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[CRITIQUE] : Mars Express


Réalisateur : Jérémie Périn
Avec les voix de : Léa Drucker, Mathieu Amalric, Daniel Njo Lobé,…
Distributeur : Gebeka Films
Budget : -
Genre : Animation, Science-fiction, Action
Nationalité : Français
Durée : 1h25min

Synopsis :
En l’an 2200, Aline Ruby, détective privée obstinée, et Carlos Rivera son partenaire androïde sont embauchés par un riche homme d’affaires afin de capturer sur Terre une célèbre hackeuse.
De retour sur Mars, une nouvelle affaire va les conduire à s’aventurer dans les entrailles de Noctis, la capitale martienne, à la recherche de Jun Chow, une étudiante en cybernétique disparue. Noctis est leur ville, une utopie libertarienne rendue possible par les progrès en robotique, emblème d’un futur tourné vers les étoiles. Au fil de leur enquête, ils seront confrontés aux plus sombres secrets de leur cité ; ses institutions corrompues, ses trafics, ses fermes cérébrales, et les magouilles des toutes puissantes corporations. Mais des tueurs cyber augmentés ont eux aussi pris pour cible Jun Chow. Aline et Carlos se lancent dans une course désespérée pour sauver cette jeune femme qui, sans le savoir, détient un secret capable de menacer l’équilibre précaire sur lequel repose leur civilisation.


Critique :


L’une des plus belles surprises de l’année sort en salle en ce froid mois de novembre. Son nom : Mars Express. Son genre : science-fiction, finement mélangée à du polar intergalactique. Son but : faire résonner des problématiques contemporaines dans un univers passionnant et une animation léchée. Résultat : pari réussi.

ChatGPT peut aller se rhabiller. Dans Mars Express, la cybernétique n’est plus seulement une affaire d’algorithme, elle est palpable. Les robots sont comme une prolongation de l’humain, à l’image d’un des personnages principaux, Carlos, décédé mais pourtant bien vivant sous une forme androïde. Son corps est robotique, sa tête est un hologramme, suspendue à son corps tel un ballon de baudruche. Réalisé par Jérémie Périn, qui signe ici le scénario avec son comparse de Lastman, Laurent Sarfati, ce film de science-fiction nous donne envie d’utiliser des superlatifs. C’est ce qui arrive quand, en France, on nous offre un long métrage d’animation qualitatif, dans la digne lignée de J’ai perdu mon corps et Le sommet des Dieux.

Copyright Gebeka Films

Nous sommes pourtant abreuvé⋅es, depuis aussi longtemps que l’on veut bien se souvenir, de récits de SF, s’épanchant sur l’intelligence artificielle ou se passant sur la planète Mars. Mars Express réussit l’exploit de ne pas faire de redite dans nos esprits. Comment ? En nous laissant explorer l’univers du film, sans rien expliquer, sans rien justifier. Dans le cadre, tout a une place distincte, tout a une signification que nous, public averti ou non, devons trouver tôt ou tard. La narration joue avec nous, dans un délicieux préambule, mêlant action et espionnage, où deux binômes s’affrontent, sans que nous sachions qui sont les protagonistes, qui sont les antagonistes. Mettre le public face aux limites de l’univers est peut-être le meilleur moyen de s’y confronter et de s’y plonger. La Terre, ce “clapier à chômeurs”, là où s’ouvre le film, laisse sa place à Mars, nouveau territoire conquis et façonné pour être la face B de la Terre. Il n’y a qu’à voir ces maisons pavillonnaires qui, dans nos imaginaires, appartiennent à un quartier résidentiel américain.

Avec comme prétexte l’enquête que mènent nos deux détectives privés, Aline et Carlos (dont l’humour infuse une ambiance buddy-movie), le récit s’intéresse à la société de Noctis et à ce qui s’y trame dans les bas-fonds. Le moyen d’établir une problématique liant la cybernétique à la sociologie, avec le corps comme sujet principal. Ce corps qui n’est qu’un récipient de données, qui ne peut pas faire certaine chose (comme frapper un humain). Un corps robotique régit par les mêmes codes sociaux. Les robots, considérés comme subalternes, sont loin de la classe dominante et en subissent donc les conséquences. Précarité, pénibilité supplémentaire, travail du sexe, sont leur lots quotidiens dans Mars Express, mis en lumière par Aline et Carlos grâce à leur recherche sur les robots “augmentés”, c’est-à-dire libres de toute contraintes asservissantes de leur programme. Implacable, le film suit le cours de l’enquête et nous en apprend plus sur cet univers qui est un miroir au notre sur bien des aspects, jusqu’à ces multi-milliardaires dont le passe-temps est de trouver un nouveau moyen de rendre le monde plus libéral qu’il ne l’est déjà.

Copyright Gebeka Films

Le film de Jérémie Périn a la qualité rare de ne jamais lâcher les fils de son enquête, cœur du récit, jusqu’à la toute fin. Un véritable jeu de piste SF qui ne prend pas son public pour plus bête qui ne l’est et qui propose un univers cohérent, foisonnant de détail, inspiré sans être dans la référence excessive. En résumé, Mars Express est un excellent cru, une proposition de cinéma qu’il faut venir encourager en salle.


Laura Enjolvy