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[CRITIQUE/RESSORTIE] : La Noire de...


Réalisateur : Ousmane Sembene
Avec : Therese M'Bissine DiopAnne-Marie JelinekRobert FontaineMomar Nar Sene,…
Distributeur : Les Acacias
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Sénégalais, Français.
Durée : 1h05min

Date de sortie : 5 avril 1967
Date de ressortie : 9 octobre 2024

Synopsis :
Une jeune bonne sénégalaise suit ses patrons français retournant dans leur pays, à Antibes. Le plaisir de la découverte de ce nouveau monde se transforme vite en déconvenue profonde. Isolement, mépris des patrons, racisme ambiant, tâches ménagères incessantes... la poussent au suicide



Critique :



Qu'on se le dise, à une époque où la cinéphilie se statue, selon une poignée de spectateurs particulièrement bruyants, selon une liste de films vulgairement établie qu'il faut avoir vu (pas compris, vu, n'en demandez pas trop), il n'y a décemment aucun mal à avouer ne pas connaître un/une cinéaste et sa filmographie.
Après tout, le septième art n'est-il pas un champ constant de découverte, un univers dense et passionnant qui ne demande qu'à être arpenté avec enthousiasme et curiosité, quand bien même certains ne se borne qu'à ratisser la même zone usée et infertile.

Pour l'auteur de ces mots, feu le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, pourtant considéré comme le père du cinema africain, n'était encore qu'un nom lu à l'arrachée au travers de quelques textes, malgré une carrière foisonnante - et pas uniquement derrière une caméra.
On ne remerciera donc jamais assez Les Acacias, toujours au rendez-vous des bons plans, pour redonner un coup de projecteur même modeste, sur ce cinéaste avec la ressortie de son premier long-métrage, riche en symboles (il est tout autant le premier long-métrage réalisé par un cinéaste d’Afrique Subsaharienne, que le premier film avec une comédienne africaine en vedette), La noire de..., drame puissant adapté d'une de ses propres nouvelles (La Mère, issue de son recueil Voltaïque), embaumé dans un noir et blanc aussi merveilleusement hypnotique que d'une dureté éclatante.

© 2024 Les Acacias. Tous droits réservés.

Dramatisation à la fois élégante, tortueuse et crue du traumatisme et de la douleur post-coloniale, l'histoire s'attache aux atermoiements d’une jeune et optimiste sénégalaise, Diouana, qui décide de quitter la capitale Dakar, pour aller travailler en métropole et y suivre une famille bourgeoise blanche, dans une petite ville pittoresque de Côte d’Azur.
Une nouvelle vie qui ne perdra pas de temps pour désintégrer son optimisme autant que son âme, elle qui va vite crouler sous le poids de la dépression, de la pénibilité folle des multiples et écrasantes corvées qui lui sont données (elle n'était censée s'occuper que des enfants), mais aussi et surtout face au traitement cruel et impitoyable que lui inflige ses employeurs, allant de la tolérance brutale à une hostilité à la condescendance et au racisme exacerbés.

Particulièrement pertinent et percutant dans son auscultation des relations patrons/employés, à travers la dynamique toxique entre Diouana et une Madame qui cherche constamment à asseoir sa supériorité (même si son virage cruello-humiliant sort un brin de nulle part); La noire de..., tout en frustrations et en aliénation, offre tout autant un regard furieusement pessimiste sur un Sénégal " libre " encore hanté par le spectre colonial (une classe ouvrière engoncée dans la précarité, une nation totalement dépossédée de tout), et jeté sans filets dans la gueule de la mondialisation, qu'un portrait dévastateur d'une jeune femme en quête de liberté, broyée par la toxicité insidieuse d'une famille française comme les autres.

Une sacrée découverte, puissante et troublante.


Jonathan Chevrier






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