[CRITIQUE] : Ma vie ma gueule
Réalisatrice : Sophie Fillières
Acteurs : Agnès Jaoui, Angelina Woreth, Édouard Sulpice, Valérie Donzelli,...
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h38min.
Synopsis :
Barberie Bichette, qu'on appelle à son grand dam Barbie, a peut-être été belle, peut-être été aimée, peut-être été une bonne mère pour ses enfants, une collègue fiable, une grande amoureuse, oui peut-être… Aujourd'hui, c'est noir, c'est violent, c'est absurde et ça la terrifie : elle a 55 ans (autant dire 60 et bientôt plus !). C'était fatal mais comment faire avec soi-même, avec la mort, avec la vie en somme…
Critique :
Certes inégal, #MaVieMaGueule n'en est pas moins une jolie dramédie aussi mélancolique et drôle qu'elle est extravagante et désespérée, les adieux cinématographiques de feu Sophie Fillières, qui traite de l'inconfort psychologique et de la dépression avec une justesse rare. pic.twitter.com/rTJ1JQGLgL
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) September 17, 2024
Même près de quatre ans après, savoir que le tandem Agnès Jaoui-Jean-Pierre Bacri ne pourra plus jamais nous offrir de comédie chorale est une vérité que nous mettront beaucoup de temps à accepter, d'autant plus que la tristesse de la disparition du second, toujours imposante, risque de laisser un trou béant bien plus important que beaucoup s'accorderont à le penser (soyons honnêtes, c'est déjà le cas), au coeur d'une comédie - et d'une comédie dramatique - hexagonale qui peine à rester au zénith de sa forme.
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Reste donc alors aux cinéphiles de se remémorer aux bons souvenirs de leurs essais passés, tels des totems dont on ne pourrait plus jamais vraiment se lasser, avec leur résonance nouvelle furieusement mélancolique, où à tout simplement continuer à chérir les apparitions cinématographiques d'Agnès Jaoui, toujours aussi lumineuse même dans des comédies pas toujours défendables, à contrario d'une réalité où ses interventions sape de plus en plus notre appréciation de sa personne.
Dernier long-métrage de feu la cinéaste Sophie Fillières (Un chat un chat, Ârrete ou je continue, La Belle et la Belle), dont la maladie a douloureusement embaumé tous les strates de la production, Ma vie, ma gueule, sorti donc à titre posthume (grâce à l'implication de ses enfants, Agathe et Adam Bonitzer, qui l'ont monté), se fait tout autant un bouleversant drame qu'un autoportrait lucide et jamais complaisant, dont l'humour affirmé, à la fois ironique et complice (une approche personnelle de l'absurde qui fait le sel du cinéma de la cinéaste), ne fait qu'amoureusement dessiner les contours doux-amer d'une mère célibataire en décalage de tout et frôlant sèchement la soixantaine; une femme qui cherche désespérément un semblant d'équilibre entre un vrai désir d'évasion et une angoisse persistante du temps qui passe - au milieu d'autres angoisses, évidemment.
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C'est tout en délicatesse, à la fois sur le territoire de la comédie - bâtie sur les bizarreries de son héroïne - et du drame, que la cinéaste traite de l'inconfort psychologique et de la dépression avec une justesse rare, avec des ruptures de ton et quelques nids-de-poule qui, chez une autre cinéaste, auraient tout d'une sortie de route incontrôlée.
Porté par une Agnès Jaoui impressionnante de mimétisme, Ma vie, ma gueule, certes inégal, n'en est pas moins un bonheur de dramédie drôle et mélancolique, extravagant et désespérée, dont le déchirant final prend une résonance toute particulière face à la réalité.
Une (vraie) drôle de cinéaste s'en est allé, et ses adieux sont sincèrement émouvant.
Jonathan Chevrier