[CRITIQUE] : Roqya
Réalisateur : Saïd Belktibia
Acteurs : Golshifteh Farahani, Jérémy Ferrari, Amine Zariouhi, Denis Lavant,...
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Action, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 1h37min.
Synopsis :
Nour vit de contrebande d'animaux exotiques pour des guérisseurs. Lorsqu’une consultation dérape, elle est accusée de sorcellerie. Pourchassée par les habitants du quartier et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver. La traque commence…
Critique :
Étoile lumineuse d'un septième art hexagonal - mais aussi et surtout international -, qui n'auraient sans doute jamais été pareil sans elle (on exagère juste un peu), la merveilleuse comédienne iranienne Golshifteh Farahani alterne depuis une bonne quinzaine d'années fresques politiques, bijoux d'auteurs, comédies/romances mordantes ou même grosses productions made in Hollywood, avec une justesse et une liberté étonnante.
Une reine, rien de moins.
Il faudra désormais ajouter une nouvelle corde à son arc, l'épouvante, elle qui truste le haut de l'affiche de l'horrifique Roqya, estampillé premier long-métrage du wannabe cinéaste Saïd Belktibia, dont le titre cite directement et sans détour la pratique éponyme - الرقية -, une forme d’automédication de méthodes spirituelles qui consiste selon ses adeptes, à guérir des maladies occultes - comme la possession - par la récitation de versets coraniques.
D'occulte, il en est définitivement question au cœur de l'intrigue du film, viscéralement vissé sur les atermoiements de Nour (Farahani), séparé de son mari toxique et violent, Dylan (un impressionnant et terrifiant Jérémy Ferrari), et qui s'occupe seule de leur fils adolescent Amine, au cœur d'un HLM en pleine banlieue parisienne.
Elle tente tant bien que mal de joindre les deux bouts en faisant de la contrebande d'animaux exotiques en provenance d'Afrique du Nord, pour des guérisseurs, quand bien même elle ne croit pas elle-même que ces produits apportent autre chose qu'un simple réconfort psychologique aux plus superstitieux.
Un marché noir lucratif, dans lequel il est dangereux de s'immiscer, surtout face à une concurrence masculine qui voit d'un mauvais œil que des femmes viennent s'accaparer la clientèle et le bénéfice qui va avec.
Tout bascule lorsque l’une de ses consultations dérape avec l'un de ses clients (qui termine par un suicide), et qu'elle est accusée par le père de celui-ci (dérangé, qui considérait l'autisme de son fils pour de la possession démoniaque) et de tout son quartier, de sorcellerie.
Pourchassée par tous les habitants du secteur - une hystérie savamment nourrie par son ex-mari - et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver...
Contre toute attente, le premier effort de Saïd Belktibia, quand bien même il arpente dans son dernier tiers, le terrain plus balisée du revenge movie un brin désespéré, s'inscrit joliment dans l'ombre, thématiquement tout du moins, du fantastique Lux Æterna de Gaspar Noé, en incarnant une réflexion moderne et brute autant sur la notion de croyance que sur la figure même de la sorcière, aussi bien comme foyer de superstitions ancestrales (et ce, sans jamais que le cinéaste ne dégaine une vision mécanique et générique du surnaturel) que de bouc émissaire de la violence d'une société furieusement masculine et patriarcale, avec une figure ici qui n'est pas tant puni pour ses actes que pour ce quelle représente : une barrière aux propres intérêts d'une poignée d'hommes.
Une femme sensiblement imparfaite mais farouchement indépendante, dont la narration a le bon ton de ne pas tant fustiger l'amoralité (elle exploite le malheur et les croyances des autres, sans jamais les partager elle-même), en préférant souligner par son parcours du combattant pour sauver sa propre chair, les rouages d'un système patriarcal répressif et hypocrite, avec son impact oppressif autant sur les femmes que sur une jeune génération qui ne sait quel chemin suivre face aux perspectives discordantes tracés par ses aînés.
Si l'on peut tiquer sur les faiblesses d'une écriture un brin caricaturale de ses personnages, ou même sur le manque de subtilité assez marqué de ses métaphores socio-politiques, difficile de ne pas être fasciner par les nombreuses pistes dégainer dans son fond.
Que ce soit l'idée que la persécution misogyne ne s'est pas éteinte avec le temps (elle a juste évoluée via des formes, à notre ère numérique, toutes aussi nouvelles que terrifiantes), et encore plus dans une jungle urbaine qu'il transforme en un territoire bouillant de vices (propice à la criminalité, à la violence, à la manipulation des plus vulnérables et, encore plus, à l'emprise patriarcal), l'idée que la moindre petite étincelle puisse allumer d'une xénophobie qui n'a plus besoin de grand chose pour exploser (elle qui prospère fièrement sur nos propres chaînes de télévision), ou encore son réquisitoire contre la folie numérique (ou comment les réseaux sociaux sont autznt des véhicules pour l'arnaque, que des accélérateurs aussi stupides que dangereux, de toute forme de persécution et de mépris); Roqya tranche comme un katana, à l'image de sa mise en scène autant épurée - presque documentaire parfois - qu'urgente, et de la partition magnétique de Golshifteh Farahani.
Un premier effort un poil imparfait donc, mais joliment brutal et surtout incroyablement prometteur.
Jonathan Chevrier
Acteurs : Golshifteh Farahani, Jérémy Ferrari, Amine Zariouhi, Denis Lavant,...
Distributeur : The Jokers / Les Bookmakers
Budget : -
Genre : Action, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 1h37min.
