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[CRITIQUE] : Mi Bestia


Réalisatrice : Camila Beltrán
Acteurs : Stella Martinez, Mallerly Murillo, Héctor Sánchez, Marcela Mar,...
Distributeur : New Story
Budget :-
Genre : Drame, Fantastique, Thriller.
Nationalité : Colombien, Français.
Durée : 1h16min

Synopsis :
Bogotá, 1996. La population est effrayée : le diable va arriver lors d'une éclipse de lune imminente. Mila, 13 ans, sent que le regard des autres sur elle se fait plus oppressant. Elle se demande si la métamorphose de son corps a un rapport avec cette prophétie. Le jour tant redouté arrive, la lune rouge illumine le ciel.



Critique :



Pour son premier long-métrage, Mi bestia, la réalisatrice colombienne Camila Beltrán emprunte à la mythologie de la lune et plus particulièrement à la superstition véhiculée par les éclipses. Même si le genre a souvent emprunté la voie de la transformation adolescente, il utilise rarement (jamais ?) le contexte sociétal précaire d'une ville comme Bogota. On répète la dangerosité de cet endroit pour les femmes donnant à Mila la puissance de s'élever contre les menaces ce qui fait qu'elle n'est pas simplement une adolescente en pleine mutation physique. 

La jeune Mila (Stella Martinez) jongle parfaitement entre le refus des exigences patriarcales et l'émancipation physique qui dépasse sa volonté propre. Le film est assez court et évite toute lassitude ou étirement sans saveur d'un concept de court-métrage. Le sujet est traité intelligemment malgré un certain manque de subtilité par moment.
Le travail du son est fascinant tant il nous enveloppe dans des bruits assourdissants et dérangeants. Et la réalisation est très stylisée, enveloppée d'un grain nostalgique qui n'est pas sans déplaire.
Ce premier long-métrage plutôt abouti et sans prétention aucune mérite vraiment qu'on s'y arrête !


Jess



Copyright New Story

Bien que la Colombie possède en son sein certaines des lois les plus progressistes en matière de droits des femmes en Amérique du Sud (quoique limités en comparaison avec les pays occidentaux), cela ne veut pas pour autant dire qu'il est facile - loin de là - d'être une jeune fille, et encore moins une femme, dans ce pays où les violences domestiques sont encore furieusement nombreuses.

Une nation qui, sans tomber dans la facilité des clichés préconçues par une vision souvent exagérée, fut longtemps gangrenée par une violence presque endémique alors que le gouvernement et les groupes paramilitaires armés - sans compter une criminalité sensiblement exacerbée - furent continuellement en désaccord (même s'il est vrai que depuis quelques années, la situation politique, économique et sociale semble un brin s'améliorer).

C'est dans ce cadre où la vulnérabilité, quelle qu'elle soit, est une arme pour les autres, cette société patriarcale et machiste où la violence, les abus et la pauvreté sont généralisés, que les ados colombiennes doivent se construire et que le septième art trouve souvent, un beau terreau autant d'expression, que de réflexion.

Copyright Sylvain Verdet

À la différence de ses compatriotes Fabián Hernández, Andrés Ramirez Pulido et Laura Mora, qui scrutent la violence brutale et primaire qui gangrène leur nation, au détour des atermoiements de jeunes garçons qui y sont non seulement directement confrontés, mais qui en font un usage presque obligée; pour son premier long-métrage, Mi bestia, Camila Beltran prend le pari à la fois difficile et familier de s'attacher aux affres de l'adolescence à travers une jeune figure féminine au cœur des 90s, tout en embrassant un pendant fantastique voire même un brin folklorique.
Le récent Tiger Stripes de la cinéaste malaisienne Amanda Nell Eu (un premier effort également adoubé par la Croisette), lui même pas si éloigné du sacro-saint Carrie de De Palma, n'est jamais loin quand bien même le jeu - putassier - des comparaisons, lui ferait plus de mal que de bien... et à raison.

Comme son illustre aîné, bien plus féroce et maîtrisé, le film joue avec les codes du coming-of-age movie en mettant en lumière la puberté sous un aspect plus fantastique (l'idée de la " Lunada ", une éclipse solaire qui signifierait selon certaines croyances, comme l'avènement sur Terre de l'antéchrist), s'appuyant sur le surnaturel et une croyances religieuse marquée pour mieux renforcer, physiquement comme métaphoriquement, l'angoisse d'une gamine face à la découverte d'elle-même et de ses sens (confrontée de plein fouet à une masculinité toxique incarnée à la fois par son beau-père inquiétant, qu'aux poussées hormonales des gamins de son âge), face à son émancipation du contrôle parental et de son arrivée effective dans le grand bain tortueux de la vie d'adulte.

Copyright Sylvain Verdet

Sauf que rien ne sonne assez juste au cœur de cette chronique experimentalo-fantastique méchamment convenue, certes furieusement épuré (à peine soixante-quinze minutes de bobine, montre en main) et techniquement appliquée dans sa volonté de retranscrire d'une manière organique et singulière, le trouble de sa jeune héroïne et de sa métamorphose (bestiale, comme l'annonce le titre, mais moins que peut l'être la violence patriarcale), mais pas assez solidement charpenté pour éviter que cette dite métaphore de la belle qui se fait bête, n'apparaisse douloureusement engourdie.

Immersion sous tension et bonnes intentions ne font malheureusement pas tout, et Camila Beltrán aurait peut-être d'un peu plus, s'inspirer du naturel désarmant du plus bel atout devant sa caméra, l'ébouriffante Stella Martinez...


Jonathan Chevrier





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