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[CRITIQUE] : Kika


Réalisatrice : Alexe Poukine
Acteurs : Manon Clavel, Ethelle Gonzalez Lardued, Makita Samba, Suzanne Elbaz,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Belge.
Durée : 1h50min.

Synopsis :
Alors qu’elle est enceinte, Kika perd brutalement l’homme qu’elle aime. Complètement fauchée, elle en vient à vendre ses petites culottes, avant de tenter sa chance dans un métier… déconcertant. Investie dans cette activité dont elle ignore à peu près tout, Kika entame sa remontée vers la lumière.





Soit le hasard fait - comme on a l'habitude de l'affirmer - bien les choses, soit la filiation presque forcée faite par la cinéaste Alexe Poukine, que l'on avait laissé en février dernier avec l'excellent documentaire Sauve qui peut (un jeu de miroirs bienveillant, poignant et profondément révélateur qui aborde d'une manière plus singulière qu'à l'accoutumée, la vérité rude et pleine d'amertume d'un microcosme hospitalier aussi exigeant dans son apprentissage qu'il est totalement sur les rotules au quotidien, dans sa souffrance comme sa frustration contenue face à une réalité de plus en plus oppressive, à tous les niveaux), avec le titre de son premier long-métrage de fiction, Kika, est des plus pertinentes : son titre évoque l'un des efforts les plus controversés de l'orfèvre espagnol Pedro Almodóvar, avec qui il partage de jolies similitudes.

Oeuvre sensiblement funambule, la narration semble prendre pendant un temps les contours d'une (très) familière mais néanmoins divertissante comédie romantique, au détour de la rencontre/liaison adultère entre Kika (une fantastique Manon Clavel), assistante sociale menant une vie relativement banale et sans remous, avec David, le propriétaire d'un atelier de réparation de vélos, lors d'une nuit où le coup de foudre est immédiat et réciproque.
Tout va bien dans le meilleur des mondes jusqu'à ce que le mélodrame s'invite dans la danse (et que le récit s'emballe enfin), avant même le virage de la demie-heure  de bobine : la mort brutale et soudaine de David.

Copyright WRONG MEN / Condor Distribution

Fauchée, le cœur brisé et totalement lessivée par une destinée aussi défaillante qu'un système gouvernemental qui la laisse démunie et dans une précarité profonde, la jeune femme, mère d'une petite fille et enceinte d'un second enfant, doit trouver de l'argent vite pour rembourser les dettes qui s'accumulent et trouver un nouveau logement.
Et qui dit situation désespérée dit, inéluctablement, alternative désespérée : elle se lance malgré elle dans le travail du sexe, en commençant timidement par la vente de sous-vêtements sales avant de bifurquer de manière encore moins assurée, vers le sordide des pratiques BDSM....

Jonglant tout du long, admirablement, sur le fil tenu de la comédie et du drame, tout en étant totalement cohérent avec ses précédents documentaires (une mise en lumière authentique des marginalisés), Poukine inscrit son film dans un réalisme social percutant et (très) dur pour dresser avec sobriété le double portrait poignant, à la fois intime et professionnel, d'une femme jadis issue d'un milieu bourgeois qui se prostitue au fond plus maladroitement que par réticence, tout en fustigeant avec pragmatisme et pédagogie la discrimination/condamnation moralisatrice que la société assène aux travailleurs/travailleuses du sexe.
Dénué de tout voyeurisme et de tout misérabilisme putassier, célébrant la solidarité qui émane d'un milieu confronté frontalement au pire de l'humanité, Kika frappe par sa perspicacité comme par franchise désarmante, et incarne sans forcer une étude sociale féroce et engagée.
Un put*** de premier effort donc.


Jonathan Chevrier