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[CRITIQUE] : Banel & Adama


Réalisatrice : Ramata-Toulaye Sy
Avec : Khady ManeMamadou Diallo, Binta Racine Sy,...
Distributeur : Tandem
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Sénégalais, Malien.
Durée : 1h27min

Synopsis :
Ce film est présenté en Compétition au Festival de Cannes 2023.

Banel et Adama s’aiment. Ils vivent dans un village éloigné au Nord du Sénégal. Du monde, ils ne connaissent que ça, en dehors, rien n’existe. Mais l’amour absolu qui les unit va se heurter aux conventions de la communauté. Car là où ils vivent, il n’y a pas de place pour les passions, et encore moins pour le chaos.


Critique :


Au sein d'une sélection officielle dont on discutera encore longtemps de la pertinence de la présence de certains habitués (comme chaque année en somme), la présence au sein de la compétition officielle du premier long-métrage de Ramata-Toulaye Sy, Banel & Adama, a presque tout d'une magnifique anomalie.

Co-production franco-malienne-sénégalaise incarnant la seule représentation de l'Afrique noire dans la programmation " palmable " (elle est la seconde réalisatrice de l'histoire à y figurer, après Alice Diop pour son magnifique Atlantique en 2019), le film se fait une expérience savoureusement insaisissable et atmosphériquement grandiose, au carrefour de références plus où moins aisément perceptibles (Terence Malick, Lars Von Trier), mais qui n'écrase jamais l'assurance et le lyrisme puissant qui se dégage d'une romance simple - mais point simpliste - confrontée aux conventions et aux croyances d'un monde archaïque.

À la suite la mort du premier mari de Banel, la tradition locale - musulmane - décrète que son frère cadet, Adama, doit l'épouser : une chance dans ce mariage est une véritable union d'amour et de passion ardente.

Copyright Best Friend Forever

Des traditions qui servent autant leur amour qu'elles incarnent de véritables entraves à son expression, tant les rites et les devoirs qui sont promis à un Adama tirailléen tant que possible chef du village, viennent percuter de plein fouet leur désir de vivre la plénitude de leur amour, sans conventions ni attaches.
Mais dans un univers marqué par les superstitions, une série de malheurs commence à se produire, la sécheresse apparaît, le bétail meurt et le devoir envers la communauté supplante douloureusement la vérité des cœurs...

Tragédie lancinante sur une terre presque hors du temps, écrasée par un soleil de plomb qui pousse continuellement le récit à flirter avec les courbes d'une lente descente vers un songe fiévreux où symbolisme, imaginaire et réalité se confondent dans un ballet poétique; Banel & Adama se fait une étonnante fable sur la décomposition d'un monde archaïque et régit des pouvoirs ancestraux, au travers d'une puissante et vibrante émancipation féminine d'un personnage peu aimable (magnifique Khady Mane) et frustré par une condition qui s'apparente, sans cesse, aux sables mouvants qui ne cesse d'engloutir ces maisons en périphérie du village.

Lutter pour exister dans un monde furieusement immobile où la moindre tentative d'évolution est continuellement effacée, contrôlée par Dame nature elle-même, où s'aimer paraît presque être un acte d'égoïsme pure.
Plus qu'un premier effort, Banel & Adama est la magnifique naissance d'une cinéaste à suivre de très, très près.


Jonathan Chevrier