[CRITIQUE] : Moi Capitaine
Réalisateur : Matteo Garrone
Avec : Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo, Bamar Kane,…
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Belge, Luxembourgeois, Français.
Durée : 2h02min
Synopsis :
Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Mais sur leur chemin les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité.
Critique :
On avait laissé le cinéma de Matteo Garrone avec une séance qui, finalement, n'était pas tant une anomalie au sein d'une filmographie qui faisait, plus ou moins subtilement, déjà la part belle à la féerie - même macabre.
Car oui, son magnifique Pinocchio, plus que le malade Tales of Tales ou même le puissant et douloureux Dogman, affirmait frontalement l'attrait du cinéaste italien pour la fable et son prisme à la fois réaliste et surréaliste, lumineux et furieusement sombre - définitivement là où il se sent le plus à l'aise.
Dès lors, et quand bien même il aborde pour son onzième long-métrage (doublement primé à la dernière Mostra), un sujet aussi difficile que cruellement d'actualité - l'immigration -, il n'y a absolument rien d'étonnant à ce qu'il s'éloigne de la simple lecture fictionnelle, voire même proche du documentaire, pour voguer pleinement vers une perspective plus fantastique, plus mystique, sans pour autant renier les douleurs et la rugosité du réel.
En ce sens, Moi Capitaine, qui se veut comme un tissage de plusieurs récits de jeunes africains ayant tentés de traverser, au péril de leur vie, l’Afrique pour atteindre une Europe supposément meilleure, prend donc les allures d'un conte initiatique, d'un " voyage du héros ", d'un monomythe tel que le conçoit Joseph Campbell, en embrassant la perspective du jeune Seydoux, seize ans au compteur et déjà une existence résolument plus dense et complexe que tout môme occidental à son âge, qui traversera le désert avant de prendre les commandes - alors qu'il n'a jamais été sur un bateau de sa vie, et ne sait pas nager non plus - d'un bateau au cœur de la méditerranée, devenant le seul espoir de salut, pour tout un équipage.
Relecture vibrante et contemporaine de l'expérience migratoire, capturée à travers les yeux de ceux qui partent " à l'aventure ", avec l'espoir de lendemain meilleur comme seul vrai compagnon de route, marqué autant par sa rigueur réaliste que sa douce mutation poétique, Moi Capitaine se fait une odyssée chapitrée comme autant de frontières et de petites histoires vraies ayant nourries l'écriture de la " grande " (cinématographique), à la fois cohérente, dure et pleine autant de vitalité que de dignité, même dans la douleur.
D'autant que le cinéaste renverse cette fois sensiblement la perspective autant que l'image familière du migrant sur grand écran, avec ici une poignée d'âmes expurgé de toute rhétorique misérabiliste (ses jeunes héros ne sont pas objectivement menacés par la politique de leur pays, ne sont pas des réfugiés victimes de la guerre), qui cherchent simplement une vie meilleure et revendiquent le droit de l'obtenir, à partir de chez eux sans forcément savoir, réaliser, ce qui les attend en chemin - et encore moins arrivé à destination.
Un contrechamp sur le phénomène migratoire, qui pointe la double évaluation erronée à ses deux extrémités : la naïveté des uns face à la capacité/volonté d'accueil du continent européen, et le mépris du danger vécu le manque de solidarité des autres.
Moi Capitaine interroge, expose, rejette les clichés faciles, épouse la vérité (l'horreur n'est jamais masquée, même si le côté épique de cette aventure folle est toujours valorisé) tout en la pervertissant un brin, par quelques insertions oniriques, va au contact de l'humain derrière l'étiquette inhumaine du " migrant ", entité impersonnelle et diabolisée comme le catalyseur de tous les maux - ou presque - de la société contemporaine, pour une extrême droite de plus en plus puissante.
Un Garrone majeur et authentique, esthétiquement grandiose et narrativement affûté.
Jonathan Chevrier
Avec : Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo, Bamar Kane,…
Distributeur : Pathé
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Belge, Luxembourgeois, Français.
Durée : 2h02min
Synopsis :
Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Mais sur leur chemin les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité.
