider débarque dans un petit peu moins d'un mois, et il a déjà la caméra tournée vers le prochain), Presence, exploration à tâtons du sous-genre du « found footage » dont l'intérêt s'est éteint presque aussi vite qu'il était ré-apparu au milieu/fin des années 2000, lui qui n'avait étrangement pas tant fait d'émules que cela dans la foulée du carton maousse costaud du Projet Blair Witch.

S'il n'a pas fait tant d'étincelles que cela ces dernières années (on pense, entre deux, trois wannabe creepypastas viraux tournés avec la fesse gauche, uniquement aux excellents Frogman d'Anthony Cousins et The House - Skinamarink de Kyle Edward Ball), gageons qu'il trouve entre les mains du papa de Logan Lucky, une sorte de nouvelle mutation à la fois intéressante même si fatalement gadget puisqu'il n'assume, justement, jamais totalement son statut de found footage movie quand bien même il en épouse tous les codes visuels : le spectateur voit l'intégralité du film à travers l'objectif de la caméra (heureusement loin d'être aussi nerveux que pour CloverfieldChronicle), qui représente le seul témoin qui relie tous les fils fragiles de la narration.

Copyright The Spectral Spirit Company

Moins ghost story hypnotique que mélodrame familial minimaliste, le film se concentre tout du long sur la vie - mais aussi la mort donc - au cœur d'une luxueuse maison centenaire d'où vient fraîchement d'emménager une famille dont chaque membre traverse ses propres souffrances émotionnelles (surtout la plus jeune, une adolescente devant encaisser le deuil de sa meilleure amie et le comportement d'une mère qui ne masque même pas lui préférer son frère aîné suffisant et sportif), alors qu'une présence invisible - représentée par la caméra - n'a de cesse de les observer.

Et c'est tout, circulez parce qu'il n'y a pas/plus grand chose à voir... enfin presque.
Car oui, Presence est moins intéressant dans ce qu'il nous narre (son histoire, chapeautée par un David Koepp au four et au moulin ces derniers mois, est même rien de moins qu'un prétexte), que dans la manière qu'il cherche à nous conter une histoire qu'il sait prétexte... on s'explique.
Le principe même du film est d'observer comment une entité étrange - et un brin voyeuriste, quand-même - observe elle-même les besoins comme les angoisses d'une famille incapable les communiquer, absorbe leurs maux en silence mais sans forcément agir, à l'écran, comme une entité fantomatique.

Une idée plutôt originale sur le papier, si Soderbergh se servait justement de se truchement gentiment pervers (un film d'horreur vécue à travers un esprit potentiellement frappeur), pour susciter un vrai sentiment de terreur et non un élan de curiosité un brin gadget.
Car tout l'écueil de Presence est là : se faire plus intellectuel que tendu et viscéral, plus sophistiqué que brut, plus soucieux de soulever des questionnements (dont on se moque un poil) que de faire de son spectre une menace constante et inquiétante, sorte de A Ghost Story qui se prétendrait plus mature mais apparaîtrait avant tout et surtout plus vain - là où un fantastique teen movie dramatique sur les traumatismes et les névroses adolescentes, est un tapis dans un recoin de porte.

Copyright The Spectral Spirit Company

Le concept en soit n'est pas forcément ridicule, mais le fait qu'il lui donne la même structure qu'un film lambda du genre - à peine une heure et demie au compteur -, sans le moindre sentiment d'urgence (ni de véritable impact émotionnel) et encore moins la moindre cohérence (comme dit plus haut, le spectre n'agit pas véritablement comme tel, et la caméra semble un peu trop souvent plus dirigée par un être humain qu'une entité défiant les lois de l'existence et de la physique), laisse planer l'impression amère et confuse d'un cinéaste qui s'amuse comme un petit fou dans son petit laboratoire d'expérimentation, mais nous a sensiblement claqué la porte au nez au lieu de nous y inviter.

Curieux dispositif et curieuse réappropriation donc, mais surtout (très) curieux film.


Jonathan Chevrier