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[CRITIQUE] : The Creator


Réalisateur : Gareth Edwards
Acteurs : John David Washington, Madeleine Yuna Voyles, Gemma Chan, Allison Janney, Ken Watanabe, Sturgill Simpson,...
Distributeur : The Walt Disney Company France
Budget : -
Genre : Science-fiction, Drame, Aventure.
Nationalité : Américain, Britannique.
Durée : 2h13min.

Synopsis :
Dans un futur proche, humains et intelligence artificielle (IA) se livrent une guerre sans merci.
Soldat américain infiltré en Asie, Joshua est séparé de sa femme Maya au cours d’un assaut. Supposant que celle-ci est décédée, il rentre aux États-Unis, complètement dévasté. Cinq ans plus tard, l’armée lui demande de revenir sur le terrain, craignant qu’une puissante intelligence artificielle n’ait créé une arme qui permette à l’Orient de gagner la guerre qu’elle livre à l’Occident. Sentant son utilisation proche, elle souhaite qu’il la trouve et la détruise.
Lorsque la colonelle Jean Howell apprend à Joshua que Maya est peut-être en vie et qu’elle se trouverait dans la zone de combat, celui-ci trouve soudainement un nouvel enjeu dans cette mission qu’il avait tout d’abord accepté à contrecoeur. Cependant, peu après son arrivée en Asie, il découvre que l’arme en question n’est autre qu’une petite fille de 6 ans prénommée Alphie. Dès lors, Joshua commence à remettre en question ses convictions sur l’IA : Où est la vérité ? Que lui a-t-on caché ?



Critique :


Gareth Edwards fait partie de ces réalisateurs qui nous ont beaucoup manqué dans le paysage cinématographique américain à grand budget. Il faut dire qu’il avait entamé sa carrière de manière impressionnante, Monsters étant d’une grandeur visuelle dépassant largement les limites de son budget limité. La transition avec Godzilla en 2014 s’avérait dès lors surprenamment cohérente, le metteur en scène ayant réussi à relancer l’aura de la créature aux États-Unis tout en retenant continuellement ses coups jusqu’au climax, au point d’être taxé d’anti-spectaculaire par ses détracteurs. Ceux-ci se verront alors contredits deux ans plus tard par Rogue One, spin-off s’installant rapidement comme l’une des plus grandes réussites de la licence Star Wars par son ampleur. De quoi tracer une ligne directrice dans la carrière de Gareth Edwards tout en développant un manque comblé par The Creator.

Copyright 2023 20th Century Studios. All Rights Reserved.

À l’aube d’une ère où les blockbusters doivent de plus en plus être rattachés à des licences pour atteindre leur audience, le pari de pareil film à budget « moyen » (on parle de 80 millions de dollars) était donc passionnant. La science-fiction est ainsi un genre proposant continuellement des propositions plus originales mais pas nécessairement rentables, à l’instar de Reminiscence. Ici, The Creator se repose sur des concepts connus et actuels, principalement le rapport à l’intelligence artificielle. Il s’en offre une pertinence thématique interrogeant à bon escient la question de la réalité. Le fait même de remettre en question continuellement la véracité des émotions rappelle invariablement Philip K. Dick mais le film parvient intelligemment à évacuer ses références pour développer sa propre mythologie sans avoir besoin de perpétuellement l’expliciter.

C’est là que se trouve alors le cœur du film, dans une relation familiale se développant entre les deux protagonistes principaux et ce questionnement de l’émotion dans ce qu’elle a de plus palpable. L’ampleur du récit parvient dès lors à renvoyer continuellement à l’intimité de cet enjeu tout en dessinant une violence dans ses affrontements. La confrontation à une politique agressive des États-Unis dans des contrées extérieures trouve des parallèles évidents mais appuie surtout cette inhumanité d’action face à des créations cherchant tout simplement à exister. On sent alors le récit nourri par ce rapport à la vie tout en évitant la philosophie de comptoir, préférant donner corps à ces rapports dans l’action et surtout dans l’interaction.

