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[CRITIQUE] : Club Zero



Réalisatrice : Jessica Hausner
Avec : Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein,...
Distributeur : Bac Films
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Autrichien, Allemand, Français, Britannique, Danois.
Durée : 1h50min

Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.

Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro.


Critique :


On avait laissé le cinéma de Jessica Hausner sur la Croisette cannoise il y a quatre ans de cela avec Little Joe, une dystopie envoutante et au rythme lancinant, sur un futur sous anesthésie, un drame à la lisière du zombie movie clinique avec des humains creux niant toute transformation intérieure, captivant dans sa manière de questionner la notion du bonheur et de sa dictature.
Le tout avec un joli tacle sur l'industrie pharmaceutique et un superbe couple Emily Beecham/Ben Wishaw en vedette - prix d'interprétation féminine pour la première à la clé.

Quatre ans plus tard, rebelotte avec un nouvel effort catapulté directement en compétition officielle, Club Zero, porté par la définitivement trop rare - mais habitué de la réunion cannoise - Mia Wasikowska, et voulu comme une satire acérée de la société contemporaine, bien moins inscrite dans la veine subtile d'un Yorgos Lanthimos que dans celle excessive et - de plus en plus - autosatisfaite d'un Ruben Östlund (scène de vomi inclus) qui, doux hasard, occupe le poste de président du jury sur cette cuvée 2023, après avoir été primé l'an dernier pour Sans Filtre.

Mais toute bonne intention soit celle de la cinéaste au départ, le dispositif qui structure même le nouveau long-métrage de la cinéaste autrichienne s'avère tellement froid et creux qu'il annihile avant même son premier tiers, sa volonté d'incarner une fable satirico-consciente autant sur les dangers d'une société contemporaine où l'alimentation est constamment remise en question, que sur ceux provoqués par un « mindful eating » censé garantir un avenir à la fois durable et sain.

Copyright Coproduction Office / Fred Ambroisine

Elle visse sa caméra sur une école de la haute bourgeoisie où les jeunes élèves sont jetées dans le bain de l'alimentation consciente par une gourou déglinguée, entre apprendre les avantages à bien manger aussi bien qu'à ne pas manger.
Car plus que de suspecter le moindre aliment que l'on consomme, l'acte le plus révolutionnaire qui puisse être posé est tout simplement d'arrêter de manger pour se rapprocher, paradoxalement, de la vie la plus saine qui soit et d'atteindre le très sélect " Club Zero " (endoctrinement sinistre et malsain, bonjour).

Le problème est que cette allégorie méchante - mais surtout vaine - du monde actuel où les pathologies alimentaires finissent par se transformer en pathologies psychologiques, ne semblent jamais vraiment rien d'autre avoir à dire que ses petits tacles mesquins (l'engagement écolo-bobo, le véganisme,...), puisque entre deux cadrages aseptique et symétrique, la cinéaste se foue royalement de personnages dont on ne sait finalement pas grand chose, pions interchangeables d'un jeu d'échec à l'esthétique New Age sinistre, qui assainit totalement le discours idéologique qu'il est censé critiquer.

L'éternel dilemme de l'ouroboros pour une œuvre cynique et un brin superficiel (car que peut-on où doit-on manger, finalement ? Qu'a à dire Hausner sur le sujet, dans le fond ?), au détachement dramatique totalement assumé tant il se veut le symbole d'une société elle-même absurde et émotionnellement stérile dans son aliénation collective.
Club Zero manque sérieusement sa cible de fable satirique aussi cruel qu'acide donc, quand bien même il était nécessaire de se pencher sur ce que les troubles de l'alimentation peuvent provoquer mentalement, émotionnellement et physiquement, encore plus sur une jeunesse influencée et influençable, pleinement touchée par la culture du paraître et de la pression sociale.


Jonathan Chevrier