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[CRITIQUE/RESSORTIE] : RoboCop


Réalisateur : Paul Verhoeven
Acteurs : Peter Weller, Nancy Allen, Ronny Cox, Kurtwood Smith, Miguel Ferrer, Paul McCrane, Dan O'Herlihy,...
Distributeur : Splendor Films
Budget : -
Genre : Action, Policier, Science-fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h43min.

Date de sortie : 20 janvier 1988
Date de ressortie : 24 avril 2024

Synopsis :
A Détroit, gangrené par le crime organisé, l'officier de police James Murphy est laissé pour mort après une fusillade. Il devient alors le parfait cobaye pour la création d'une nouvelle arme, un policier hybride mi-homme, mi-robot.



Critique :



Pour tout cinéphile biberonné au cinéma béni des 80s, avoir l'opportunité de redécouvrir le cultissime RoboCop de Paul Verhoeven dans une salle obscure et avec toutes les conditions optimales possibles, presque quarante balais (37 ans, si tu fais le chieur) après sa sortie, c'est presque un petit rêve qui devient réalité, mais avant tout et surtout, un immense kiffe face auquel il est bien difficile de cacher son enthousiasme.

Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)

Produit miraculé et miraculeux (parce qu'un vrai film de commande pas forcément désiré au départ) d'un hollandais violent ayant fraîchement décidé de quitter le vieux continent, pour poser sa valise au sein d'une jungle Hollywoodienne qu'il aura savamment retourné (et qui lui fera payé par la suite), fusion entre le vigilante movie, un cinéma d'action alors à son apogée et une science-fiction hybride et réaliste, qui avait la bonne habitude de s'acoquiner avec tout ce qui faisait plus ou moins fureur à l'époque (le western via Outland, le polar néo-noir avec Blade Runner, le film d'horreur puis le film de guerre avec le diptyque Alien, le thriller avec Terminator), RoboCop n'est pas tant une anomalie que le pur produit de son époque, qui la cite tout en la prenant savamment en grippe, le tout chapeauté par un auteur qui prend son sujet typiquement de série B, pour le traiter comme s'il s'agissait d'un film d'une classe au-dessus.

Sur le papier, difficile de prendre totalement au sérieux son pitch sauce cyberpunk (signé par le tandem Michael Miner et Edward Neumeier), et pourtant, tout y est merveilleusement plus complexe sous la surface.
Alex Murphy (un Peter Weller tout en dévotion), un policier honnête et père aimant, est volontairement transféré dans le quartier le plus difficile de Détroit, là où le crime ne fait pas uniquement que prospérer : il est en guerre constante avec une police incarnant l'unique rempart démuni et aux abois, de la loi.
Alors qu'il poursuit un gang de braqueurs/tueurs de flics mené par le terrifiant Clarence Boddicker, Murphy est piégé et brutalement abattu.
Futur dystopique oblige, le bonhomme a confié son corps à la science et les restes de ce qu'il était, sont greffés sur le prototype d'un nouveau robot chargé de l'application des lois développé par la firme OCP, une société privée qui contrôle tous les recoins de Detroit.

Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)

Appliquant la loi à la lettre, ce « RoboCop » est lâché dans les rues et sa lutte contre le crime est aussi létale qu'efficace, quand bien même la conscience d'homme et de flic de Murphy, commence gentiment à faire dérailler ce qui était pensé comme une mécanique trop bien huilé.
Très vite, cette fusion hybride entre l'homme et la machine va être appelé à se venger de ceux qui ont tué son ancienne vie, mais surtout affronter les vrais responsables de son malheur : ses propres créateurs, OCP, bien qu'il soit sournoisement programmé pour ne jamais pouvoir s'en prendre à l'un des membres de la compagnie...