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Là se trouve la plus grande des réussites du film, dressant dans le spectaculaire une violence sourde et dans ses moments de repos une quête de vie touchante. L’accomplissement émotionnel s’y développe dans une narration à priori attendue mais dont les contours passionnent indubitablement. Décidément, Gareth Edwards aime jouer des attentes de son divertissement pour mieux y intégrer des récits d’êtres et des rapports de sentiments qui se doivent de se perpétuer pour trouver sens. Voilà donc le sens du réel : dans la relation avec l’autre, dans sa façon de dessiner le cœur dans la machine et surtout dans la manière de faire de ce Creator, un petit bijou de SF adulte particulièrement réjouissant.  


Liam Debruel



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Dans une science-fiction Hollywoodienne ou l'originalité est une denrée au moins aussi rare et prisée que le carburant dans la géniale dystopie motorisée de George Miller, The Creator de Gareth Edwards n'est pas tant le messie vendu par une critique de l'instant, célébrant parfois (souvent) bien trop vite tout ce qui sort un tant soit peu du marasme de l'ordinaire, quand bien même les dites productions laissent poindre des références furieusement familières.

Mais il est indéniable que le dernier né du papa du magnifique Monsters, en a suffisamment dans le capot pour aussi bien traiter une angoisse existentielle très actuelle - l'intelligence artificielle - au travers d'une lentille science-fictionnelle affûtée, in fine pas tant écrasée que cela par ses (nombreuses) références.

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Véritable rejeton de Blade Runner, Apocalypse Now et A.I, le film se fait un manuel de la dystopie réaliste dès ses prémisses : dans un monde où dans un monde futuriste où l’IA et la robotique semblent avoir fusionné pour créer des machines pleinement fonctionnelles qui vivent et existent aux côtés de l’humanité, les États-Unis déclarent la guerre à l’IA, après que les programmes qu’ils ont intégrés dans leurs politiques commerciales et militaires, ont lancé une ogive nucléaire sur Los Angeles, un attentat causant des millions de morts.
Mais si l'Occident rejette la robotique, l'Orient lui, en plein développement - ce que l'on nomme ici la " Nouvelle Asie ", devient son nouveau refuge.

Avec une Amérique toute puissante caractérisée par sa brutalité militaire, s'en allant opérer hors des frontières légales de la guerre, pour enchaîner les frappes ciblées contre les chercheurs/fabricants d’IA; le tandem Chris Weitz/Gareth Edwards use intelligemment des traumas du passé (changer la robotique par le communisme, et c'est un nouveau chapitre de la Guerre du Vietnam), pour mieux accentuer les questionnements et les inquiétudes existentielles concernant la menace que représente l’IA pour l’humanité.

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Et c'est pleinement l'humanité qui est, in fine, au coeur des débats de The Creator, vissé sur les atermoiements de Joshua, un ancien membre des opérations spéciales désabusé, qui porte les cicatrices de l'attentat de Los Angeles aussi bien psychologiquement (il a perdu sa femme, une chercheuse, et son enfant à naître)  que physiquement, lui qui était sommé d'infiltrer une équipe de recherche derrière la création d'une super-arme IA.
Dévasté et remettant pleinement en question son engagement envers la cause de son pays, il est cette fois missionné, cinq ans après, pour éliminer l'IA, une arme supposément dévastatrice ayant pris la forme d'une enfant synthétique, Alphie.

Bien évidemment, il sera incapable de la tuer (que ce soit de part son innocence constamment interrogative face au monde, où par l'improbable mais évidente paternité de substitution qu'elle lui offre), et leur relation détruira encore un peu plus sa dévotion chancelante, à l'absolutisme anti-machine promulgué par sa nation, alors qu'il tente de l'escorter derrière les lignes ennemies.
Une odyssée à la fois périlleuse et déchirante, puisqu'elle se fait émotionnelle et initiatique, voguant vers la découverte de soi tout en poussant à la reflexion sur ce qu'est l'existence, ce qu'est l'amour et ce que cela signifie être humain, pour le meilleur et (surtout) le pire.

