[CRITIQUE] : Wicked
Réalisateur : John M. Chu
Acteurs : Ariana Grande, Cynthia Erivo, Jonathan Bailey, Michelle Yeoh, Jeff Goldblum, Bowen Yang, Bronwyn James,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Comédie Musicale, Fantastique.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h41min.
Synopsis :
Wicked suit le parcours des sorcières légendaires du monde d’Oz. Elphaba, une jeune femme incomprise à cause de la couleur inhabituelle de sa peau verte ne soupçonne même pas l’étendue de ses pouvoirs. À ses côtés, Glinda qui, aussi populaire que privilégiée, ne connaît pas encore la vraie nature de son cœur. Leur rencontre à l'Université de Shiz, dans le fantastique monde d'Oz, marque le début d’une amitié improbable mais profonde. Cependant, leur rapport avec Le Magicien d'Oz va mettre à mal cette amitié et voir leurs chemins s’éloigner. Tandis que Glinda, assoiffée de popularité, se laisse séduire par le pouvoir, la détermination d'Elphaba à rester fidèle à elle-même et à son entourage aura des conséquences aussi malheureuses qu’inattendues. Leurs aventures extraordinaires au pays d’Oz les mèneront finalement à accomplir leur destinée en devenant respectivement la Bonne et la Méchante Sorcière de l'Ouest.
Critique :
Believe the hype : #Wicked dépasse fougueusement toutes les attentes et incarne une véritable lettre d'amour passionnée, méticuleuse et démesurée à l'œuvre de Stephen Schwartz, une authentique et pure comédie musicale concoctée par un amoureux du genre, pour les amoureux du genre pic.twitter.com/PidFrvrISw
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 23, 2024
Le monde d'aujourd'hui est fou, alors il n'y a rien d'illogique à ce que la production cinématographique lui ressemble ne serait-ce qu'un peu.
Si pendant très longtemps, le genre pourtant gentiment célébré de la comédie musicale à souffert d'adaptations pas toujours heureuses des classiques - mais pas que - faisant vibrer les planches (sans doute parce que la majorité des adaptations ont la fâcheuse tendance à écraser par l'opulence toute la créativité de leur matériau d'origine, qui naît avant tout des limites du théâtre, au lieu de justement s'appuyer sur celles-ci), il est désormais frappé d'un mal encore plus sournois et pervers : des comédies musicales qui, malgré leur popularité évidente en salles, s'efforcent stupidement à... ne pas être vendues comme des comédies musicales.
De la pure absurdité donc, que de bâtir toute une campagne promotionnelle en cachant des séquences entières de chant et de danse, dans un effort alambiqué et contradictoire pour inciter les gens qui n'aiment pas les comédies musicales, à aller en voir une, tout en sachant qu'ils finiront quand-même par la détester pour être ce qu'elle est : une comédie musicale.
Hollywood et sa stupidité légendaire...
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Tout le contraire de Wicked de John M. Chu (bien en deux parties, même si la campagne promotionnelle a inexplicablement changé de braquet en cours d'année), qui assume la moindre once de vocalise de son statut de comédie musicale entièrement faite et pensée pour les amoureux de comédies musicales.
À tel point que Chu dépasse quasiment toutes les attentes possibles autour d'une telle entreprise au moins autant qu'il déjoue habilement tous les pièges qu'une adaptation comme celle-ci recèle en elle : il célèbre avec passion son histoire, sa musicalité et sa singularité, au lieu de les accepter à contrecœur dans une œuvre à la fois malade et bouffée par le déni.
Et le résultat à l'écran est tout simplement... magique.
Adaptation sans bout de gras de l'œuvre de Stephen Schwartz, cette première partie suit scrupuleusement le premier acte du musical, inspiré de ce qui est une réécriture du mythique Le Magicien d'Oz de L. Frank Baum, Wicked : La Véritable Histoire de la méchante sorcière de l'Ouest de Gregory Maguire, qui raconte l'histoire à travers la perspective des sorcières du Pays d'Oz, et plus directement sur la rivalité puis la plus improbable des amitiés entre Elphaba, née avec la peau vert émeraude, intelligente et fougueuse mais surtout infiniment douée pour la sorcellerie; et Glinda/Galinda, jeune femme blonde et pétillante extrêmement populaire.
Une amitié indéfectible qui s'éteindra peu à peu lorsque le monde d'Oz décidera que l'une devra être une Bonne sorcière, et l'autre une Méchante...
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Le film reprend exactement la même structure, sans fausse note, débutant avec l'annonce de Glinda aux citoyens d'Oz que la Méchante Sorcière de l'Ouest est morte, avant que celle-ci ne raconte son histoire et sa relation avec cette dite sorcière, dès la première fois où elles se sont croisées, à l'université de Shiz.
Une dévotion envers l'histoire qui se retrouve au cœur du respect scrupuleux et soigné de son esthétique à la fois pimpante et complexe (dont une photographie qui épouse sans réserve l'onirisme d'Oz), qui s'appuie sur son héritage sans jamais trahir son aura théâtrale : les décors, somptueux, sont usés comme ils pourraient l'être sur scène, pour une séquence comme pour un numéro chanté par des comédiens qui ne savent pas que simplement chanter, mais font pleinement vivre le show - jusque dans ses formidables comédiens secondaires, Bowen Yang et Bronwyn James en tête.
Tous sont fantastiques même si Ariana Grande, absolument phénoménale, vole considérablement la vedette, elle qui démontre que sa voix vaut bien plus que les simples sonorités pop qui l'ont rendu populaire : elle peut porter un show de Broadway sur ses larges épaules, faire preuve d'une malice et d'une ironie incroyablement mordante (son timing comique était déjà un poil perceptible, dans la fragile mais fun série Scream Queens), mais avant tout et surtout imposer fièrement sa présence face caméra.
On ne voit qu'elle où presque, et sa Glinda est plus pétillante que jamais.
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Que Grande bouffe autant l'écran pourrait créer un déséquilibre irrémédiable si la narration du premier acte n'était pas sensiblement tournée davantage sur Glinda que sur Elphaba, mais il est acquis que la bascule fera son office dès le second et en attendant, Cynthia Erivo lui offre un puissant répondant (idem pour le Fiyero de Jonathan Bailey, qui arrive à être suffisamment magnétique pour ne pas se faire littéralement écraser par le tandem), elle qui capture avec finesse la vulnérabilité tapie sous la distance et la froideur d'une Elphaba blessée mais déterminée.
Leur amitié est le cœur même de Wicked, et Chu le sait mieux que personne, lui qui en sublime la puissance émotionnelle notamment à travers la connection intime, délicate et silencieuse qui se noue entre elles sur Dancing Through Life - moins dans son final cela dit, à l'entracte naturel.
Avec une assurance folle, il fait de son adaptation une véritable lettre d'amour passionnée et démesurée à l'œuvre de Stephen Schwartz (un temps prévu derrière la caméra), une vraie et pure comédie musicale cinématographique tout en décors colorés et en séquences de chant et de danse merveilleusement élaborées : un incroyable film musical généreux et poignant par un amoureux du genre, pour les amoureux du genre, rien de moins.
Vivement, mais vivement, la suite l'an prochain.
Jonathan Chevrier