Tout est là, dans cette intrigue un poil nihiliste, over-the-top et excessive aux jolis relans bibliques, propice à fustiger non sans ironie aussi bien les propres passages obligés d'un genre dont il épouse les codes avec gourmandise, que l'absurdité d'une époque à part, folle et déviante, ou tout semble possible - surtout le pire.
Car plus que toute chose, RoboCop est une merveilleuse satire visant à pointer les dérives comme les contradictions idéologiques du libertarisme de l'Amérique Reagannienne, singeant la droitardise décomplexée et cartoonesque d'un Death Wish (ou Bronson/Kersey se transformait limite en pseudo-Michael Myers traquant méthodiquement chacun des coupables à tour de rôle, les achevant d'un combo balle/punchline sèche), tout en usant intuitivement de tous ses clichés : oui, cet anti-héros zigouille son prochain criminel, mais il est capable de lire ses droits avant, tout en dirigeant avec détachement, une victime vers des services appropriés (cette folle première sortie, ou il sauve du viol une jeune femme face à deux voyous).

Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)

Furieusement trash et pulp (jusque dans un affrontement robotique tout droit sorti d'un animé nippon), usant d'une violence graphique qu'il n'a de cesse de parodier, RoboCop s'éloigne encore plus du tout commun dans sa manière d'incarner une anthologie sophistiquée des archétypes du cinéma américain, capturée à travers le regard pervers et déviant d'un hollandais violent qui conçoit que même dans l'exagération la plus totale de sa réflexion politique (un monde délabré et en guerre, ou le capitalisme indécent et la privatisation - même des forces de l'ordre - sont à leur paroxysme), rien n'est plus terrifiant que la réalité d'une nation violente, elle-même née dans le sang et se complaisant dans l'absurde, la désinformation lunaire et la brutalité la plus totale (même si son regard acéré sur la politique ultra-libérale américaine, sera plus éclatante dans Total Recall mais surtout dans Starship Troopers).
Le choix de prendre pour cadre la ville de Detroit, à une heure de déclin économique et industriel - qui provoquera de facto son déclin social et démographique -, avec son cadre mi-moderne, mi-apocalyptique sous la coupe de mégalomanes milliardaires, est d'ailleurs on ne peut plus pertinent.

Une décision au moins tout autant pertinent in fine, que de faire de son anti-héros (le seul personnage réellement croqué, tant même Lewis est avant tout définie par son rapport à RoboCop/Murphy, ce qui est le seul vrai point noir du scénario), un être gentiment logé entre Superman (l'homme d'acier n'a jamais aussi bien porté son nom) et un monstre de Frankenstein (que l'on nourrit comme un bébé, à la bouillie) au destin christique, une âme droite, insoumise - même face à la mort - et honnête qui renaît de ces cendres, par et pour les intérêts biaisés d’un groupe privé et criminel, qui fait son beurre sur une situation de crise quelle auto-alimente.

Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)

Dans une Amérique tout en régression et en violence, ou la loi du plus fort et du plus dominant, du sacro-saint dollar fructifié dans le sang et les larmes, vient étouffer toute idée d'humanité, RoboCop pousse sa satire jusqu'à l'absurde (dont un gore très graphique dans sa director's cut) au point de tutoyer une vérité cataclysmique que peu atteindront (très peu même, si l'on enlève les autres films de Verhoeven de l'équation), et encore plus dans le giron autoritaire et à la masculinité exacerbée, d'un cinéma d'action finalement très peu perverti.

Avec sa carapace en titane et ses cojones d'acier (sans pour autant que Verhoeven ne l'iconise à outrance, ni n'en fait un véritable héros qui s'émancipe de son statut d'outil/bras armé d'une justice qui n'existe pas ou plus), RoboCop, sous les sonorités tonitruantes de Basil Poledouris, dézingue les idéaux sécuritaires d'un corporatisme abjecte, tout en incarnant l'unique pommade (sur)humaine pouvant cicatriser les plaies béantes d'une société lacérée par ses crises et ses disparités.
Il s'appelait, et s'appellera toujours Murphy.


Jonathan Chevrier


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