Critique :
Avec #MoiCapitaine, Garrone interroge, expose, rejette les clichés faciles dans sa relecture authentique et contemporaine de l'expérience migratoire, capturée à travers les yeux de ceux qui partent "à l'aventure", au contact de l'humain derrière l'étiquette inhumaine du "migrant" pic.twitter.com/95uGg2pGYo
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) December 31, 2023
On avait laissé le cinéma de Matteo Garrone avec une séance qui, finalement, n'était pas tant une anomalie au sein d'une filmographie qui faisait, plus ou moins subtilement, déjà la part belle à la féerie - même macabre.
Car oui, son magnifique Pinocchio, plus que le malade Tales of Tales ou même le puissant et douloureux Dogman, affirmait frontalement l'attrait du cinéaste italien pour la fable et son prisme à la fois réaliste et surréaliste, lumineux et furieusement sombre - définitivement là où il se sent le plus à l'aise.
Copyright Greta De Lazzaris |
Dès lors, et quand bien même il aborde pour son onzième long-métrage (doublement primé à la dernière Mostra), un sujet aussi difficile que cruellement d'actualité - l'immigration -, il n'y a absolument rien d'étonnant à ce qu'il s'éloigne de la simple lecture fictionnelle, voire même proche du documentaire, pour voguer pleinement vers une perspective plus fantastique, plus mystique, sans pour autant renier les douleurs et la rugosité du réel.
En ce sens, Moi Capitaine, qui se veut comme un tissage de plusieurs récits de jeunes africains ayant tentés de traverser, au péril de leur vie, l’Afrique pour atteindre une Europe supposément meilleure, prend donc les allures d'un conte initiatique, d'un " voyage du héros ", d'un monomythe tel que le conçoit Joseph Campbell, en embrassant la perspective du jeune Seydoux, seize ans au compteur et déjà une existence résolument plus dense et complexe que tout môme occidental à son âge, qui traversera le désert avant de prendre les commandes - alors qu'il n'a jamais été sur un bateau de sa vie, et ne sait pas nager non plus - d'un bateau au cœur de la méditerranée, devenant le seul espoir de salut, pour tout un équipage.
Copyright Greta De Lazzaris |
Relecture vibrante et contemporaine de l'expérience migratoire, capturée à travers les yeux de ceux qui partent " à l'aventure ", avec l'espoir de lendemain meilleur comme seul vrai compagnon de route, marqué autant par sa rigueur réaliste que sa douce mutation poétique, Moi Capitaine se fait une odyssée chapitrée comme autant de frontières et de petites histoires vraies ayant nourries l'écriture de la " grande " (cinématographique), à la fois cohérente, dure et pleine autant de vitalité que de dignité, même dans la douleur.
D'autant que le cinéaste renverse cette fois sensiblement la perspective autant que l'image familière du migrant sur grand écran, avec ici une poignée d'âmes expurgé de toute rhétorique misérabiliste (ses jeunes héros ne sont pas objectivement menacés par la politique de leur pays, ne sont pas des réfugiés victimes de la guerre), qui cherchent simplement une vie meilleure et revendiquent le droit de l'obtenir, à partir de chez eux sans forcément savoir, réaliser, ce qui les attend en chemin - et encore moins arrivé à destination.
Un contrechamp sur le phénomène migratoire, qui pointe la double évaluation erronée à ses deux extrémités : la naïveté des uns face à la capacité/volonté d'accueil du continent européen, et le mépris du danger vécu le manque de solidarité des autres.
Copyright Greta De Lazzaris |
Moi Capitaine interroge, expose, rejette les clichés faciles, épouse la vérité (l'horreur n'est jamais masquée, même si le côté épique de cette aventure folle est toujours valorisé) tout en la pervertissant un brin, par quelques insertions oniriques, va au contact de l'humain derrière l'étiquette inhumaine du " migrant ", entité impersonnelle et diabolisée comme le catalyseur de tous les maux - ou presque - de la société contemporaine, pour une extrême droite de plus en plus puissante.
Un Garrone majeur et authentique, esthétiquement grandiose et narrativement affûté.
Jonathan Chevrier