[CRITIQUE] : Ça arrive

Réalisatrice : Sabrina Nouchi
Acteurs : Catherine Sorolla, Milo Chiarini, Andrea Dolente, Pauline Nuez,...
Distributeur : Kapfilms / Les Affranchis
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 2h07min

Synopsis :
Dans un commissariat du 1er arrondissement de Marseille, trois enquêteurs, deux hommes et une femme, font face aux récits des viols qui sont perpétrés quotidiennement dans la cité Phocéenne. Chaque jour, ils reçoivent des victimes de tout âge, genre et milieu social. Chaque jour, ils mettent leur professionnalisme au service de cette brigade haute en couleurs, où le drame côtoie l'humour, et la noirceur l'espoir.

Critique :

Difficile de ne pas se laisser envahir par l'humanité et la justesse qui se dégagent de #ÇaArrive, œuvre coup de poing façon plongée réaliste au cœur du quotidien de trois officiers de la Brigade des moeurs, confrontés aux témoignages quotidiens de nombreuses victimes de viols. pic.twitter.com/Yv9X3fCSik
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) November 29, 2024

Il y a des sujets qui ne fuient pas l'actualité, tant les maux qu'ils portent sont d'une dureté continue, intemporelle, impossible à guérir, parce qu'ils sont perpétués avec une inhumanité froide presque quotidiennement.
Des maux souvent, longtemps condamnés au silence jusqu'à ce que le courage des victimes s'exprime, parfois trop tardivement pour qu'une justice déjà à deux vitesses en temps normal (quand elle n'est pas absolument inexistante), ne puisse faire son office.

Que la réalisatrice marseillaise Sabrina Nouchi (l'une des rares cinéastes que l'on pourrait définir comme réellement indépendante, dans la stricte définition du terme, en France) choisisse, pour son septième long-métrage, le prisme de la fiction, n'atténue pas une once de la puissance comme l'importance du sujet qu'elle fait sien, dont sa mise en exergue, dénué de tout fatalisme et manichéisme putassiers, est d'une simplicité assez folle à la vue de son épatante réussite : un commissariat du 1er arrondissement de la cité phocéenne (qu'on ne quittera jamais), trois officiers de la Brigade des moeurs - deux hommes et une femme - et les nombreux récits de plaintes pour viols issus de victimes de toute âge, genre où milieu social, qui défilent face à eux dans une sorte de ballet tragique qui laissent à penser, à raison, que notre bon vieux pays est encore plus pourris jusqu'à l'os que notre pessimisme le laisse penser.

" Ça arrive " comme l'annonce tristement le titre, beaucoup trop.
Dans un procédé de fictionalisation du réel qui n'est pas sans rappeler le Polisse de Maïwenn, la malhonnêteté - sous certains points - et l'égo trip en moins, Sabrina Nouchi, frappée par la violence de l'instanté, met en images cette routine sinistre autant que cette quête de vérité d'une poignée de garants de la loi et de la justice, entre auditions et - quand c'est possible - confrontations, dans un souci d'authenticité (et sans parti pris) qui n'a d'égale que la tension que chaque témoignage suscite.

On pourrait, faussement, induire qu'elle embellit un peu l'empathie de la police face à celles et ceux qui ont le courage de porter plainte (voire qu'elle leur réserve un traitement un poil caricatural, ce qui n'est pas si faux dans les deux cas), mais difficile de ne pas se laisser envahir par l'humanité et la justesse qui se dégagent de cet effort coup de poing, qui pousse intelligemment son auditoire à la réflexion.
Une sacrée séance donc.

Jonathan Chevrier