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[CRITIQUE] : La Grande Magie


Réalisatrice : Noémie Lvovsky
Avec : Denis Podalydès, Sergi Lopez, Noémie Lvovsky, Judith Chemla,…
Budget : 6,7 M€
Distributeur : Ad Vitam
Genre : Comédie dramatique
Nationalité : Français
Durée : 1h50min

Synopsis :
France, les années 20. Dans un hôtel au bord de la mer, un spectacle de magie distrait les clients désœuvrés. Marta, une jeune femme malheureuse avec son mari jaloux, accepte de participer à un numéro de disparition et en profite pour disparaître pour de bon. Pour répondre au mari exigeant le retour de sa femme, le magicien lui met entre les mains une boîte en lui disant qu’elle est à l’intérieur. Cependant il ne doit l’ouvrir que s’il a absolument foi en elle, sous peine de la faire disparaître à jamais. Le doute s’installe alors chez Charles…


Critique :

Le cinéma n’est qu’illusion. Croire en l’impossible, le temps d’une fiction. Figure discrète mais bien présente du cinéma français, Noémie Lvovsky signe son huitième long métrage avec La Grande Magie, une adaptation libre de la pièce éponyme d’Eduardo De Filippo. Convoquant son amour de la comédie musicale et du burlesque américain, la réalisatrice nous embarque dans les années 20, où la bourgeoisie indolente rencontre des artisans de l’illusion.

Copyright Atelier de production - Les Films du Poisson-Niko Film-Magie Rouge Productions -Arte France Cinéma- Bayerischer Rundfunk-2022

Cette rencontre fait des étincelles. Un mauvais tour est joué à Charles (Denis Podalydès). Sa femme disparaît lors d’un spectacle de prestidigitation mais ne réapparaît pas. En vérité, Marta (Judith Chemla) en a profité pour fuir son mari jaloux à toute jambe. Albert (Sergi Lopez), magicien peu convaincant mais parfait bonimenteur, arrive à faire croire l’impossible à Charles. Sa femme serait dans une petite boîte en bois et il n’y a que la pensée de Charles qui peut faire perdurer son lien avec elle. Une expérience imaginative qui renvoie au chat de Schrödinger, le conjuguant à la tragédie amoureuse. Vaut-il mieux briser le cœur d’un homme ou le protéger de la souffrance ? Albert est-il un artiste au grand cœur ou un opportuniste ? La Grande Magie préfère ne pas trancher et garder le ton léger d’une comédie. Tout n’est que fête quand on décide de ne plus s’accrocher à la réalité.

C’est ce qu’on peut reprocher au film de Noémie Lvovsky, cette propension à garder une narration si aérée qu’elle lui file entre les doigts. Quelque chose manque à cette féerie pour qu’elle est le goût burlesque du spectacle qu’on nous propose. Peut-être parce que la féerie n’est rien sans le drame. Le besoin de s’immerger dans la fiction est une réponse à la réalité pas toujours belle. Que serait le rêve de voler si la gravité n’existait pas ? C’est dans un équilibre parfois fragile que se niche la féerie. Sauf que La Grande Magie ne touche jamais le sol. Il est bien beau d’utiliser des outils “méliesque” pour convoquer la beauté de l’illusion si la réalité qu’on lui oppose n’a pas de valeur. Le malheur de Charles ne nous touche pas, comme celui de Marta, si malheureuse dans son couple qu’elle s’enfuit sans réfléchir. Le récit nous pond même une amourette innocente fauchée au vol par la tragédie comme un entracte sans saveur.

Copyright Jean-Claude LOTHER

Si on ne doute pas de la sincérité de la cinéaste dans son ode à la fiction, La Grande Magie se regarde comme une faible aporie de l’illusion cinématographique sur le temps qui, paradoxalement, fait perdre progressivement sa suspension d’incrédulité au spectateur. Fort heureusement, les chansons aux paroles poétiques de Feu ! Chatterton viennent égayer le peu de magie qu’il reste. C’est déjà ça.


Laura Enjolvy