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[FUCKING SERIES] : Marvel Studios's Secret Invasion : La catastrophe de trop ?


(Critique - avec spoilers - de la mini-série)


Il y a un sacré paradoxe dans la réception populaire de ce que peut proposer le MCU depuis le début de la Phase IV, dans le sens où si l'on se plaint férocement d'une formule cinématographique familière usée jusqu'à la moelle que la firme ne se gêne même plus de dégueuler sans sourciller - et avec la certitude d'aligner les billets verts -, dans le sens inverse en revanche, quant elle cherche à la renouveler au coeur de son laboratoire expérimental qu'est Disney Plus... elle se mange le même type de réactions, voire même peut-être encore plus violentes (qui a dit absurde ?).

S'il ne transforme résolument pas le plomb en or, son giron a néanmoins le bon ton de faire sensiblement bouger les lignes d'un univers partagé sans ligne claire et cohérente, en proposant quelques escapades certes pas toujours mémorables mais au moins un tant soit peu originales, à défaut de totalement s'extirper des nombreuses tares du MCU (scripts anecdotiques/insignifiants, une surabondance de fonds verts foireux,...).

Copyright 2023 MARVEL.

On a beau taper sur la qualité des SFX (où de tout, en fait) d'un She-Hulk, du côté innocent (donc futile?) de la rafraîchissante Miss Marvel, du petit côté actionner des fêtes de fin d'année qu'est Hawkeye, où du gloubi-boulga mythologique d'un Moon Knight; chaque show apporte, globalement, plus de personnalité sur la table que la plupart des films de récentes mémoires, à quelques exceptions près chapeautées par des cinéastes " à pattes " (Sam Raimi, James Gunn, Chloé Zhao).

Mais il est vrai que si, qualitativement parlant, l'univers cinématographique pique du nez depuis un bon bout de temps (et il n'a pas attendu Avengers : Endgame pour ça), celui du petit écran n'a jamais vraiment décollé (même Loki et Wandavision ont leurs défauts majeurs), quand bien même ses évasions s'avèrent un tant soit peu divertissante, ce que ne pourrait pas dire un Black Widow, un Thor : Love and Thunder ou même un Ant-Man et la Guêpe : Quantumania.
Peut-être plus encore que le décevant Le Faucon et le Soldat de l'Hiver, le déjà lynché et conspué Secret Invasion est le show qui s'inscrit le plus directement dans la veine de Captain America et Le Soldat de L'Hiver, Secret Invasion joue pleinement la carte du thriller politique qui joue habilement sur les apparences et la paranoïa du monde et de ses personnages (À qui faire confiance ? Les personnes sont-elles réellement ce qu'elles sont ?), nous ramenant aux belles heures des petits thrillers d'espionnage ayant fait leur beurre au cœur des 90s (avec en prime, Londres et la Russie pour cadre), avec même une petite pointe improbable de revival à la V.

Copyright 2023 MARVEL.

De la mécanique simple et ronronnante mais furieusement efficace, où un pitch familier (des extraterrestres métamorphosés - les Skrulls -, réfugiés errants sur Terre après que leur monde natal ait été détruit dans une guerre galactique, décident de nous voler la planète en exterminant tout le monde) et conspirationniste juste ce qu'il faut, qui ramène au cœur des débats un Samuel L. Jackson/Nick Fury vieillissant mais toujours prêt à en découdre (lui qui est cruellement absent des débats depuis trop longtemps), tout en suivant scrupuleusement tous les tropes séculaires du genre, sans même avoir à exiger une connaissance importante sur l'univers cinématographique Marvel.

Et en tant que thriller d'espionnage matinée de SF, bien qu'il se délite gentiment mais sûrement au fil des épisodes, le show fait gentiment le café tant il distille une tension sournoise (l'ennemi peut prendre n'importe quel visage) et quelques messages bien sentis (notamment quelques ruminations plutôt pertinentes, sur l'immigration - ici cosmique -, sur la frustration raciale et l'expérience noire en Amérique), mais il ne pêche pas tant dans ce qu'il raconte (malgré ses incohérences et la paresse évidente de l'écriture,  sur de nombreux points... comme la majorité de ses consoeurs), que dans la manière avec laquelle il met en scène son histoire, tant tout semble cruellement sans vie, sans ambition, sans envie et plombé par une direction artistique à la rue.

Copyright 2023 MARVEL.

Alors certes, on pourra arguer - à raison - que la série se fait littéralement dessus dès l'épisode 5, et que ce qui était espérée comme une conclusion épique ne sera in fine qu'un court walk of shame ne dépassant même pas les 40 minutes au compteur (qui précipite la clôture de tous ses arcs avec une frénésie navrante), sans oublier le traitement risible du personnage de G'iah/Emilia Clarke (le plus puissant du MCU ?); mais en replaçant toutes les pièces du puzzle à leur place (un show d'à peine trois heures, pour développer ce qui reste l'une des propositions les plus complexes du MCU depuis un bon bout de temps), le résultat est loin d'être aussi catastrophique que beaucoup se plaisent à dire.

En toute franchise, et bien qu'elle soit une belle occasion gâchée (qui ouvrira cela dit quelques pistes pour Armor Wars, voire Captain America : Brave New World), Secret Invasion n'en reste pas moins une proposition plus que correcte qui, à l'instar de la merveilleuse Andor du côté du giron Star Wars, aurait mérité d'être plus autonome et non insérée de force dans un univers pré-marqué et malade (et sans doute pas assez pour certains, aussi paradoxal que cela puisse paraître), pour s'exprimer pleinement, d'autant que la maison Disney avait fracassé tout suspense à son égard dès sa sortie (la promotion de The Marvels de Nia DaCosta, qui tease la présence de Fury).


Jonathan Chevrier