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[CRITIQUE] : Los Delicuentes


Réalisateur : Rodrigo Moreno
Acteurs : Daniel Elias, Esteban Bigliardi, Margarita Molfino, Germán De Silva,...
Distributeur : Arizona Distribution / JHR Films
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Argentin, Chilien, Brésilien, Luxembourgeois.
Durée : 3h10min.

Synopsis :
Román et Morán, deux modestes employés de banque de Buenos Aires, sont piégés par la routine. Morán met en oeuvre un projet fou : voler au coffre une somme équivalente à leurs vies de salaires. Désormais délinquants, leurs destins sont liés. Au gré de leur cavale et des rencontres, chacun à sa manière emprunte une voie nouvelle vers la liberté.



Critique :



Les productions estampillées El Pampero Cine que sont La Flor de Mariano Llinás ou Trenque Lauquen de Laura Citarella n'ont été que des - magnifiques - confirmations d'une vérité dont tout cinéphile avait déjà un minimum conscience : les cinéastes issus du pays de l'argent n'ont pas leurs pareils pour croquer des récits fleuves aussi fascinants qu'ils sont impeccablement calibrés, que ce soit du point de vue du style, du contenu et même de sa gestion de la temporalité.

Copyright Arizona Distribution / JHR Films

Petite bête de festival, Los Delicuentes du peu prolifique Rodrigo Moreno - trois efforts en presque deux décennies -, ne fait que suivre cette glorieuse voie (jusque dans la présence presque méta-cinématographique de Laura Paredes au casting), lui qui incarne une œuvre tout en disgressions et en fausses pistes, tout en parallélismes et en effets de miroirs fascinants, que ce soit entre ses temporalités dissonantes mais joliment nouées entre elles, entre ses personnages titres dont les prénoms sont des anagrammes - Morán, Román, Norma, Morna et Ramón -, l'opposition séculaire entre nature et urbanité ou même dans la notion de personnalité multiples qui peut résider en chacun de nous.

Cette anomalie humaine faite de division intime, de carrefours décisifs ou chaque décision peut nous mener à changer, à embrasser ce qui n'était jusqu'ici qu'une variante de ce que l'on aurait pu/dû être.
Ou quand le désir fantasmé d'une autre vie, d'une existence alternative nous pousse parfois, inéluctablement, dans cette réalité lorsque l'on s'y approche d'un peu trop près.
Révérence directe au Apenas un delincuente/L'affaire de Buenos Aires de Hugo Fregonese (qui voyait déjà un employé - José Morán, tout un symbole - commettre une malversation dans sa propre entreprise, pour profiter par la suite de sa fortune après avoir purgé sa peine de prison), la narration suit la rébellion face au capitalisme dévorant, de deux employés de banque modèles qui s'en vont voler leur établissement avec discernement - juste ce qu'il faut pour atteindre leur retraite.

Copyright Arizona Distribution / JHR Films

Ni film de braquage, ni vraiment polar et encore moins un film romantique, malgré un triangle amoureux à la Jules et Jim, Los Delicuentes bouffe à tous les râteliers avec une gourmandise folle (la comédie, le drame, le western, la fable moraliste), prend son temps pour poser ses enjeux, pour laisser s'exprimer ses personnages comme son histoire imprévisible, qui peut intimement se voir aussi bien comme une fantastique et mélancolique ode à la liberté individuelle, qu'un regard pertinent sur la notion même d'individualité (et l'importance de ne pas gâcher notre existence), à l'écriture d'une finesse incroyable (cette manière habile et délicate d'accumuler les couches d'interprétation, sans jamais alourdir la narration).

Une belle surprise inventive, foisonnante et définitivement immanquable.


Jonathan Chevrier



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