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[CRITIQUE] : Anna


Réalisateurs : Alberto Grifi et Massimo Sarchielli
Avec : Anna, Raoul Calabrò, Irene Escolar, Pilar Castel,...
Distributeur : Les Films du Camelia
Budget :
Genre : Documentaire.
Nationalité : Italien.
Durée : 3h43min

Synopsis :
Mineure, enceinte, Anna s'enfuit de son collège. Elle rencontre Massimo Sarchielli sur la place Navone, lequel la conduit dans un appartement, qui sert de studio de tournage, pour devenir le cobaye d'une expérimentation « réaliste ». Les deux réalisateurs voudraient reconstituer une histoire larmoyante mais Anna ne joue pas le jeu et les techniciens se révoltent contre le scénario. Un électricien, Vincenzo, répond au besoin d'amour de la jeune fille : il entre dans le champ et lui déclare sa flamme, en même temps qu’il livre ses récits de luttes ouvrières. Le support vidéo permet d'enregistrer le temps réel et la « vraie vie », sans recourir aux coupes et aux manipulations de la fiction de cinéma. La praxis de la désobéissance que réalisent Anna et Vincenzo permet aux deux jeunes de s'approprier leur vie dans une dimension révolutionnaire.



Critique :


Il y a quelque chose de profondément excitant à l'idée de découvrir ce qui est étiqueté comme le film expérimental le plus célèbre du cinéma italien, longtemps exempté des salles par chez nous (voire même sur ses propres terres, hors festivals) et enfin disponible à la vision de tous.
Entre le documentaire, la fiction plus où moins scripté et l'oeuvre philanthropique, Anna d'Alberto Grifi et Massimo Sarchielli était une révolution dans la plus pure et singulière définition du terme, une preuve que la vie dans son extrême dureté et vérité, peut se mêler au septième art dans un geste cinématographique filmé à la hâte et en constant déni de lui-même, qui se réapproprie constamment sa propre identité en se déconstruisant/reconstruisant continuellement; une oeuvre qui sort de la norme (ce qui la rapproche des cinémas d'Aldo Braibanti et de Pier Paolo Pasolini), qui a le courage de montrer une mineure aux prises avec une vie trop grande et dure pour elle.

© LES FILMS DU CAMÉLIA

Expurgé de tout oeil compatissant dans son portrait d'une gamine de seize ans enceinte et fuyant les internats catholiques, nourrit par l'optique cinématographique du sentiment de culpabilité mal dissimulé d'une bourgeoisie qui pouvait s'offrir le luxe de ne pas se considérer comme telle (un détournement experimental de la réalité qui va se voir opposer à la réalité elle-même, et une équipe technique qui se révolte face à la tournure que prend le projet), Anna vire lentement mais sûrement d'une jeunesse délaissée et en fuite à une humanité en lutte où la - fausse - pitié laisse place à l'empathie et à la capacité de souffrir et d'être ensemble, un cinéma qui unit dans sa banalité (des enregistrements vidéo au son vacillant, des plans souvent flous non par caprice artistique mais par le fruit du hasard,...).
Puissant dans son désir de révolution au coeur d'une société qui n'a pas tant changée en un demi-siècle, profondément didactique dans sa manière d'être une vraie oeuvre politique à la fois difficile et inconfortable, Anna est anti-film impossible et extraordinaire, un long-métrage qui ne se contente pas de filmer un esprit de révolution mais qui l'incarne de tous les pores de sa pellicule.


Jonathan Chevrier


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