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[CRITIQUE] : Six jours, ce printemps-là



Réalisateur : Joachim Lafosse
Acteurs : Eye Haïdara, Jules Waringo, Leonis Pinero Müller, Teoudor Pinero Müller. Emmanuelle Devos, Damien Bonnard,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Belge, Luxembourgeois.
Durée : 1h32min.

Synopsis :
Malgré les difficultés, Sana tente d’offrir à ses jumeaux des vacances de printemps. Comme son projet tombe à l’eau, elle décide avec eux de séjourner sur la côte d’Azur dans la villa luxueuse de son ex belle-famille. En cachette. Six jours de soleil qui marqueront la fin de l’insouciance.





On avait laissé le brillant cinéma du cinéaste belge Joachim Lafosse il y a un tout petit peu moins de deux ans, avec le puissant Un Silence où il faisait du mutisme et de la paralysie d'une famille face à son passé (tissé à partir de la complexe affaire Hissel, l'ancien avocat des familles victimes de Marc Dutroux, condamné à 10 mois de prison pour détention d’images à caractère pédopornographique, puis poignardé par son propre fils, lui-même condamné par la suite), comme une entité lentement bouffée par le mal, tout du long noué autour du combat moral/existentiel d'une mère qui ne sait plus si c'est le mensonge ou la vérité qui peut sauver les siens.

Copyright Films du Losange

De drame familial et d'auscultation de sphères intimes dysfonctionnelles et lentement bouffées par les tensions qui flottent en marge de leurs existences, il en est à nouveau question avec son nouvel effort, Six jours, ce printemps-là, odyssée aussi douloureuse que sobre et subtile (inspirée des propres souvenirs d'enfance de Lafosse), chevillée au corps et à l'âme endolorie d'une mère de famille lessivée qui décide de s'offrir un break, avec ses enfants et son nouveau compagnon, en occupant illégalement la villa luxueuse de son ancienne belle-famille sur les hauteurs de Saint-Tropez.

Du cadre apparemment insouciant de vacances familiales pieusement souhaitée, la narration à la mécanique bien huilée (peut-être trop) fait in fine moins naître une tragédie brutale constamment attendue à l'écran, une réponse implacable à la fuite face à une réalité qui finira inévitablement par rattraper son héroïne (une tension qui vient, paradoxalement, gâcher la bulle de légèreté et d'insouciance qu'elle tente d'offrir à sa progéniture), qu'un portrait tout en introspection mais un poil trop effleuré d'une figure dont les blessures comme les angoisses refoulées (déclassement social, racisme structurel, précarité,...), ne font qu'exploser entre les murs élégants d'une villa à l'immaculée perfection oppressante.

Copyright Films du Losange

Une confrontation subtile entre les corps et la physicalité d'un cadre - paysage comme social - où les personnages ne sont jamais véritablement à leur place (comme cette mère qui se laisse submerger par son passé comme son présent, incapable d'avancer) qui, si elle manque sensiblement de profondeur psychologique en comparaison des précédents efforts de son auteur (moins certes, dans l'interprétation à la fois nuancée et vulnérable d'une magnifique Eye Haïdara), n'en reste pas moins une expérience authentique et prenante - voire même joliment théâtrale -, au malaise furieusement persistant.


Jonathan Chevrier