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Du cousu main, évidemment, d'autant que jusqu'à présent, excepté Monsters et son budget minimal, Edwards a toujours eu tendance à laisser la puissance de ses images prendre le pas sur sa narration et ses enjeux dramatique, voire même sur toute ambition émotionnelle un tant soit peu profonde.
S'il retrouve une nouvelle fois ses faiblesses d'écriture, de ses personnages prétextes et taillés à la serpe (avec une gestion accablante des figures féminines, réduites à la caricature), tout droit sortie de son - pourtant fantastique - Godzilla, à une dynamique père/fille un peu trop vite évidente, il fait preuve néanmoins d'un équilibre saisissant dans sa manière d'aborder la catharsis de son anti-héros titre, ou même le thème deuil, que ce soit celui vécu par les êtres de chairs ou ceux de métal.

Une nuance qui renforce d'autant plus sa vision bienveillante de l'intelligence artificielle, miroir positivement déformé d'une humanité apathique et dénuée d'empathie, tant il considère l’IA non pas comme l'artisan de l'extinction de l'humanité, mais comme un outil, une aide pour que l'homme retrouve son humanité, arguant que nous avons plus de chance de survivre en faisant la paix avec ce nouveau paradigme (fruit de notre propre création,  qui vivrait étonnament mieux sans nous), plutôt qu'en plongeant aveuglément dans une tentative maladroite et brutale de se sauver par la destruction - l'homme est le principal ennemi de l'homme.

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Un optimisme, une empathie du cinéaste qui se calque sur la relation entre Joshua et Alphie, une force (pour l'ancrage émotionnelle du spectateur) qui se transforme toute fois presque instantanément en une faiblesse, là encore des causes d'une écriture un brin fragile, puisqu'il prive tout suspense quant à un hypothétique revirement de décision du premier - la tuer -, maladroitement laissé ouvert par la narration durant une bonne partie du long-métrage, et ce jusqu'à son final cruellement expéditif.
Difficile d'ailleurs de ne pas penser, assez souvent, à son excellent (oui) Rogue One, tant il y a une familiarité évidente entre les deux histoires contées par le cinéaste : deux courses effrénées de rebelles/opprimés face à un impérialisme brutal, qui se heurtent aux propres limites et incohérences instaurées par leurs propres récits, tout en parvenant à se rendre ludiques malgré leurs issues prévisibles.

En revanche, s'il se retrouve plus avisé (mais pas trop) d'un point de vue de sa gestion dramatique et émotionnel, il n'a strictement rien perdu de son ambition visuelle en cours de route.
De sa représentation physique loin d'être artificielle de l'IA à sa création d'un monde débordant de vie, en passant par une manière toujours aussi habile de jouer avec les échelles, The Creator en impose techniquement et visuellement, et marque très souvent les écoutilles (un solide Zimmer à la B.O) et la rétine, jusque dans son exploration de la violence gratuite de l'homme (particulièrement corsée et lourde de sens pour du PG-13).

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Savoureusement ambiguë dans sa morale (n'est ce pas l'humanité, et par extension notre monde qui, au-delà d'être plus dangereuse, est plus foncièrement mauvaise que l'intelligence artificielle ?), renouvelant juste ce qu'il faut une popote science-fictionnelle et existentielle familière, The Creator, loin d'être le classique instantané vendu voire espéré, n'en reste pas moins une épopée ambitieuse et intense qui en impose, une denrée rare au sein de la jungle impersonnelle dans lequel gravitent les blockbusters Hollywoodiens de récente mémoire...


Jonathan Chevrier



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