Synopsis :
Nour vit de contrebande d'animaux exotiques pour des guérisseurs. Lorsqu’une consultation dérape, elle est accusée de sorcellerie. Pourchassée par les habitants du quartier et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver. La traque commence…
Critique :
Si l'on peut tiquer sur l'écriture un brin caricaturale de ses personnages, ou même sur le manque de subtilité de ses métaphores socio-politiques, difficile de ne pas être fasciner par #Roqya, réflexion moderne et brute sur la notion de croyance et sur la figure de la sorcière. pic.twitter.com/dnHfXwhcMB
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) April 28, 2024
Étoile lumineuse d'un septième art hexagonal - mais aussi et surtout international -, qui n'auraient sans doute jamais été pareil sans elle (on exagère juste un peu), la merveilleuse comédienne iranienne Golshifteh Farahani alterne depuis une bonne quinzaine d'années fresques politiques, bijoux d'auteurs, comédies/romances mordantes ou même grosses productions made in Hollywood, avec une justesse et une liberté étonnante.
Une reine, rien de moins.
Il faudra désormais ajouter une nouvelle corde à son arc, l'épouvante, elle qui truste le haut de l'affiche de l'horrifique Roqya, estampillé premier long-métrage du wannabe cinéaste Saïd Belktibia, dont le titre cite directement et sans détour la pratique éponyme - الرقية -, une forme d’automédication de méthodes spirituelles qui consiste selon ses adeptes, à guérir des maladies occultes - comme la possession - par la récitation de versets coraniques.
Copyright ICONO CLAST - LYLY FILMS - FRANCE 2 CINEMA - 2024 |
D'occulte, il en est définitivement question au cœur de l'intrigue du film, viscéralement vissé sur les atermoiements de Nour (Farahani), séparé de son mari toxique et violent, Dylan (un impressionnant et terrifiant Jérémy Ferrari), et qui s'occupe seule de leur fils adolescent Amine, au cœur d'un HLM en pleine banlieue parisienne.
Elle tente tant bien que mal de joindre les deux bouts en faisant de la contrebande d'animaux exotiques en provenance d'Afrique du Nord, pour des guérisseurs, quand bien même elle ne croit pas elle-même que ces produits apportent autre chose qu'un simple réconfort psychologique aux plus superstitieux.
Un marché noir lucratif, dans lequel il est dangereux de s'immiscer, surtout face à une concurrence masculine qui voit d'un mauvais œil que des femmes viennent s'accaparer la clientèle et le bénéfice qui va avec.
Tout bascule lorsque l’une de ses consultations dérape avec l'un de ses clients (qui termine par un suicide), et qu'elle est accusée par le père de celui-ci (dérangé, qui considérait l'autisme de son fils pour de la possession démoniaque) et de tout son quartier, de sorcellerie.
Pourchassée par tous les habitants du secteur - une hystérie savamment nourrie par son ex-mari - et séparée de son fils, elle se lance alors dans une course effrénée pour le sauver...
Copyright ICONO CLAST - LYLY FILMS - FRANCE 2 CINEMA - 2024 |
Contre toute attente, le premier effort de Saïd Belktibia, quand bien même il arpente dans son dernier tiers, le terrain plus balisée du revenge movie un brin désespéré, s'inscrit joliment dans l'ombre, thématiquement tout du moins, du fantastique Lux Æterna de Gaspar Noé, en incarnant une réflexion moderne et brute autant sur la notion de croyance que sur la figure même de la sorcière, aussi bien comme foyer de superstitions ancestrales (et ce, sans jamais que le cinéaste ne dégaine une vision mécanique et générique du surnaturel) que de bouc émissaire de la violence d'une société furieusement masculine et patriarcale, avec une figure ici qui n'est pas tant puni pour ses actes que pour ce quelle représente : une barrière aux propres intérêts d'une poignée d'hommes.
Une femme sensiblement imparfaite mais farouchement indépendante, dont la narration a le bon ton de ne pas tant fustiger l'amoralité (elle exploite le malheur et les croyances des autres, sans jamais les partager elle-même), en préférant souligner par son parcours du combattant pour sauver sa propre chair, les rouages d'un système patriarcal répressif et hypocrite, avec son impact oppressif autant sur les femmes que sur une jeune génération qui ne sait quel chemin suivre face aux perspectives discordantes tracés par ses aînés.
Copyright ICONO CLAST - LYLY FILMS - FRANCE 2 CINEMA - 2024 |
Si l'on peut tiquer sur les faiblesses d'une écriture un brin caricaturale de ses personnages, ou même sur le manque de subtilité assez marqué de ses métaphores socio-politiques, difficile de ne pas être fasciner par les nombreuses pistes dégainer dans son fond.
Que ce soit l'idée que la persécution misogyne ne s'est pas éteinte avec le temps (elle a juste évoluée via des formes, à notre ère numérique, toutes aussi nouvelles que terrifiantes), et encore plus dans une jungle urbaine qu'il transforme en un territoire bouillant de vices (propice à la criminalité, à la violence, à la manipulation des plus vulnérables et, encore plus, à l'emprise patriarcal), l'idée que la moindre petite étincelle puisse allumer d'une xénophobie qui n'a plus besoin de grand chose pour exploser (elle qui prospère fièrement sur nos propres chaînes de télévision), ou encore son réquisitoire contre la folie numérique (ou comment les réseaux sociaux sont autznt des véhicules pour l'arnaque, que des accélérateurs aussi stupides que dangereux, de toute forme de persécution et de mépris); Roqya tranche comme un katana, à l'image de sa mise en scène autant épurée - presque documentaire parfois - qu'urgente, et de la partition magnétique de Golshifteh Farahani.
Un premier effort un poil imparfait donc, mais joliment brutal et surtout incroyablement prometteur.
Jonathan Chevrier